Christian Rudel, spécialiste de l’Amérique latine et auteur de nombreux ouvrages sur ce continent (1)analyse quelques réalités des civilisations pré-colombiennes (religieuses, modes de vie...)souvent occultées par le coopérant espagnol, pour ensuite montrer l’esprit de résistance qui anime ces peuples depuis 500 ans,à travers quelques exemples marquants.
1992 a été marquée par les célébrations du 5ème centenaire de la "découverte de l’Amérique" par Ch. Colomb, selon la terminologie officielle. Cependant, les indigènes, appeles abusivement "indiens" ne l’entendent pas de cette oreille et comptent rappeler les souffrances dont ils furent les victimes et qu’ils continuent encore de subir. L’auteur cite ainsi les premières lignes d’une déclaration de 120 représentants indiens réunis en juillet 1990 à Quito :"Nous, Indiens d’Amérique, nous n’avons jamais abandonné notre combat permanent contre les conditions d’oppression, de discrimination et d’exploitation qui nous ont été imposées par l’invasion européenne de nos territoires ancestraux"... Alors, pourquoi ces oublis de l’histoire ? L’histoire est toujours écrite par les vainqueurs. Les Espagnols se sont attachés à masquer la culture autochtone pour imposer la leur : civiliser, instruire, christianiser étaient les maîtres-mots. Et pourtant, même les conquistadores se sont émerveillés devant la grandeur des cités incas, mayas, aztèques qui ont parcouru les siècles. De grandes civilisations avaient vu le jour en Amérique avec des systèmes politiques, militaires, administratifs, religieux très complexes.
C. Rudel rappelle quelques grands traits de ces sociétés (la question religieuse, la relation à la terre, le principe de la communauté :
* La plupart des peuples du continent américain connaissent un Dieu suprême (Pachacamac dans l’empire ica, Nanderuvusu pour les Indiens Guaranis...)parfois entouré de dieux secondaires. Les Aztèques et les Incas vont même jusqu’à instaurer un culte officiel : celui d’Inti (le Soleil). Si des différences existent sur la pratique religieuse, la morale, elle, est semblable dans tout le continent. "Ne sois pas paresseux, ne sois pas voleur, ne sois pas menteur".
* Pour l’Indien, la terre est source de toute vie, non seulement au niveau alimentaire mais aussi pour l’air, l’eau, les sources... La terre ne peut donc pas devenir une propriété privée : elle doit rester un bien communautaire.
* La communauté est l’élément de base de ces sociétés : chez les Incas par exemple, chaque famille avait droit en usufruit à des terres pour asssurer sa propre subsistance. Une partie des terres était réservée pour l’empereur, une autre pour le culte.
Sans parler de société idéale, C. Rudel y voit les prémices de l’écologie.
Ce mode de vie va être totalement remis en question avec l’arrivée des Espagnols. Cependant, les Indiens vont résister, souvent héroïquement, à l’envahisseur. On peut citer tout d’abord la résistance Inca à l’avancée des troupes de Pizarro qui se conclut tragiquement avec l’exécution du dernier Inca, Tupac Amaru. Pour le Mexique, l’auteur retient la guerre des Chichimèques autour des mines d’argent de Zacatecas, ou les Incas réussissent à créer une province autonome et à mener une guerilla efficace contre les Espagnols. Le climat de guerre diminua petit à petit par l’envoi de religieux évangelisateurs et par une politique plus souple des conquérants (livraison d’outils agricoles, libération de prisonniers...)Au Chili, les Mapuches vont infliger des revers aux Espagnols, qui leur accorderont en 1641 un territoire propre. Même au XIXème siècle, de serieux affrontements vont opposer les Indiens à la couronne d’Espagne : en 1780, Tupac Amaru, descendant de l’Inca de Vilcabamba, ayant utilisé tous les moyens legaux pour améliorer le sort du peuple (les esclaves y compris), va prendre les armes, aidé à cela par plus de 100.000 Indiens, et faire vaciller le régime. Sa mort le 18 mai 1771, si elle va être suivie de violentes répressions, marquera aussi le début d’autres soulèvements qui continuent aujourd’hui. Par ailleurs, l’auteur souligne que même les indépendances ne furent pas synonyme de plus de justice pour les Indiens, leur exploitation pouvant s’accentuer avec l’établissement de pouvoirs créoles. Si les guerres et les révoltes furent lourdes en vies humaines, les mauvais traitements, les maladies, l’esclavage, le furent tout autant : sur une population de 25 millions d’habitants à l’arrivée des Espagnols, le Mexique n’en compte plus qu’un million en 1600.
Aujourd’hui, les Indiens remontent la "pente démographique". La Bolivie est le pays le plus indien à 71 %. Sur ces 7 millions d’habitants, le Guatemala vient au 2eme rang avec 66 % de ses 9 millions d’habitants. Ainsi, les Indiens reviennent sur la scène latino-américaine, fiers de leur culture millénaire, et revendiquent le droit d’exister et de vivre "dans le respect de leur tradition et de leur dynamique propre".
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, América Latina
C. Rudel montre que l’histoire des Amériques est synonyme de résistance à l’envahisseur, résistance qui peut être couronnée de succès. Il va à l’encontre de beaucoup d’idées préconçues sur le rôle passif des Indiens qui courbent l’échine sous l’exploitation. Par ailleurs, il montre que ce combat est toujours présent. En 1995, par exemple, les descendants des Mayas ont pris les armes dans l’Etat du Chiapas au Mexique en disant "Ya basta !"(ça suffit !)
Mais il est dommage que l’auteur ne parle pas aussi de la résistance noire et des déshérités. Il ne s’agit pas de "500 ans de résistance indienne", mais bien de "500 ans de résistance noire, indienne et populaire."
"Guatemala, terrorisme d’Etat"; "Rio Bravo, les dos mouillés à l’assaut des USA"; "Les combattants de la liberté"
Artículos y dossiers
RUDEL, Christian, 1492-1992 : 500 ans de resistance indienne, Centre Lebret in. Foi et Développement, 1991/06/07 (France), n° 194
CEDAL FRANCE (Centre d’Etude du Développement en Amérique Latine) - Francia - cedal (@) globenet.org