05 / 1993
Dans tous les pays du monde, les nématodes, vers microscopiques, pullulent dans les tissus végétaux (feuilles, tiges, racines), provoquent des dégâts importants aux cultures (les plantes fanent, jaunissent et pourrissent)et ils ouvrent dans les tissus des portes d’entrée pour de multiples agents tels que bactéries et champignons. En climat tempéré, sont touchés: céréales, betterave, pomme de terre, cultures sous serre, pêcher, vigne, et en climat chaud : café, coton, bananier, canne à sucre et riz. Même les champignons cultivés en sont victimes.
Jusqu’à présent, il y avait deux voies pour limiter la prolifération de ces nématodes : l’utilisation de produits systémiques (à large spectre d’action)tels qu’organophosphorés et carbamates ou bien la désinfection préventive des sols, 3 à 4 semaines avant la plantation, les pulvérisations externes étant totalement inefficaces.
Les nématicides systémiques, tels que l’aldicarbe (Temik), répandus au pied de la plante et enfouis par griffage superficiel du sol, non seulement empoisonnent la sève des plantes mais en plus laissent dans celles-ci des résidus extrêment toxiques qui limitent leur emploi aux plantes ornementales.
Les produits fumigants (bromure de méthyle, chloropicrine, dibrométhane, dichloropropène)ou précurseurs de fumigants (dazomet, metham-sodium), utilisés pour la désinfection préventive des sols, polluent les nappes phréatiques et laissent, eux aussi, des résidus dangereux pour les consommateurs. Certains pays d’Europe ont déjà interdit l’emploi de ces gaz nématicides.
Pour éviter ces atteintes à l’environnement et à la santé des êtres vivants, des recherches de lutte biologique sont actuellement menées dans divers pays : utilisation des prédateurs naturels de ces vers ou emploi de toxines produites par des micro-organismes et des plantes. En France et en Grande Bretagne, leur utilisation est soumise à des tests aussi draconiens que ceux des produits chimiques. Dans d’autres pays, même européens, la rigueur n’est pas encore à la mode! Les champignons nématophages (prédateurs ou ovicides)sont présents dans les sites naturels. Les champignons prédateurs sécrètent une substance collante, engluent le ver, et ensuite envahissent son corps et le digérent totalement grâce à des enzymes spécifiques. Les champignons ovicides développent dans le sol un mycélium qui enveloppe les oeufs de nématodes rencontrés, puis les pénètrent et se nourrissent des embryons. On commence aussi à utiliser les toxines produites par les microorganismes, notamment en Inde où l’on a trouvé des toxines nématicides dans des filtrats de culture de champignons. A Antibes, en 1990, les auteurs ont identifié et purifié un petit acide gras volatil actif sur les nématodes parasites des racines mais non sur ceux des parties aériennes. De nombreuses plantes (crotalaires, margousier ou neem, oeillets d’Inde)sont traditonnellement utilisées en Afrique, en Asie et au Brésil pour éliminer les nématodes phytophages. Elles ont utilisées en cultures intercalaires ou sous forme de broyats incorporés au sol.
Les moyens de lutte biologique susceptibles de remplacer la lutte chimique existent donc bel et bien. Les études sur les champignons nématophages et les mycotoxines sont déjà bien avancées tandis que celles sur les bactéries parasites et les toxines végétales ne font que commencer. Il est indispensable de développer ces moyens de lutte car les nématicides chimiques, qui représentent de trop grands dangers pour l’environnement, sont appelés à disparaître, même s’ils représentent encore la quasi-totalité du marché des nématicides. Les nématicides ont provoqué en Tunisie par exemple la résistance du nuisible. Pour se débarrasser de ces produits, il faudrait un profond changement des mentalités et des habitudes au niveau de la recherche, des industriels et des agriculteurs. Pour les pays du tiers monde, l’utilisation de ces biopesticides, en remplacement des pesticides chimiques importés, permettrait de libérer une ligne budgétaire très importante et surtout d’éviter les milliers d’intoxication et de décès qu’ils provoquent.
Artículos y dossiers
CAYROL, Jean Claude; DJIAN CAPORALINO, Caroline; PANCHAUD MATTEI, Elisabeth in. LA RECHERCHE, 1993/01 (France), 250