De retour de vacances pour deux journées avant de partir accompagner un groupe d’une vingtaine de jeunes français au Québec, Abdel Belmokadem me reçoit au "point-info-accueil". Il a pris le soin de confirmer le rendez-vous, puis de prévenir de dix minutes de retard...
L’HISTOIRE DE SON POSTE ?
C’est une initiative de la mairie et des autres partenaires du contrat de ville de Vaulx-en-Velin constatant que les "18 - 25 ans" étaient délaissés, que nombre d’entre eux n’étaient pas ou plus en contact avec les organismes ou intervenants sociaux, constat encore plus marqué sur le quartier du Mas du Taureau, depuis la fermeture du centre social. La réponse prend la forme d’un poste de "chargé de mission jeunes" pour lequel Abdel Belmokadem est recruté en juillet 1995. Il définit ainsi sa fonction : écouter les jeunes, faire le relais avec les institutions (les chefs de projets, État, Région Rhône-Alpes, Conseil général, CAFAL, FAS, ville réunis au sein d’un comité technique), leur exposer les difficultés, les blocages, pour trouver des solutions et éventuellement des adaptations ("rectifier le tir").
Cela peut paraître un peu général, mais Abdel a vite fait de donner corps à son propos.
"LE PROBLèME NUMÉRO UN, C’EST LE TRAVAIL, LES RESSOURCES".
A lui, alors, d’aider à trouver les meilleures réponses possibles, méthode à l’appui :
"Je passe un marché avec le jeune : chercher du travail, c’est un plein temps, sept heures par jour, c’est s’engager personnellement. On prend le temps, on se pose, le jeune résume ses compétences, il marque ses points forts et ses points faibles, les plus ou les moins sur une feuille. Ensuite on fait un plan d’action, on cherche des adresses, des contacts, on ne néglige rien. J’essaie de positiver au maximum. Même si on n’a qu’une adresse pour commencer, on fait la fête... après la personne s’accroche... elle va vraiment se consacrer à la recherche d’emploi, pas à s’occuper. A un moment donné, je passe le relais à la mission locale pour établir un contrat, ou ailleurs parce que ce n’est pas de mon ressort et qu’il s’agit de remettre le jeune dans les circuits existants."
Abdel B. précise qu’environ trente-deux personnes ont ainsi trouvé une réponse à leur problème d’emploi en huit mois, depuis qu’il a pris le poste, que :"C’est du 100 %. Ça marche, alors je ne peux que continuer."
Écoute, engagement
Retour sur la méthode : s’il oblige le jeune à s’engager activement ("la personne qui n’accepte pas le marché, elle prend la porte, les gens me connaissent, ils savent que c’est comme ça"), lui en échange n’économise ni sa disponibilité ni son engagement.
"Ils ont besoin d’être écoutés. Parfois je passe cinq à six heures à écouter, ils me disent ’Abdel, à la prison on ne peut pas parler, ni à l’ANPE, ni à la mission locale... ’Pour l’accompagnement je m’occupe au maximum de cinq personnes à la fois. Ça veut dire que je suis là aux rendez-vous, que je fais avec eux, au moins une fois, après ils savent faire." Comment situe-t-il son intervention par rapport à celle des autres intervenants de terrain ? Il dit avoir l’impression de travailler en lien avec tout le monde alors que les travailleurs sociaux ne travaillent, plus ou pas assez, ensemble. "On ne touche pas le même public, ajoute-t-il, car nos méthodes sont différentes dans la mesure où, eux, proposent des activités".
Valorisation, mise en relation
Et puis, selon Abdel, "Il y a aussi la chance qui joue". En fait de chance, c’est plutôt une aptitude à transformer des situations, à créer des opportunités.
Ainsi, la régulation d’un conflit avec une entreprise dont les travaux sont jugés trop bruyants au gré de ceux qui jettent des pierres sur les ouvriers, débouche-t-elle sur une possibilité d’embauche.
Aussi, quand il se met à l’informatique, puis met en place une activité d’initiation pour cinq jeunes ("ils m’ont demandé d’y toucher"); trois mois après, il contacte le service jeunesse pour un atelier informatique, puis se met en relation avec la plateforme multimédia de Handicap international : trois jeunes participeront à un stage avec des handicapés "Ça a été fabuleux, ils ont fait un journal."
De même quand il aide A. à faire une recherche de travail, "bien qu’il ait plus de 25 ans", quand la situation de ce dernier se débloque, "parce qu’il a des compétences", cela lui permet d’entrer en contact avec des jeunes du quartier, qui vont ensuite monter une association... "En débloquant avec un jeune, on entraîne un quartier. La réussite ça motive, ça redonne un peu d’espoir sur le quartier..."
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, Francia, Vaulx-en-Velin, Rhône-Alpes
L’efficacité du poste semble beaucoup reposer sur le charisme personnel de l’animateur. Avec son tempérament de " battant ", issu du milieu, il est lui-même un exemple de réussite... Sportif de haut niveau, créateur de son entreprise, ouvrier quand il l’a fallu, il n’a jamais été au chômage. A vingt-huit ans, il se dit fort de son expérience, prêt au mouvement, et désireux de faire comprendre aux jeunes qu’il faut se battre. Par contre, il est conscient du risque de créer une aspiration et de faire s’exprimer une demande qu’il ne pourait pas satisfaire.
Il insiste aussi sur la confiance qu’on lui accorde et la liberté d’action dont il dispose. Ce qui ne veut pas dire laisser faire : il rend régulièrement compte de son travail au comité technique. Une formule relativement lourde, justifiée dans une phase expérimentale. Dans l’hypothèse de création d’autres postes de ce type, les partenaires auraient-ils les moyens de reproduire un tel dispositif de suivi ?
Entretien avec BELMOKADEM, Abdel
Entrevista
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