L’accès au crédit, un moyen pour échapper à l’emprise des propriétaires terriens

Le Fonds de crédit des coolies (Coolies Crédit Fund, CCF) est un programme de crédit mis en place par la Société pour le développement et la formation agricole (Agricultural Development and Training Society, ADTS), une organisation non gouvernementale de l’Inde du Sud qui accorde des prêts sans intérêts aux petits paysans et aux travailleurs agricoles sans terre. Le programme du CCF est appliqué par les Groupes des Associations de coolies (Coolies Shanga Units, CSU) à travers l’organisme qui les chapeaute, l’Association des coolies de Bagepalli créé en 1985 (Bagepalli est une subdivision administrative du district de Kola, dans l’Etat de Karnataka).

Tous les villageois de la région cible sont habilités à devenir membres du CSU en versant une roupie. Ils sont alors éligibles pour bénéficier de prêts sans intérêts qui peuvent être utilisés pour satisfaire des besoins de consommation ou être investis dans des activités génératrices de revenus.

Le CCF est un programme de crédit-épargne qui est géré par ses membres eux-mêmes. C’est un système alternatif pour des villageois qui étaient jusqu’alors complètement dépendants des propriétaires terriens à qui ils devaient fournir du travail. Les petits emprunts qu’ils pouvaient faire auprès d’eux -appelés « emprunts de main »- se faisaient aux mêmes conditions que ceux qu’ils pouvaient contracter auprès de prêteurs privés et ils étaient assortis de taux d’intérêts exorbitants pouvant aller jusqu’à 350 % an ! Ces « emprunts de main » permettaient en outre aux propriétaires terriens de gagner de l’argent, non seulement avec les intérêts reçus mais aussi avec le travail non rémunéré que les fermiers étaient tenus d’effectuer à leur profit lorsqu’ils ne pouvaient pas les rembourser au moment prévu. Ainsi, les paysans entraient dans un engrenage sans fin et s’endettaient toujours plus.

C’est dans ce contexte qu’un groupe de jeunes coolies décida de braver les propriétaires terriens et de chercher une solution pour sortir de cet endettement. C’est cette initiative qui amena l’ADTS à créer le CCF.

Le programme du CCF a permis de changer le rôle du propriétaire terrien usurier. Les villageois ont maintenant accès à des prêts sans intérêts qu’ils peuvent utiliser pour subvenir à leur besoins essentiels ou pour commencer des activités génératrices de revenus qui représentent parfois les seuls moyens d’existence de certains villageois, en particulier les personnes âgées qui n’ont plus les forces physiques nécessaires pour les gros travaux.

De nombreux villageois de l’Etat du Karnataka ont pu bénéficier des prêts du CCF. Certains petits paysans sans terre sont devenus de véritables entrepreneurs indépendants. Ils sont maintenant cordonniers, vendeurs de guirlandes de fleurs, propriétaires de chars à boeufs, de bétail, etc.

A ces améliorations matérielles s’ajoute le fait que le programme du CCF a permis aux villageois de comprendre l’importance et l’utilité du travail et de l’organisation communautaires. Le programme a adopté le principe de la responsabilité solidaire du groupe pour les crédits. De plus ce sont les bénéficiaires eux-mêmes qui assurent le fonctionnement du fonds de crédit. Les villageois apprennent donc peu à peu à organiser des réunions, à se mobiliser, à faire fonctionner un programme d’épargne et de crédit, etc.

Les réunions du CSU sont aussi mises à profit pour aborder l’éventail des problèmes qui peuvent se poser dans un village, qu’ils soient d’ordre social, politique ou personnel. Le rattachement au réseau CSU permet une diffusion efficace des informations et de fréquents échanges d’expériences.

Le CCF a donc contribué à libérer les pauvres des pratiques usuraires peu scrupuleuses des propriétaires terriens. Il a aussi donné à des artisans et ouvriers habiles les moyens de devenir de vrais entrepreneurs autonomes.