De l’utilité pédagogique et psychologique du dessin comme mode d’expression et de socialisation au bénéfice des enfants... et de leurs mères
06 / 1997
En 1992, ERM mettait en place un centre d’animation pour enfants dans le camp de réfugié de Khan Younnis dans la Bande de Gaza ,en partenariat avec 5 comités de femmes. L’objectif était une prise en charge globale des problèmes psycho sociaux des enfants. Ceci passait bien évidemment par un travail avec les mêmes. Deux exemples illustrent l’ampleur du travail à accomplir auprès des mères et des enfants.
Dessiner...
Convaincus de l’utilité pédagogique et psychologique du dessin, nous avons installé un atelier dessin-peinture dans le centre d’animation. L’objectif est de permettre aux enfants d’exprimer ce qu’ils vivent, de favoriser leur imagination et de promouvoir leur socialisation par l’autogestion de l’atelier. Pour les animatrices c’est un moyen de mieux comprendre les enfants à partir de leurs dessins.
Cet atelier fut un immense terrain d’observation et de surprises. Dès l’ouverture, il fut envahi et investi au-delà de nos attentes. Nous savions que les enfants dessineraient ce qu’ils avaient à dire, à laisser éclater, mais nous n’imaginions pas qu’ils auraient à se dévêtir de leur manteau d’adulte.
Pendant trois mois, les enfants ont dessiné et peint des drapeaux, des mosquées et des fusils garnis de slogans politiques. Leurs communications et leurs échanges portaient très souvent sur leur appartenance politique.
Après des débats, des bilans et des études de cas, l’équipe a laissé circuler cette forme d’expression, en suivant attentivement son déroulement et ses fluctuations. C’était une étape obligée pour aller plus loin. Mieux familiarisées avec le dessin, les animatrices ont alors commencé des activités encadrées, ponctuelles et courtes, qui ont favorisé la variété des dessins. Des sujets gais et variés sont apparus.
Les enfants venaient toujours très nombreux, plus ouverts au plaisir de dessiner sur des thèmes nouveaux. Les fusils et les slogans ont fait place aux dessins poétiques et même humanitaires.
Inlassablement, les animatrices devaient reprendre ce travail. En effet, dès que la situation se dégradait, les enfants revenaient à leurs premiers dessins guerriers pour exprimer leur peur avant de retrouver la capacité de dessiner librement. Ce travail d’adaptation et de tolérance est difficile pour des éducatrices formées, il l’est plus encore pour les mères.
Continuer à vivre
L’histoire de Sherin, souligne cette difficulté. Sherin est une petite fille de 9 ans, calme et affectueuse. Au cours d’un affrontement, Aïd, son frère aîné, est tué. Son corps est porté chez ses parents. Lorsque Sherin revient de l’école, elle voit le corps de son frère et se met à hurler. Il y a du sang sur les murs. Le lendemain au centre, elle dessine le corps de son frère, maculant la page de rouge-sang.
« Sherin n’est pas trop affectée, elle est jeune, elle oubliera » nous confie sa mère quelques jours plus tard. Son animatrice remarque un changement de comportement. Sherin se montre plus silencieuse, comme absente. Petit à petit, au fil des activités, elle retrouve sa joie de vivre. Sa mère ne le supporte pas : « elle ne peut pas être heureuse, elle doit penser à la mort de son frère ». Un patient travail est mené avec la mère pour qu’elle accepte que son enfant, sans refuser la réalité, continue à vivre.
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, Palestina
Si ce programme a pu se mettre en place, prendre de l’ampleur et se pérenniser, c’est en grande partie grâce à nos partenaires presque toutes féminines, comités de femmes, mais aussi animatrices et mères.
Aujourd’hui notre expérience dans la bande de Gaza nous permet de passer à une autre phase de développement, toujours dans le cadre des besoins psychosociaux des enfants : l’ouverture d’un centre de formation d’acteurs de l’éducation non formelle : l’Institut Can’An de pédagogie nouvelle.
Texto original
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