A travers cet article, Engelbert Mveng , jésuite camerounais, professeur d’histoire à l’Université de Yaoundé, aborde un chapitre peu connu de l’histoire du continent américain : l’arrivée bien avant Christophe Colomb de peuples originaires d’Afrique. Puis, il abordera le rôle central de cet homme dans les débuts de la traite négrière et ses effets désastreux qui persistent aujourd’hui.
La conversion de l’auteur à cette thèse de Noirs partis d’Afrique vient de sa rencontre avec le Dr. Alexander Von Wuttenau, professeur mexicain d’origine allemande, lors de la présentation de sa collection de terre cuites olmèques et mayas pour le festival mondial des arts nègres à Dakar, en mars 1986.
Dès 1493, Christophe Colomb mentionne ces faits dans son journal d’après les récits des Indiens. Cependant, des affirmations orales ne suffisent pas à étayer cette thèse sur des communautés noires vivant sur le continent américain depuis des milliers d’années. L’archéologie va elle apporter des preuves étonnantes avec ses milliers de sites. Par l’intermédiaire de statuettes , toutes les races sont présentes, y compris le type négro-africain. Si l’on retient la très riche civilisation olmèque au Mexique, la présence africaine y est très affirmée (3.000 ans avant l’arrivée des Européens), notamment par les 13 colosses de granit qui représentent d’authentiques nègres africains.
Quel fut le rôle de l’homme noir ? Il fut à mi-chemin entre le Dieu et le roi, en tous les cas, ce qui est sûr, c’est qu’il fut "un créateur de civilisation" et non pas un envahisseur saccageant la culture indigène pour sa soif d’or. Cependant, il ne faut pas se méprendre sur les propos de l’auteur : son intention n’est nullement de revendiquer une quelconque découverte avant Colomb, mais de replacer le continent africain par rapport à l’arrivée du marin gênois. Tois points se dégagent :
- Il est scandaleux de voir l’attitude des historiens qui omettent cette présence négro-africaine;
- L’influence de l’Afrique de l’Ouest sur Colomb doit être rappelée : il a appris la mer pendant 12 ans, en sillonnant les eaux de cette région et sûrement les routes maritimes atlantiques auprès des marins autochtones. De plus, il a commencé sa carrière comme négrier sur la côte continentale.
Ce qui distingue Colomb des auteurs "découvreurs" qui lui sont antérieurs, c’est le caractère impérialiste de son expédition. Cette idéologie, née et entretenue par les Etats chrétiens de la Péninsule ibérique a pris corps avec les premières navigations portugaises sur l’Afrique. Le phénomène de la traite des Noirs étant un phénomène majeur, l’auteur décide d’y revenir plus longuement, surtout sur le rôle de Colomb.
Ce type de commerce existait déjà avant Colomb et ses débuts datent de 1435-1436, oeuvre des Portugais. Le vice-amiral va, lui, introduire et officialiser l’esclavage des Indiens et des Nègres en Amérique.
En effet, ce phénomène commence par les Indiens : lors de son premier voyage, seulement quelques-uns sont enlevés pour servir de guides, d’interprètes et ramenés en Europe, mais lors du second, les massacres, les rapts et la mise en esclavage se mettent en branle (les Indiens contestent leur sort et cela risque de mettre à mal le projet de Colomb). Sur la question indienne, de profondes divergences ont éclaté (l’auteur rappelle le rôle de Bartolomé de Las Casas dans son combat anti-esclavagiste)et il est intéressant de souligner la sympathie (malgré les massacres)des Espagnols pour les indigènes.
Mais sur la traite des Noirs il n’existe aucune polémique (même avec B. de las Casas)et Christophe Colomb, dès son second voyage, va ramener des esclaves d’Afrique qui vont , entre autre, servir de solution de rechange à la main d’oeuvre indienne. Sur ce sujet, beaucoup de choses erronées ont été écrites. Non, ce ne sont pas des planteurs qui sont à l’origine de la traite pour l’Amérique, cette traite existait avant. Par ailleurs, il ne s’agit pas non plus de justifier ce commerce sous prétexte que certains chefs africains le pratiquaient ou en étaient les complices (souvent il s’agissait de personnages fantoches). Ce qu’on ne dit pas, c’est que la plupart des monarques se trouvaient à l’intérieur du continent, donc loin des côtes et du trafic, que certains s’opposèrent à cette traite, comme le roi Don Alfonso qui régna au Congo de 1506 à 1543.
Loin de ces polémiques, plusieurs conséquences désastreuses sont à signaler :
- Cette traite négrière a été la négation de la dignité humaine du négro-africain et son assimilation à une marchandise. L’Afrique devient un immense marché que les puissances européennes peuvent se partager.
- L’Afrique s’est vidée de sa population la plus saine et la plus vigoureuse. Pour le seul Congo, l’auteur avance le chiffre de 13.500.000 habitants exportés.
- Le continent africain a été pillé de ses richesses naturelles et maintenu dans sa paupérisation au profit des puissances colonisatrices.
- Enfin, la quatrième conséquence a été la perpétuation d’un système d’apartheid en Afrique du Sud qui n’a été que la continuation du système d’esclavage en Amérique, seulement actualisé et réadapté aux contraintes locales (économiques, religieuses, sociales).
Aujourd’hui, dans certains pays d’Amérique latine, la population est majoritairement noire et pourtant elle a peu de place dans la vie politico-économique. Le Noir reste cantonné au sport, au tourisme, au folklore, aux rites vaudous en Haïti...
historia, restablecimiento de los hechos históricos, colonización, racismo
, América Latina
Cet article est très riche en révélations (l’arrivée d’Africains 3.000 ans avant les Européens), en détail sur le comportement cynique de Colomb, présenté toujours sous l’angle du négrier. Il a l’avantage d’être bien documenté et, ainsi, de couper court à certaines idées reçues (c’est Colomb qui amène les Noirs, bien avant la création des plantations). Enfin, l’auteur a une approche intéressante, en séparant la traite des Indiens de celle des Noirs : si dans l’honneur un échelonnement est possible, les Noirs étaient en dessous de zéro, ne suscitant aucun sentiment de pitié, comme les Espagnols pouvaient en avoir parfois pour les Indiens.
Artículos y dossiers
MVENG, Engelbert, Ils y étaient avant Christophe Colomb..., "Golias" in. GOLIAS, 1992 (France), n° 31
CEDAL FRANCE (Centre d’Etude du Développement en Amérique Latine) - Francia - cedal (@) globenet.org