Les cultures sont rares sur les sols acides et stériles des très grandes étendues de la savane sud-américaine. Celles-ci ne couvrent-elles pas près de la moitié des terres agricoles du sous-continent? Elles sont particulièrement importantes au Brésil, en Colombie et au Vénézuela où elles servent traditionnellement comme de médiocres pâturages. Mais une décennie de recherches au Centre International d’Agriculture tropicale de Cali en Colombie a permis de mettre au point une variété de riz qui s’accommode de ces sols. Ainsi, la voie serait ouverte, sur ces vastes étendues, pour une substantielle croissance tant des cultures que des têtes de bétail. La savane sud-américaine est, en fait, une des dernières terres non encore exploitées par les agriculteurs dans le monde. Par la grâce de cette variété de riz, une surface égale à celle de l’Afrique sub-saharienne va être exploitée pour nourrir les hommes. En réalité, on va associer riziculture et pâturages. Après travail et fertilisation (engrais)du sol, les fermiers planteront le riz en lignes puis répandront les semences pour le pâturage. Celles-ci sont un mélange de légumineuses et d’herbes. On récoltera le riz après trois ou quatre mois, ensuite on livrera les terres au bétail. Les légumineuses founiront en fait, entre 40 et 80 kg d’azote par ha annuellement permettant ainsi de réaliser de substantielles économies sur les engrais chimiques. En 1992, les premiers fermiers de la savane, en Colombie, ont réalisé ainsi des rendements de 3,1 tonnes de riz- cultivé en sec, car les précipitations sont suffisantes- à l’hectare. Ils ont du reste noté l’amélioration des pâturages par les légumineuses et par les engrais qui persistent, une fois le riz engrangé. Ceci va leur permettre de multiplier par 20 le nombre de têtes. Les bovins, sur ces terres, engraissent bien plus vite et atteignent le marché après 15 à 16 mois au lieu des 2 ans nécessaires auparavant. Les petits fermiers qui exploitaient péniblement ces maigres terres élèvent maintenant plus de bovins et réalisent enfin des bénéfices. Il y a aussi des retombées environnementales appréciables car l’agriculture soutenable est maintenant possible et la dégradation des sols par le surpâturage stoppée.Il n’en demeure pas moins que les sols de savane sont pauvres et le riz ne saurait être cultivé continûment, et en tout pas plus de trois à quatre ans d’affilée qui doivent être suivis d’une longue jachère avant de retourner à la riziculture. Enfin, la nouvelle variéte de riz ne doit pas être cultivée seule car, même si la première année elle donnera de bons rendements, elle risque d’être très décevante par la suite. Les fermiers doivent réaliser que le système est fragile.
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, Colombia, Brasil, Venezuela
Il faut espérer que cette technique permettra de réhabiliter les sols des forêts amazoniennes que l’arrachage sauvage d’arbres a fortement dégradés. Comme il faut espérer que cette variété de riz puisse être transposé en Afrique. Il faut surtout croire que les fermiers sauront être assez disciplinés pour cultiver de façon soutenable ces sols fragiles. Faute de quoi, la catastrophe écologique s’abattrait sur eux par épuisement des terres. Cette expérience prouve en tout cas que le Tiers Monde est capable de promouvoir des recherches de valeur et qu’il est en mesure, en mobilisant les énergies , d’assurer son autosuffisance alimentaire.
Titre original de l’article : "Green shoots appear on Colombia’s arid savannahs"
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MADELEY, John in. FINANCIAL TIMES, 1993/05/19 (Royaume Uni)