Projets-pilotes d’agroindustrie rurale et histoires de développement
11 / 1996
A l’heure où la recherche d’alternatives productives devient une question de survie pour les économies paysannes, l’agroindustrie rurale (AIR)peut jouer un rôle moteur pour renforcer et développer les potentialités des organisations professionnelles locales (1). Le succès des programmes menés en Argentine par l’INTA (2)avec les minifundistes (petits producteurs)confirme l’intérêt d’une telle démarche :
- San Juan : semences horticoles et conserves (15 groupements de producteurs, soit 400 familles);
- Catamarca : introduction d’une variété de raisin sans pépin pour la fabrication de raisins secs et la vente en frais ; neuf unités de séchage solaire ont été construites (4 groupements, 400 producteurs);
- Santiago del Estero : production cotonnière (1200 producteurs); en 3 ans les rendements ont progressé de 140 % avec une amélioration de la qualité de la fibre, ce qui s’est traduit par une progression des revenus de 190 % par hectare ;
- Misiones : installation d’une scierie en liaison avec le programme de boisement de l’organisation de petits producteurs "AFAMM" (3)(650 producteurs); le projet a permis de boiser 3500 ha depuis 1988. etc.
Rencontre avec les petits producteurs de projets d’AIR du Chaco et de Mendoza : Leader d’une organisation paysanne dans le Chaco
"El gordo" est responsable de l’UNDEPROCH (Union de pequeños productores del CHACO)qui regroupe 2400 familles de petits producteurs au Nord-Est de l’Argentine. Leur problème ? Le coton : sa production et sa commercialisation. Aujourd’hui, grâce à l’association, "ça va un peu mieux" : ils ont vendu dans de meilleures conditions mais il leur faut encore stabiliser leur situation en obtenant des titres de propriété pour la terre qu’ils cultivent.
"El gordo"a ses convictions, c’est un leader paysan dans la bonne vieille tradition latino-américaine : anti-impérialiste et anti-oligarchique : il n’est pas vieux, pourtant il fait partie des anciens dirigeants paysans. Il s’est battu avec certains compañeros dans les années 70 pour améliorer les conditions de vie des petits producteurs. Les coups, les chutes, les amertumes n’ont pas cassé sa volonté. Leur organisation a gagné en expérience et ce qu’ils ont obtenu aujourd’hui était impensable il y a 20 ans ! Leur voix est maintenant écoutée "officiellement" tant au niveau des instances provinciales qu’à celui des Conseils Régionaux des Centres de l’INTA où sont fixées les politiques pour la paysannerie.
Pour l’instant, l’UNPEPROCH s’emploie à améliorer les variétés de coton, à diversifier la production avec le manioc, les patates douces, le maïs, les agrumes, l’élevage de volailles... On espère avoir de nouvelles possiblités dans l’agroindustrie rurale avec l’amidon de manioc, le miel de canne... C’est vrai que les repères politiques sont devenus plus flous mais pour "El Gordo" une chose est sûre, il faut s’organiser à la base... Un jour viendra le vrai changement !
Mendoza : un réseau d’entreprises de femmes
"- Depuis que le gouverneur lui a fait la bise, elle ne se lave plus la figure !/ - Le problème, c’est qu’eux ils sont restés des pauvres paysans alors que nous, nous sommes devenues des dirigeantes d’entreprises..."
L’asado était bon, le vin de Mendoza coulait à flots. Les petites plaisanteries échangées entre mari et femme étaient plus révélatrices que les enquêtes auxquelles, nous les "experts", faisons parfois appel.
Le réseau d’agroindustries rurales "féminines" est certainement une expérience intéressante comme activité productive dans une région où la crise viticole a été forte, comme processus d’insertion spécifique des femmes dans la société et comme manière de valoriser leur savoir-faire. Une trentaine de produits a été ainsi lancée sur le marché : de divers types de conserves de fruits "qualité artisanale" à la pâte de coing, des figues au sirop à la confiture de raisins... Los Compartos, El Ceibo, La Calandria, Maipu... Une dizaine d’entreprises coopératives de groupement de femmes, gérées séparément, mais qui commercialisent leurs produits en commun sous une même marque : "Hogar Rural". On est vraiment loin du goût standardisé auquel nous habituent les grandes chaînes de distribution ! "Pour moi, c’est une thérapie, déclare l’une des dirigeantes, vous n’imaginez pas quel bien cela m’a fait de monter cette petite entreprise, de savoir que c’est à nous, même si pour l’instant il faut presque tout réinvestir, donc n’en retirer que peu d’argent..."
Elle avait une cinquantaine d’années, et nous parlait de son histoire : de leurs joies et de leurs tristesses, de leurs déceptions et de leur courage... Des histoires de femmes et d’hommes, celles qui tissent les vraies histoires de développement, ce qu’oublient parfois les créateurs de "pépinières d’entreprises".
desarrollo rural, historia, asociación de productores, fortalecimiento de los grupos de base, pequeño productor, investigación acción
, Argentina
Ces histoires d’organisation paysanne prouvent que les innovations techniques, à l’heure où la maîtrise sociale pose des questions essentielles, peuvent être au service de nouvelles solidarités. Elles montrent également le rôle et l’utilité d’un organisme de recherche-développement d’Etat (l’INTA)au moment où le triomphe du "libéralisme économique", avec son cortège de changements structurels dont personne ne nie la nécessité, n’hésite pas à laisser dépérir des Universités et des Centres de Recherche jugés non "rentables". Ces histoires pourraient être de "tous les mondes" qu’on n’arrête pas de "découvrir", latino-américain, africain, européen de l’ouest ou de l’est, asiatique du centre etc., pour peu que l’on prête attention à la diversité...
(1)L’AIRest un thème de recherche-développement majeur en Amérique Latine, conduit par : IICAApartado 55, 2200, San José, COSTA RICA. Fax (506)229 47 41; CIRAD-SAR= Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement-département Systèmes Agroalimentaires et Ruraux. Adresse : cf. ALTERSYAL. Ces organismes collaborent au sein du PRODAR= Programme Coopératif de Développement de l’Agroindustrie Rurale en Amérique Latine et Caraïbes. Contact : BOUCHER, François(directeur exécutif du PRODAR, IICA/CIRAD-SAR)
(2)INTA=Intituto Nacional de Tecnología Agropecuaria. Alsina 1407, Buenos Aires, Argentine
(3)AFAMM = Association des Familles agroforestières minifundistes de Misiones
Artículos y dossiers
CATALANO, José; MUCHNIK, José, Organisations intermédiaires : la voie fédérative : Argentine : Minifundistes et chercheurs : promouvoir l'industrie rurale in. Histoires de développement, 1992, 19
ALTERSYAL (Alternatives Technologiques et Recherche en Systèmes Alimentaires) - Coronado, San José, COSTA RICA c/o CIRAD-SAR, 73 rue J.F.Breton - BP 5035- 34032 Montpellier cedex 1. FRANCE - Tél. 04 67 61 57 01 - Fax 04 67 61 12 23