09 / 1996
Le Comité des mères de soldats est créé en avril 1989, à cette période du régime gorbatchévien où la société s’anime sous l’effet de la perestroika. Sa ondatrice, Maria Kirbasova, effrayée par les conditions de vie des jeunes soldats dans l’armée soviétique, décide d’organiser des réunions de parents afin d’agir collectivement pour changer les choses. Le Comité des mères de soldats organise des consultations juridiques, apporte un soutien matériel et moral aux soldats et à leurs parents puis, très vite, accompagne son action pratique de revendications plus générales. Le Comité des mères de soldats considère que le passage à une armée professionnelle est nécessaire. Comme l’explique l’une des ses fondatrices: "Chaque homme a son talent, il y a des militaires talentueux mais il y a aussi des gens qui ne souhaitent pas servir dans l’armée".
Dès lors que le Comité émet des revendications générales, il doit changer de mode d’action. A l’aide individualisée, qui perdure, s’ajoute une action publique et politique. Il s’agit d’attirer l’attention des dirigeants sur les revendications du Comité. Les membres du Comité manifestent dans la rue, écrivent à M.Gorbatchev et à tous les dirigeants concernés par la situation des soldats dans l’armée et utilisent les médias pour diffuser leurs idées. A la fin des années 1980, le Comité bénéficie d’une popularité croissante en URSS.
Que ce soit en raison de cette popularité ou de convictions personnelles, Mikhail Gorbatchev ne reste pas insensible à l’action du Comité des mères de soldats. En 1990, les mères de soldats le rencontrent en personne. Le 15 novembre 1990, M.Gorbatchev signe un décrêt "Sur les mesures de réalisation des propositions du Comité des mères de soldats". Le premier secrétaire de l’URSS ne s’engage pas à professionaliser l’armée, mais il permet de faire avancer les choses sur quelques points concrêts.
Une commission spéciale d’enquête sur les décès et les traumatismes dans l’armée est mise en place. En février 1991, le gouvernement de l’URSS adopte un décrêt selon lequel seuls les volontaires peuvent être envoyés pour servir dans le Caucase. Ces volontaires doivent recevoir une solde régulière. Un système d’assurance pour les militaires est mis en place. La solde des soldats est augmentée, leurs rations alimentaires sont améliorées.
Le Comité des mères de soldats se félicite des décisions prises même si celles-ci sont ponctuelles et relativement limitées. Mikhail Gorbatchev s’engage à introduire un service civil alternatif en 1991 ainsi qu’à réduire l’armée soviétique d’un million d’hommes d’ici à 1995. Une réforme de l’armée et de la flotte doit avoir lieu. Malheureusement, les évènements ne laissent pas au chef de l’URSS le temps de mener ces réformes à bien. En décembre 1991, l’éclatement de l’URSS est consommé.
La Russie hérite de la majeure partie de l’armée soviétique qui n’a pas été réellement réformée. Tout reste à faire et le Comité des mères de soldats continue à militer en faveur du passage à une armée professionnelle.
A la suite de l’arrivée au pouvoir de B.Eltsine, les relations se tendent entre le Comité des mères de soldats et le chef de l’Etat. Ce dernier refuse de recevoir les mères et ne répond pas à leurs lettres. Avec le déclenchement de la guerre en Tchétchénie en décembre 1994, la rupture entre le Comité et B.Eltsine est totale. Les élections législatives de décembre 1995 en offrent une illustration. A cette occasion, le Comité des mères de soldats apporte son soutien à la liste d’Ella Pamfilova et de Sergei Kovalev, le défenseur des droits de l’homme qui s’oppose à B.Eltsine.
Les dirigeantes du Comité des mères de soldats sont nostalgiques de la période gorbatchévienne. Pour les élections présidentielles de juin 1996, elles ne soutiennent aucun candidat mais l’une des responsables affirme: "si Gorbatchev avait commencé plus tôt sa campagne et avait eu des chances de gagner, nous aurions pu le soutenir...".
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La perestroika a constitué le début de l’essor de nombreuses associations en URSS et le point de départ de la constitution d’une société civile dans ce pays. L’action de M.Gorbatchev dans cette évolution a été significative. Il semble que le premier secrétaire du PCUS d’alors ait plus fait pour aider les associations, et notamment le Comité des mères de soldats, que le Président russe actuel. L’attachement du Comité des mères de soldats à M.Gorbatchev semble donc compréhensible, mais leur soutien politique à l’ancien premier secrétaire semble vain et témoigne du romantisme politique des dirigeantes du Comité des mères de soldats.
Entretien avec MELNIKOVA, Valentina
Entrevista
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