Témoin autant qu’actrice au sein de l’équipe d’Enfants Réfugiés du Monde durant les mois de juillet et août 1994 dans la mesure où j’effectuai un stage de terrain, j’ai pu à plusieurs reprises échanger avec certains membres de l’équipe des réflexions quant aux raisons de certains dysfonctionnements de l’équipe, au-delà de la simple incompatibilité de caractère. Aussi toutes les difficultés qu’une équipe de terrain doit surmonter se sont-elles peu à peu dessinées, avec en filigrame l’amorce de certaines réponses. Grâce à ces multiples discussions sur le terrain se sont dégagés quelques éléments susceptibles d’améliorer la cohésion d’une équipe et par conséquent le travail de terrain.
Nécessité d’un recrutement rigoureux
Pour plusieurs membres de l’équipe, l’une des raisons des tensions internes réside dans le grand nombre d’expatriés qu’elle comporte. Une équipe de 6 expatriés est globalement perçue comme trop lourde à gérer tant au niveau humain que logistique (maisons communes; voitures etc.)Le chiffre idéal pour une équipe de terrain évoqué à plusieurs reprises oscille entre 2 et 3. Rose Anne, par exemple qui a conduit seule un projet au Tchad, reconnait que l’absence d’ échanges lui pesait, notamment quand une décision importante s’imposait. C’est en ce sens qu’elle estime que le nombre minimum doit être de 2. Mais dans le cas du programme d’Enfants Réfugiés du Monde dans la Bande de Gaza, tous les membres de l’équipe reconnaissent qu’il pouvait difficilement en être autrement. C’est ainsi que la rigueur du recrutement est apparue d’autant plus nécessaire que l’équipe est élargie.
La composition de l’équipe est déterminante et doit demander beaucoup d’attention et de rigueur. Une équipe constituée d’une majorité de filles (ou de garçons), comme c’est le cas dans l’équipe ERM en Juillet et août 94, semble être un facteur déséquilibrant. L’idéal évoqué par tous les volontaires est de parvenir à constituer une équipe mixte à part égale.
Enfin, aux yeux du coordinateur de l’équipe qui était par ailleur le plus ancien de l’équipe, ce qui a beaucoup exacerbé les tensions, c’est la fragilité et surtout le manque d’expérience professionnelle de certains membres de l’équipe, confrontés à un travail auquel ils n’étaient pas préparés. L’incompatibilité d’humeur et de méthodes de travail flagrante au sein de l’équipe de ERM-Gaza, m’a convaincue, à l’instar de plusieurs membres de l’équipe, de la nécessité d’un recrutement plus approfondi et collectif. C’est ainsi que procèdent déjà des ONG telles qu’Equilibre, Handicap International...Un recrutement sur une semaine présente beaucoup d’avantages. Il permet de mettre à jour les éventuelles " faiblesses" psychologiques des candidats dont certaines portent à conséquence dans des contextes tels que celui de la Bande de Gaza et de façon plus générale celui des zones de refuge. Enfin il permet de déceler les incompatibilités d’humeur de certaines personnes et de valoriser en revanche les complémentarités.
Des profils de poste bien définis
Une équipe cohérente, fondée sur de réelles affinités identifiées dès le départ a plus de chances de bien s’entendre qu’une équipe constituée de personnes sélectionnées individuellement par une personne extérieure à l’équipe. Ainsi que l’ont fait remarquer certains membres de l’équipe, la volonté délibérée de la responsable de programme au siège de laisser une marge de manoeuvre à l’équipe dans la définition des profils de poste a certes été perçue comme un gage de confiance mais elle n’était pas appropriée dans le cas d’une équipe déjà peu consensuelle. D’après tous les membres de l’équipe, les multiples tatonnements des uns et des autres dans la recherche de leur profil de poste et dans l’ajustement avec celui des autres a largement contribué à rendre les premiers mois trés difficiles avivant dans certains cas les tensions entre expatriés. Les postes doivent être clairement définis au départ afin d’éviter la dispersion et l’empiètement des uns sur les autres. L’expatrié arrivant dans un contexte radicalement nouveau a d’autant plus besoin de se raccrocher à un poste clairement défini qu’il n’a plus aucun repère familier.
Une nécessaire prédisposition à la vie en collectivité
L’étroite interdépendance entre la vie professionnelle et la vie personnelle au sein d’une équipe de terrain m’a beaucoup frappée. Pour des raisons évidentes d’économie, les membres d’une équipe de terrain sont amenés à partager une maison. L’équipe sur Gaza se répartit entre 2 maisons. De ce fait, à partir du moment où ils sont amenés à partager le même toit, la même cuisine et les mêmes soucis domestiques, les relations entre les gens travaillant dans la même équipe ne peuvent plus être seulement professionnelles. Quand les personnes ont de réelles affinités, cela ne pose aucun problème car il est toujours possible de dialoguer. Mais dans le cas contraire, en l’absence de recul, les relations ne peuvent que se détériorer et le moindre problème dégénérer sur le plan professionnel. Enfin, les tensions au sein d’une équipe de terrain sont aussi dues à cette énorme contradiction entre le besoin de prendre des distances à l’égard d’une équipe que l’on a toujours sur le dos et en même temps la nécessaire dépendance à son égard, ne serait ce que logistique : les voitures, vecteur d’indépendance, sont l’objet d’une continuelle concertation et série de compromis (il y a 3 voitures pour 6 dont une régulièrement en panne). Dans ces conditions, il semble crucial qu’une prédisposition à la vie en collectivité soit une condition sine qua non dans le recrutement d’une personne pour une équipe importante de terrain.
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, Palestina, Gaza
Comme dans bien des cas, il est intéressant de constater qu’en dépit des nombreuses difficultés logistiques et relationnelles, l’équipe d’Enfants réfugiés du Monde parvient à tenir le cap et mener à bien son travail non seulement grâce à un énorme investissement de la part du coordinateur mais, aussi, à la volonté de ne pas décevoir le partenaire local.
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