04 / 1996
Ce stage de "mobilisation" s’adressait à des jeunes de 18 à 25 ans n’ayant jamais ou très peu travaillé et n’ayant pas d’idée sur ce qu’ils souhaiteraient faire, ni sur la nature réelle du métier vers lequel ils pourraient être tentés de s’orienter. Ces stages étaient organisés chaque année à Besançon (Est de la France)par la "Maison et des Jeunes et de la Culture" du quartier de Palente. Celui de 1995 a été organisé et conduit à la demande de la Maison des Jeunes et de la Culture avec la méthodologie des "Réseaux d’Echanges Réciproques de Savoirs".
Le principe de ces Réseaux est simple : tout le monde sait quelque chose et chacun peut transmettre son savoir. L’échange de savoirs s’effectue sur le mode de la réciprocité, toute offre suppose une demande et toute demande est accompagnée d’une offre, à plus ou moins long terme ; les échanges étant démonétisés; la monnaie, étant le savoir, savoir offerte t demandé, savoirs reçu et donné.
L’animatrice de ce stage était une spécialiste formée à la méthode des réseaux et elle a été soutenue par des membre du RERS du quartier. Pendant six mois les jeunes stagiaires ont pu échanger des savoirs avec des habitants du quartier : recettes de cuisines, sculpture sur bois, marqueterie; la musique de Mozart, le code de la route, l’arabe parlé. Le résultat du stage a été jugé très satisfaisant par les organisateurs qui ont pu remarquer d’étonnantes différences avec les stages précédents menés avec des méthodes plus traditionnelles. La présente fiche ne développe ici que l’aspect "atelier d’écriture" présenté comme offre par un habitant du quartier, et que les jeunes ont pu fréquenter en qualité de demandeurs de ce "savoir-écrire".
Ces ateliers d’écriture ont eu lieu une fois par semaine pendant 3 heures durant les périodes où les jeunes n’étaient ni en vacances, ni en formation technique pratique dans une entreprise. Il y a eu environ dix séances d’écriture.
Sur un thème donné par l’animateur ou par le groupe (mais toujours préparé par l’animateur)chacun est incité à écrire puis à lire à tous et à haute voix les textes écrits pendant la séance. On pouvait ne pas lire un texte jugé trop personnel, mais les auteurs s’engageaient à les lire à une personne de leur choix qui avait leur confiance. Il est arrivé à plusieurs reprise que des jeunes racontent ainsi des drames qu’ils avaient personnellement vécus et dont il n’ont voulu en faire lecture qu’à moi seul.
Le groupe comprenait des jeunes des deux sexes et très divers dans leur parcours antérieur et dans leur comportement culturel. Les deux premières séances étaient obligatoires, ensuite venait qui voulait. En fait tous les jeunes sont venus même si tous n’écrivaient pas toujours.
La mise en confiance a été extrêmement rapide pour les uns, plus lente à venir pour d’autres. Tous les jeunes ont écrit au moins une fois sans contrainte.
La méthode utilisée a été d’affirmer avec la plus grande conviction possible que si quelqu’un écrit avec tout son coeur, le résultat sera forcément beau et que si un lecteur ne trouve pas beau ce qui a été écrit , ce n’est pas l’auteur qui ne sait pas écrire mais l’autre qui ne sait pas lire (c’est-à-dire : trouver et comprendre l’auteur au travers de mots écrits). Ce discours a été immédiatement compris par tous. La réalisation pratique qui a suivi s’est traduite par les commentaires de l’animateur faisant ressortir avec "une stratégie de tendresse", soit une "beauté" soit un "ressenti", trouvés dans les textes écrits par les jeunes et lus à haute voix. Très vite tous ont senti que la conviction de l’animateur se traduisait concrètement dans les faits, qu’on pouvait trouver beaux leurs textes et ils se sont sentis valorisés et reconnus. Si tous n’ont pas écrit tout de suite, tous sont venus dans les ateliers suivants, certains juste écouter.
Au bout de la quatrième séance, je leur ai proposé qu’un ou plusieurs stagiaires animent les ateliers suivants. Ce qui a pu être fait deux fois. La première fois, le stagiaire avait préparé son intervention, trouvé des textes de soutien, imaginé ce qu’il aurait à dire, découvrant ainsi des aspects de la pédagogie. La seconde fois, ce fut un tandem de deux stagiaires qui cette fois avaient peu préparé leur intervention, mais surtout la manière dont ils pourraient se partager le travail.
J’ai pu constater que le déclic qui amenait à l’écriture l’un ou l’autre de ceux qui écrivaient peu ou encore à contre coeur avait été de répondre humainement aux textes. Par exemple, l’un avait écrit ce simple texte "mon grand père m’a donné un bonbon parce que j’avais été sage", il a suffit de parler du geste du grand père prenant le bonbon pour que le stagiaire se mettre alors à écrire des pages entières à chaque nouvel atelier.
Il faut enfin faire remarquer que l’orthographe n’était jamais critiquée. Chaque stagiaire pouvait, s’il en avait envie, soit le faire ensuite, de lui-même, de façon très traditionnelle, soit demander à un autre stagiaire ayant fait par ailleurs une offre en orthographe de lui apprendre à corriger son français.
Les animateurs ont pu estimer la réussite de cet "échange d’écriture" en constatant le taux d’absentéisme notoirement plus bas que pour d’autres activités de ce stage pourtant déjà mieux suivi que les stages conduits de façon traditionnelle.
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, Francia, Besançon
Le MRERS est une association créée par Claire et Marc HEBER SUFFRIN en 1985 et qui fonctionne sur un mode de réciprocité ouverte, chaque participant étant à la fois offreur et demandeur de savoirs. Les fiches ont été produites dans les ateliers d’écriture de ce réseau.
Relato de experiencia ; Texto original
(France)
MRERS (Mouvement des Réseaux d’Echanges Réciproques de Savoirs) - B.P. 56. 91002 Evry Cedex, FRANCE - Tel 01 60 79 10 11 - Francia - www.mirers.org - mrers (@) wanadoo.fr