Que s’est-il donc passé, durant les années 1950 en France ? Dans cette période de l’après-guerre, une sourde lutte oppose les communistes et les chrétiens. Affrontement des idées et des hommes, dont l’enjeu est la modernisation de l’Etat français et le contrôle de la seconde révolution industrielle. Les communistes défaits, les vainqueurs irrigueront largement la vie politique française au cours des décennies suivantes. Comment l’avenir de la société française a-t-il été déterminé à cette époque ? Que nous apprennent ces évènements sur les processus de mutation sociale ?
Le débat engagé à ce sujet a buté sur un préalable méthodologique : peut-on cerner les limites temporelles d’une "époque" ? Comment périodiser l’histoire, isoler des séquences, repérer des cycles ou identifier des moments de crise ? Vaste débat, qui n’a été qu’effleuré... Les participants se sont accordés à dire que l’histoire n’est ni linéaire ni cyclique, mais présente des "moments critiques", des conjonctions d’évènements qui rendent soudain possible une utopie partagée, qui font qualifier de crédible ce qui était marginal. C’est ce que Patrick Viveret appelle la "cristallisation", alchimie mystérieuse qui naît de la rencontre de "flux de passions". Quelles passions ? L’angoisse et le désir, la haine et l’amour, ces moteurs éternels de l’activité humaine. Ils animent à ce moment les Mendès France, Gruson, Bloch-Lainé et autres partisans de profondes réformes de la société française.
Mais comment le mouvement chrétien s’est-il imposé sur des communistes particulièrement présents au sortir de la guerre ? Il semblait pourtant fragile, ce rameau de l’Eglise qui se développe alors, animé par la théologie de l’incarnation, motivé par un esprit missionnaire revisité, contesté par le clergé traditionnel. Devant inventer sa propre légitimité, il cherche une assise dans le mouvement ouvrier et paysan. N’ayant rien à perdre, il s’ouvre aux influences extérieures, absorbe des apports divers, reste en position d’écoute. S’appuyant sur des concepts aussi flous que mobilisateurs (la "modernité", les "forces vives" de la nation...), il parvient à construire un projet à la fois novateur et profondément enraciné dans la culture et l’histoire collective. Le Parti communiste français en revanche, même s’il exerçait alors un effet de polarisation sur les grands intellectuels et bénéficiait encore d’une large assise électorale, est divisé par l’irruption des chars russes en Hongrie ou la rupture sino-soviétique. Travers, de quelques rigidités, il ne parvient pas à canaliser les aspirations qui naissent à ce moment dans la société française. Pour un mouvement d’idées, la certitude serait-elle un signe de fragilité, plutôt que de puissance ? La force naîtrait-elle de la conscience de ses faiblesses ?
cambio social, identidad colectiva, conflicto social, historia política, Estado y sociedad civil
, Francia
Libro
FPH=Fondation Charles Leopold Mayer pour le progrès de l'homme, FPH in. Dossier pour un Débat, 1994/07 (France), N° 36
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