08 / 1993
La médiation comme mode de résolution des conflits s’est répandue dans de nombreux domaines: la famille, les établissements scolaires, dans les quartiers... Ce phénomène pluriel ne peut se réduire à une simple technique de résolution de conflits. Il s’inscrit dans un mouvement d’intégration sociale. Face à la demande croissante de médiation, la question de la professionnalisation de cette activité se pose. Or, les enjeux qui se cristallisent sur le développement de la médiation sont difficiles à cerner car ils touchent bon nombre d’acteurs intervenant dans le champ de la régulation sociale. Aux Etats-Unis par exemple, les subsides alloués par les Gouvernements locaux ou ceux des Etats, révèlent l’importance de l’enjeu en matière de professionnalisation de la médiation.
Pour résoudre un conflit entre deux personnes, on exige du médiateur des techniques et des règles d’analyse transactionelle, de la dynami-que de groupes et non plus seulement du bon sens et une bonne écoute. La profession-nalisation de cette activité passe donc par la formation. Afin que le médiateur agisse en véritable professionnel, l’exercice de sa fonction implique une qualification.
La légitimité de l’intervention du médiateur repose sur sa compétence professionnelle. Pour les partisans du modèle professionnel, la formation doit, dans cette logique, conférer une véritable identité professionnelle, plus qu’une simple compétence.
Le second enjeu de la médiation passe par l’institutionnalisation de cette activité, par la création d’organisations nationales profes-sionnelles et la recherche de modes de financement, pour assurer la pérennité des projets de médiation. Aux Etats-Unis, des organisations se sont créées et fonctionnent comme de véritables ordres professionnels. L’"Academy of Family Mediators", (l’Académie pour les médiateurs de la famille), par exemple, établit un code de déontologie, publie la liste de ses membres et organise la formation des médiateurs. Par ce biais, elle a un contrôle sur l’ensemble du processus d’accès à la profession de médiateur.
La "Society of Professionnals in Dispute Resolution" (Club des professionnels de la résolution des conflits)est une organisation à vocation internationale. Lors de sa dernière session, les professionnels de la médiation ont réfléchi sur la création d’un statut de médiateur.
En France, le Centre national de la médiation s’est donné comme but de regrouper l’ensemble des praticiens ou organisations de médiation générale.
L’émergence du médiateur comme nouvel acteur dans le champ de la régulation des conflits pose également une autre question : doit-on consi-dérer la médiation comme une profession autonome ou comme l’activité accessoire d’une profession existante ? Avocats, travailleurs sociaux, magistrats estiment qu’ils pratiquent d’une manière accessoire la médiation dans l’exercice de leur fonction. Or ils ne constituent pas pour autant des instances de médiation. La distinction est importante. Les médiateurs recontrent de nombreuses difficultés pour construire leur identité autour d’une compétence professionnelle. Cette identité est pourtant nécessaire pour pouvoir échapper aux tentatives de contrôle du marché de la médiation par les professions traditionnelles du droit ou du social.
Faut-il revendiquer un texte législatif conférant au médiateur un statut ? La légitimité de la fonction du médiateur doit-elle faire l’objet d’une règlementation ? Mais légiférer sur le statut du médiateur n’exclut pas les pressions de la part d’un bon nombre de professions qui tentent de contrôler l’accès de cette nouvelle fonction. Jean-Pierre Bonafé-Schmitt souligne que la médiation peut trouver sa légitimité dans la reconnaissance qu’ont les habitants du quart-ier dans le mode de résolution des conflits. C’est une légitimité sociale qui s’acquiert au fil de la pratique et des mois, par la confiance qu’accor-dent les parties en saisissant directement cette instance de médiation.
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, Estados Unidos de América, Francia
Encadrer, organiser la fonction de la médiation dans une structure et un plus grand formalisme risque d’inhiber l’action sociale, "l’effet thérapeutique" qu’elle exerce : parce que ce mode de résolution des conflits est adapté aux relations quotidiennes, par sa souplesse et la diversité des ses acteurs, parce qu’elle propose un dialogue et contribue à renforcer les liens de solidarité. Les mouvements de professionnalisation, d’institu-tionnalisation ne doivent en aucun cas perdre de vue la répercussion sociale de cette technique.
J.-P. Bonafé-Schmitt, GLYSI, 14, av. Berthelot, 69363 Lyon Cedex 07, France
Libro
BONAFE SCHMITT, Jean Pierre, La médiation : une justice douce, Syros Alternatives, 1992 (France)
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