Le rôle des adultes de bonne volonté pour faire renaître l’espoir et la confiance des enfants meurtris par la guerre
06 / 1997
Pourquoi la guerre ? Je pourrai rentrer chez moi ? Ca finit quant la guerre ? Toi au moins, tu as ton pays.». Questions soudaines jetées par les enfants au milieu d’un jeu suspendu, poème écartelé, jeux-thérapie pour soulager les peurs et les tensions. Questions lancées d’un coeur en souffrance à la face de l’adulte impuissant, ne sachant que répondre, ignorant les vraies réponses. Cela se passait durant la guerre généralisée en ex-Yougoslavie, dans les lieux de vie mis en place par ERM auprès des populations réfugiées et déplacées. Je pourrais dire auprès des enfants, je pourrais dire espace ludique. Quelles furent donc les démarches et l’action d’ERM pour faire naître ce remède là bien précis et réfléchi : un lieu de vie.
Réflexion/Actions
Dès le départ, une question surgit : notre action, l’action auprès des enfants est-elle une action pour les enfants ou pour les parents ? Quelle place a le parent dans l’action ? La réflexion en équipe, la concrétisation quotidienne et les résultats ont fait très vite apparaître une nouvelle dimension à la question : du Parent, nous donnions une ouverture à l’adulte en général. Tous les adultes : les parents dépossédés de leur fonction, le grand-parent abandonné, l’adulte en recherche de compagnie, celui qui offre ses services,... Pour cette intégration, il y eut plusieurs démarches, dont :
- verbale et technique : vocabulaire approprié à l’état d’âme de la population et de sa perception des événements, définir les concepts. Travail d’équipe.
- démarches relationnelles : accueillir (sans discrimination, intégrer tout moment), écouter (les colères, les peurs, les rêves, le corps), proposer (laisser le choix, déléguer, laisser le champ à l’initiative). Effort d’équipe.
2ème étape
Comment réconcilier l’enfant, l’enfant avec l’adulte, si l’adulte ne se réconcilie pas avec l’adulte, si l’adulte ne reprend pas en charge sa fonction d’adulte, de parent, d’éducateur. S’il n’est pas acteur responsable du bien être de ses enfants, avec ce qu’il est et ce qu’il a ?Comment mener à bien cette démarche si l’équipe ne prend pas en considération l’adulte dans l’environnement de l’enfant ! Nous avons donc fonctionné avec ce leitmotiv : permettre à l’adulte d’exister dans l’action, en être responsable (dans les 2 sens). Rendre aux parents leur valeur de parent, de savoir, de faire-savoir et de partenaire. Rendre aux parents sa place dans la vie de l’enfant et donner le droit à la famille de se reconstruire. Pas simple, la belle idée ! Il fallait d’abord abolir les a-priori et les barrières : où le parent pouvait le faire, qu’il était attendu dans l’action et par l’enfant. Oui, l’équipe lui laisserait de la place et une place. Oui l’équipe serait toujours là, disponible et catalyseur plutôt que substitut. Oui la situation du présent pouvait changer même si on n’était pas responsable de la cause (exil...)Bref, à chacun son potentiel, sa contribution, sa participation.
De là, les relations se sont intensifiées, la confiance s’est partagée entre enfants et adultes, adultes et éducateurs, adultes entre eux. Et en nouvelle étape, chacun a pu aussi écouter le désir de l’autre et donc entendre celui de l’enfant, et vouloir y répondre. A son rythme, à sa façon. Cela prend du temps mais des résultats concrets sont apparus : des pères qui fabriquaient du matériel pour le centre, des rencontres, des mères qui assistaient aux sorties, des progrès à l’école, des instituteurs partenaires, des violences et tensions diminuées, la revalorisation du soi et du possible. Et une plus grande participation active et créative dans les centres : les adultes restaient plus longtemps, se racontaient davantage, se rapprochaient de leurs enfants en réapprenant le futur.
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, Croacia
Je crois qu’il est incontournable d’intégrer les parents et adultes volontaires à être responsables, laisser le choix aux autres et à tous, d’intervenir, de créer et de construire. Condition sine qua non pour la réussite vers le développement des enfants en paix avec lui et avec les autres par la cohérence du modèle des adultes.
Cette prise de conscience, cette ouverture a favorisé la naissance de ces espaces de vie où l’enfant se (re)construit et où la famille se retrouve.
Je finirai en disant que les interventions dans le monde des violences et de guerres, auprès des enfants meurtris, renient parfois (ou souvent)le potentiel de l’adulte. ERM est porteur de ce message d’espoir qui tend à démontrer que l’adulte n’est pas que une entité de destruction mais a aussi cette formidable foi qu’il peut transmettre à l’enfant désabusé des valeurs de paix.
Et à Zagreb, c’était bien d’y croire.
Brigitte Nardin - éducatrice volontaire ERM dans la bande de Gaza et en Croatie
Texto original
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