Pour aider ses habitants en difficultés sociales, une petite commune d’Alsace crée successivement une association de formation, puis une association intermédiaire, puis une entreprise d’insertion, enfin des activités industrielles et commerciales qui visent aussi un but culturel
12 / 1996
Lutterbach est une petite commune de la banlieue de Mulhouse, seconde ville d’Alsace (région de l’est de la France). La proportion des habitants en difficultés sociales y est plus importante que dans les communes voisines. Pour favoriser leur insertion, l’équipe municipale en place depuis 1977 a mené plusieurs actions successives.
1. Elle a d’abord créé une association sans but lucratif (loi de 1901): INSEF (Insertion Sociale par l’Emploi Et la Formation). Sa mission est de suivre individuellement les bénéficiaires du RMI (revenu minimum d’insertion)de la commune. Elle leur apporte une formation aux métiers du bâtiment sur des chantiers professionnels ; elle a aussi conduit un atelier de restauration, et projette une diversification vers les métiers de l’environnement. Dix postes sous CES (contrat emploi solidarité)ont été ouverts à cette fin. L’association, qui reçoit diverses subventions, rémunère deux permanents à plein temps : un coordinateur et un formateur.
2. Cette formule, très classique, améliore l’employabilité mais ne procure pas d’emplois. La municipalité l’a prolongée par la création, en 1988, d’une association intermédiaire (AI): INSEF-INTER. Selon la loi française, l’AI a pour objet d’embaucher des personnes dépourvues d’emploi et en difficultés d’insertion, pour les mettre à titre onéreux à la disposition de personnes physiques ou morales : particuliers (ménage, jardinage), entreprises (manutention, nettoyage), associations, communes et collectivités (nettoyage, services divers). Débordant les limites de la commune, l’AI a pu ainsi fournir, en 1994, 42 000 heures de travail à175 personnes, en majorité des femmes : cela équivaut à 20 emplois à temps plein. Elle rémunère deux permanents à 130 heures par mois, et utilise les compétences d’un assistant social payé par la commune.
3. Dans le même temps, l’équipe municipale conduisait un projet d’ensemble pour valoriser un quartier : construction de 23 logements , avec crédits HLM (habitations à loyer modéré)et participation des futurs locataires à la conception de leurs logements ; aménagement d’un carrefour central ; remise en état et aménagement, enfin, des caves de l’ancienne "Brasserie de Lutterbach" qui avait cessé son exploitation avant 1970.
Le projet de la municipalité visait plusieurs objectifs : ouvrir un restaurant sous forme d’entreprise d’insertion (EI), donnant du travail et un métier à des personnes en difficultés ; reprendre la fabrication d’une bière artisanale ; instituer un lieu de rencontre pour les associations et sociétés locales ; créer un musée de la bière et du patrimoine dans ces caves du 17ème siècle. Les deux premiers buts sont atteints depuis janvier 1994 ; l’aménagement du musée et de la salle polyvalente se poursuit. Pour ses clients, l’EI est une entreprise ordinaire, pratiquant des prix normaux : une aide spécifique de l’Etat compense la moindre productivité des employés en cours d’insertion.
L’E.I. "Le Chateaubriand", sous la forme d’une SARL (société à responsabilité limitée), a pris la suite de l’ancien atelier de restauration de l’association INSEF. Son capital de 120 000 F est fourni à 83% par l’ACDEL (Association pour une Consommation Différente et pour l’Emploi Local : association sans but lucratif, suscitée par le Maire), et pour 17% par des actionnaires privés. Elle emploie un cuisinier, 3 serveuses, des agents d’entretien à temps partiel. Une SA (société anonyme), "Les Caves de la Brasserie", assure la production de bière. L’ACDEL a souscrit 49% de son capital de 450 000 F, le reste est de sources privées. A terme, ces deux sociétés ensemble comptent employer neuf personnes à temps plein. Un montage juridique approprié laisse à la commune la propriété des investissements, loués aux deux sociétés ci-dessus. En 1994, la brasserie et le restaurant ont obtenu des résultats comptables supérieurs aux prévisions.
Les projets de la municipalité ne s’arrêtent pas là. En fonction des subventions de lancement sollicitées, ils pourraient comporter des actions très diverses, confiées aux structures décrites ci-dessus : gestion des déchets communaux et des environs, développement de services de proximité, aménagement et entretien de l’environnement/biomasse, développement des ventes de bière artisanale, formation d’un animateur culturel des "Caves de la Brasserie", chantiers professionnels en ville (construction et réhabilitation d’immeubles)et à la campagne (chemins de nature, rivières, forêts), formation qualifiante de personnes intervenant à domicile, pour le compte de différentes structures de services. Chaque fois, il s’agit autant de formation et d’insertion de personnes fragiles ou en difficultés sociales que de travaux utiles.
desarrollo local, toma de participación, mercado local, cofinanciamiento, marginación por causas económicas, inserción profesional, construcción de la vivienda, ordenamiento urbano, institución pública local
, Francia, Alsace, Lutterbach
De tels résultats sont remarquables à plusieurs titres : par leur progression, qui s’apparente à "l’intégration verticale" des groupes industriels ; par l’établissement ou le maintien d’un lien social en plus de la mise au travail de personnes défavorisées ; par la convergence d’objectifs économiques, sociaux et culturels. Les chiffres de l’année 1994 en confirment la validité. On peut y voir un pari sur l’avenir, nécessitant un optimisme raisonné. A l’évidence, cette action est due à la conviction et à la persévérance du maire, M. Roger Winterhalter, adepte déclaré d’une économie alternative et solidaire ainsi résumée : "il est possible de vivre et de travailler autrement". Son étude de marché et l’analyse de rentabilité témoignent d’une approche très réaliste. Tirant parti de circonstances favorables, l’existence de caves anciennes et la nostalgie d’une industrie locale, il a su persuader son conseil municipal, qui a voté d’importants crédits d’investissement et de fonctionnement. Apparemment, la population est également d’accord : la municipalité de 1977, constamment réélue, l’a encore été en 1995, et les crédits privés ont répondu à l’appel. Dans la mesure où de tels éléments sont rassemblés - ce n’est pas courant, mais pas non plus exceptionnel - l’expérience est certainement reproductible.
"Projets de développement d’activités nouvelles de proximité" est un fascicule de 48 pages présenté au Préfet du Haut-Rhin par le Maire de Lutterbach le 29 septembre 1995.
Contact : Mairie, F68460 LUTTERBACH
Informe
Communede Lutterbach, 1995/09 (France)
CIME (Comité d’Information et de Mobilisation pour l’Emploi) - CIME a cessé de fonctionner en mars 2007. - Francia