Parce que l’acte de donner la vie leur est momentanément ou définitivement impossible, d’innombrables couples ou femmes seules viennent consulter un gynécologue. A cette impossibilité de mettre au monde un enfant, la médecine répond dans certains cas en proposant des traitements palliatifs qui tentent de contourner ce qui n’est pas possible. Les FIV, les procréations médicalement assistées bien connues aujourd’hui du public, ont permis de nourrir ce fantasme, largement amplifié par les médias, qui consiste à penser que la médecine pourrait désormais donner la vie. Pourtant, les succès dans ce domaine sont bien incertains : donner la vie apparaît comme un pouvoir qui ne se possède pas : pas plus par les couples que par les médecins.
Donner la vie représente également un acte multiforme, qui n’est pas réductible à ses dimensions organiques. Que faire des embryons isurnuméraires" produits à l’occasion d’une FIV et dont on ne peut se résoudre, ni à les abandonner à d’autres, ni à les faire venir au monde, encore moins à les détruire ? La procréation médicalement assistée peut-elle entrer en conflit avec certaines valeurs culturelles de la société ? Transformera-t-elle au contraire ces valeurs, plus vite peut-être que nous ne l’aurions pensé ? Donner la vie est une affaire complexe, dans laquelle les dimensions sociales et psychologiques occupent une place déterminante.
L’anthopologue Georges Balandier en rappelle aussi l’enjeu symbolique : à travers la procréation médicalement assistée, le pouvoir de donner la vie est volé aux femmes par les hommes. Ce n’est pas la première fois qu’ils s’y essaient : c’est ainsi que l’on peut interpréter par exemple les rites d’initiation dans certaines sociétés. Ces pratiques symbolisent une seconde naissance de l’enfant, contrôlée par les hommes cette fois, qui le fera entrer dans le monde des adultes. Comme si l’enfant né de la femme n’était pas véritablement né pour la communauté... Dans nos sociétés aujourd’hui, la détresse de ceux qui ne peuvent concevoir n’est-elle qu’un alibi des médecins pour tenter de s’approprier encore un peu plus le pouvoir hautement symbolique de donner la vie ?
Médecins, ethnologues, psychanalystes, philosophes, biologistes, écrivains et généticiens apportent chacun leur éclairage sur une question délicate, qui ne peut se satisfaire du cloisonnement habituel des disciplines scientifiques et requiert beaucoup de mesure et de dialogue. Au delà des différences d’approche, le colloque au cours duquel les contributions rapportées dans ce dossier ont été rassemblées débouche sur un accord unanime : la procréation médicalement assistée n’est pas réductible à de l’engineering ou à de l’art médical. Cela a tout d’un enjeu social.
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Libro
PORRET, Philippe (sous la dir. de), Donner la vie, FPH in. Dossier pour un débat, 1994 (France), n° 41
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