Comment une contrainte institutionnelle devient la matière d’une expérience dans l’Education Nationale
1996
Une Loi du Ministère de l’Education Nationale, en 1989, enjoint aux écoles de construire des projets d’école, dont l’objectif est d’introduire dans les établissements scolaires davantage de continuité et de cohérence pour les élèves. Christian Billères, Inspecteur, responsable d’une circonscription de 39 établissements scolaires, et son équipe d’animation pédagogique de la circonscription partent de deux affirmations :
- Nous ne partons pas de zéro, les pratiques pédagogiques existent.
- Il faut commencer par faire un état des lieux des pratiques à l’échelle de chaque école.
D’où les questions : - comment faire cet état des lieux ? - Pour quoi faire ? Comment, de cet inventaire, faire émerger un projet pédagogique ?
Un outil de réflexion est proposé aux écoles, partant d’un recensement des pratiques et des actions existantes, contribuant à développer continuité et cohérence de la scolarité pour les élèves : discerner et décrire quels sont les objectifs d’apprentissage poursuivis à travers ces actions, quelles évaluations de ces apprentissages sont faites, et comment. Puis, toujours en équipe d’école, décider, en partant de ces réalités, d’une orientation générale, d’un domaine choisi, pour trouver une ou des cohérences dans l’école. Organiser alors l’existant, pour intégrer et appliquer la directive ministérielle, en faire une richesse, en intégrant également comme richesses des indicateurs internes et externes qui pourraient intervenir dans le projet d’école.
Christian Billères et son équipe pointent alors un risque : le projet d’école peut créer de l’isolement et de l’enfermement. D’où l’idée d’utiliser la démarche pédagogique et sociale des Réseaux d’Echanges Réciproques de Savoirs : mettre les équipes d’école en situation d’échanges réciproques d’offres et de demandes de connaissance et savoir-faire entre elles, pour leur faciliter la mise en oeuvre de leur projet, sa réussite, son ouverture et son évolution, mais aussi son questionnement critique ; le pari est celui-ci : la mise en lien d’échanges réciproques va aider chacun à travailler sur ses propres cohérences. Se pose alors une nouvelle question : quelles sont les conditions à réunir pour que des enseignants parlent de leurs pratiques à d’autres enseignants ?
ETAPES DE LA CREATION DE CE RESEAU D’ECOLES
- Première étape : Une rencontre de tous les enseignants sur les questions : Que pourrait être un réseau d’écoles ? Comment transformer, adapter, réinventer les idées du Mouvement des Réseaux d’Echanges Réciproques de Savoirs (Association Française des Réseaux), pour des réseaux entre collectifs d’écoles ? Quels sont nos degrés de libertés ? Comment articuler une telle organisation avec un système hiérarchique ? Qu’allons-nous échanger ?
- Deuxième étape : Chaque équipe a formulé une offre et une demande : cela a obligé à un travail très intéressant pour les membres de l’équipe, d’explications, description, formulation des besoins.
- Troisième étape : Ces offres et demandes ont été publiées dans des tableaux qui ont circulé dans toutes les écoles.
Quelques erreurs ont été relevées et réajustées dès la première année, en particulier le fait que les groupes d’échanges, même s’ils partaient des offres et demandes existantes, étaient organisés et proposés par l’inspection. Un groupe de gestion du réseau s’est alors constitué, composé d’enseignants volontaires. Il y a eu des réflexions importantes, non achevées à ce jour : attention à la parité et à la réciprocité, en particulier pour éviter le tourisme pédagogique et la modélisation de quelques expériences. Vigilance sur des déséquilibres entre les offres et les demandes, sur des décalages d’implications, de dimensions : "j’offre une recette et je demande une thèse de linguistique", pourrions-nous dire actuellement. Un point très positif : la diversité étonnante des offres et demandes, correspondant à des pratiques authentiques. Autre point positif : la très grande richesse des demandes de formation continue formulées à l’institution (19 demandes de stages différents au lieu de 2 ou 3 les autres années). On constate que plus on échange, plus on découvre positivement le champ de ses ignorances et plus l’on veut continuer à apprendre. Autre constat : les offreurs étaient souvent frustrés du manque de questionnements des collègues demandeurs. Cette situation commence à être dépassée ainsi : des démarches de questionnements se construisent à l’intérieur de l’école avant l’échange, ce qui permet, au moment des échanges, de mieux se questionner mutuellement, de rationaliser sa pratique et de la réajuster grâce au questionnement critique et respectueux des autres. On a aussi constaté que lorsqu’il y a triangulation, par exemple une école offreuse et deux demandeuses, les questionnements sont plus importants et plus riches. Enfin l’espoir de C. Billères et de son équipe est que le Réseau s’autonomise par rapport à la hiérarchie, que les enseignants se l’approprient, et que, peut-être cela modifie le système scolaire. Le fait que, dernièrement, ce soient des délégués des écoles qui ont organisé les futurs échanges alimentent leur espoir.
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, Francia
Le MRERS est une association créée par Claire et Marc HEBER SUFFRIN en 1985 et qui fonctionne sur un mode de réciprocité ouverte, chaque participant étant à la fois offreur et demandeur de savoirs. Les fiches ont été produites dans les ateliers d’écriture de ce réseau.
Claire Héber-Suffrin est coauteur, avec son mari, Marc, de :
- "L’école éclatée" (1981), réédité aux éditions EPI-Desclée de Brouwer en 94
- "Appels aux intelligences" (1988), Ed. Matrice
- "Echanger les savoirs" (1992),Ed. EPI-Desclée de Brouwer
- "Le cercle des savoirs reconnus" (1993), EPI-DDB.
Texto original
(France)
MRERS (Mouvement des Réseaux d’Echanges Réciproques de Savoirs) - B.P. 56. 91002 Evry Cedex, FRANCE - Tel 01 60 79 10 11 - Francia - www.mirers.org - mrers (@) wanadoo.fr