Concurrence des bouillons cubes importés ?
08 / 1996
"Nététou" au Sénégal, "soumbala" en Guinée ou au Mali, "dadawa" ou "iru" au Nigeria, ces appellations désignent un même condiment présent sur tous les marchés ouest-africains. Ingrédient majeur de la cuisine africaine - au même titre que le nuoc nam en Asie du Sud-Est - le nététou est issu de la tranformation des graines des gousses de néré (Parkia spp), une légumineuse arbustive très abondante dans la sous-région. Traditionnellement élaboré pour un usage domestique, en zone rurale ou urbaine, il devient un produit de rente pour de nombreuses productrices : l’exploitation des produits de cueillette est un élément fondamental de stratégie de diversification de leurs systèmes de production actuellement en crise*. Des filières s’organisent à l’échelle régionale avec des exportations de produit brut et de produit fini entre les différents pays.
Les gousses sont cueillies d’avril à juin, écossées et dépulpées. Les graines sont lavées, mises à bouillir pendant 12 à 24 heures, décortiquées (l’ajout de sable dans le mortier facilite le pilage par son action abrasive). Les cotylédons sont lavés, mis à cuire 3 heures, laissés à fermenter 48 à 72 heures, puis salés et partiellement séchés pour allonger la durée de conservation. C’est la fermentation qui permet le développement des qualités organoleptiques principales du nététou : forte odeur, goût prononcé, couleur brun foncé. Selon les régions, la pâte issue des cotylédons est façonnée de diverses façons : en boulette au Sénégal, en cône au Mali, en petits disques ou pyramides au Nord-Cameroun. Pour accélérer le processus de transformation et obtenir un produit fini plus tendre, les producteurs du sud-ouest du Nigeria y incorporent un sel riche en carbonate de potassium ; les Yoruba du Nigeria, certaines populations du Mali ajoutent des graines broyées d’hibiscus. Certaines femmes enduisent leurs boulettes d’une solution à base de feuilles de baobab séchées pour les rendre plus brillantes. Cette diversité des produits répond aux attentes des différents groupes de consommateurs, dont les préférences se manifestent notamment selon l’appartenance ethnique, d’où une segmentation des marchés urbains en fonction de l’origine du consommateur. Cette segmentation est cependant peu prononcée à Dakar où le nététou de Casamance occupe 60 % du marché, suivi par le soumbala de Guinée, et dans une très faible proportion par celui du Mali.
Si les différents nététou entrent en compétition les uns les autres, ils sont également concurrencés par des exhausteurs de goût industriels : les fameux "bouillons cubes" bon marché (un cube coûte de 20 à 25 FCFA **)et diffusés sur le marché africain par les grandes firmes agroalimentaires à coup d’importantes actions publicitaires. Tout comme le nététou, ils renferment du glutamate qui relève parfaitement le goût des sauces accompagnant riz, mil, sorgho... Une enquête réalisée à Dakar auprès de 250 consommateurs montre que le netetou reste très populaire et est consommé par toutes les catégories de consommateurs, quel que soit leur revenu. Il est indispensable dans la plupart des plats sénégalais (maafé, domoda...)mais, unanimement, les ménagères lui reprochent la présence d’impuretés (sables,cailloux, restes de coques...)qui obligent un lavage avant utilisation, et les médiocres conditions d’hygiène lors de la préparation et de la vente.
A l’instar de Madame Mariko, à Bamako (Mali), qui a créé l’entreprise UCODALl, des petites unités de fabrication tentent de proposer au consommateur un produit de qualité amélioré, prêt à l’emploi, conditionné dans des sachets plastiques au lieu des habituels papiers de récupération. Mais le surcoût de l’emballage se répercute sur le prix du produit fini (170 FCFA les 100g), qui n’est alors accessible que pour une minorité de la population. Comment mettre sur le marché un produit plus conforme aux attentes des consommateurs urbains tout en maintenant un prix accessible à la majorité de la population ?
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, Senegal, África Occidental
On peut évaluer à plusieurs dizaines de milliers de tonnes la consommation annuelle de nététou dans la région. Mais, comme le soulignent les auteurs, les exigences et les pratiques alimentaires des consommateurs urbains évoluent. "Les produits vivriers locaux doivent s’adapter pour mieux répondre à cette attente. Dans le cas contraire, le recours aux importations alimentaires semble inévitable." Ils proposent donc que la recherche-développement travaille davantage sur la valorisation des produits de cueillette comme le nététou. Ils sont une source appréciable de revenus pour un nombre croissant de producteurs, et contribuent à la préservation du milieu écologique par l’exploitation de l’arbre sur pied.
*Notamment en Basse-Casamance (Sénégal)où culture du riz et de l’arachide ne garantissent plus un revenu agricole satisfaisant.
**Avant la dévaluation de 1994, 1000 FCFA = 20 FF. Après = 10FF
L’Agroindustrie rurale AIRet les Petites Entreprises Agroalimentaires PEAsont des thèmes de recherche-action privilégiés du groupe ALTERSYAL
Cette fiche s’inspire des résultats des travaux de recherche du CIRAD-SAR=Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement - département Systèmes Agroalimentaires et Ruraux. adresse : cf. ALTERSYAL
Contacts : DARDE, Christiane,FERRE, Thierry,MUCHNIK, José
Libro
FERRE, Thierry; MUCHNIK, José, CIRAD-SAR; INRA, Alimentation, techniques et innovations dans les régions tropicales : Le nététou au Sénégal, systèmes techniques et innovation, L'Harmattan, 1995 (France); Egalement :; - <DARDE, Christiane>, 1995, <Les initiatives individuelles et collectives des femmes rurales : approche socio-économique desactivités des femmes du département de Bignona (Sénégal)>, 335 p. <THESE>de doctorat : Agro-économie :ENSAM; - 1991, <Les groupements du département de Bignona : aperçu socio-économique>, Document de travail DSA-CIRAD, 42p.
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