Des communautés rurales andines se dotent de boulangeries artisanales et s’initient à la fabrication de pain enrichi en fer
08 / 1996
Au sein du projet ANDES, projet de développement alimentaire et nutritionnel lancé en 1988 par la Faculté des Sciences Médicales de Quito, l’Institut Juan César Garcia et le CIE(1)dans 9 communautés rurales équatoriennes, un diagnostic a montré la haute prévalence de l’anémie par carence en fer dans les familles. Comment améliorer le statut en fer des familles, en tenant compte de leur vécu et de leurs potentialités ?
Choix de la stratégie d’intervention
L’apport de fer sous forme de comprimés est une solution rapide mais contraignante et coûteuse. Par ailleurs, conseiller aux familles d’augmenter la consommation de viande (à haut coefficient d’absorption du fer)est vain à cause de son prix. La stratégie retenue a donc été celle de l’enrichissement en fer d’un aliment qui faisait partie du régime alimentaire. La difficulté consiste à choisir judicieusement "l’aliment-véhicule" et la forme de fer utilisée : il faut obtenir une préparation stable quelles que soient les conditions de stockage, à la consistance, à la couleur et au goût inchangés, au prix acceptable. Le choix s’est porté sur le pain. La farine de blé est, d’un point de vue technologique, le substrat le plus facile à enrichir. Elle est consommée par tous et fréquemment dans la zone d’action et dans l’ensemble du pays.
Modalités de fabrication
Pendant que les premiers essais de fabrication étaient réalisés à l’Université Technique d’Ambato, le rôle du fer et son influence sur la santé étaient abordés avec les familles et les écoliers afin de les sensibiliser au rôle du fer dans la santé.
Il a été décidé de fabriquer le pain sous la responsabilité de mères de famille (la carence en fer prévaut parmi les écoliers). Selon les communautés, le four à pain a été construit par les habitants sur un terrain communautaire, ou installée dans l’école ou dans la maison du leader. Le choix du combustible - le gaz - s’est opéré après une rude discussion. La plupart des familles cuisinent au bois, mais la rareté croissante de celui-ci les oblige à l’acheter de plus en plus cher et certains habitants ont manifesté une conscience écologique. Le matériel est celui utilisé habituellement pour cuisiner, seulement les récipients ont été testés afin de connaître leur contenance.
La formation des mères s’est poursuivie jusqu’à l’obtention de petits pains de qualité organoleptique satisfaisante, d’environ 70 g. Deux types de pain peuvent être fabriqués. Les uns, enrichis en calories et protéines, contiennent farine, graisse, sucre, lait, oeufs, levure, sel, eau. Les autres ont seulement pour base farine, sel, levure et eau. Tous sont enrichis en sulfate ferreux (30 mg/kg de farine), pesé et ensaché par l’équipe de pilotage en quantité correspondant à un nombre déterminé de pains. Des vitamines ont pu également être intégrées. Les pains sont distribués aux écoliers, à raison de un pain par jour. Deux petits pains sont normalement nécessaires pour une bonne couverture ferrique, mais cette quantité s’est révélée trop élevée pour les enfants qui n’avaient plus faim pour le repas familial ! Dans certains cas, les écoliers ont participé à la fabrication.
Résultats
Des conflits de pouvoir entre les femmes, des abandons de responsabilités de la part de certaines et des difficultés de transmission des savoirs ont été observés. Après quelques années, certaines communautés ont poursuivi seules une activité régulière, d’autres sporadiquement. Mais toutes ont des difficultés à s’approvisionner en produits de base (cherté du lait et des oeufs, difficultés de douanes avec le Chili pour l’obtention du sulfate ferreux). Cependant, sur le plan de la consommation, les résultats du programme sont globalement positifs. Une des communautés vend même, le long de la route, du pain et du fromage produits dans l’atelier communautaire, ce qui procure un revenu permettant de soutenir le programme en faveur des écoliers.
Perspectives
L’action de ANDES s’inscrivait dans la ligne de la politique gouvernementale : compléter la ration calorico-protéique des écoliers et réduire la prévalence en fer. L’enjeu reste son extension au niveau régional et national. De nombreuses séances de travail ont eu lieu avec les secteurs privés et publics, mais les décisions gouvernementales et internationales sont longues et la planification d’un projet d’une telle envergure plus ardue que prévu.
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, Ecuador
Un des points forts du projet est la simplification et la rigueur du procédé de fabrication, permis par l’échantillonnage préalable du sulfate ferreux, et la prise en compte du marché de consommation (acceptabilité du produit). Mais on constate comme il est difficile d’obtenir à la fois la qualité organoleptique et nutritionnelle souhaitée. Le pain journalier est bon, énergétique, mais ne suffit pas à compenser le déficit ferreux. Les difficultés inhérentes au marché d’approvisionnement ont été sous-estimées. Ce projet reflète le compromis établi entre une adaptation au contexte technico-socio-économique et la réalisation des objectifs souhaités. Une étude intéressante consisterait à identifier les facteurs expliquant la diversité des résultats et comportements des communautés. La poursuite de l’activité est-elle liée à la motivation des individus, aux facilités d’approvisionnement et d’écoulement (proximité des routes, différenciels de prix selon la localisation)?
(1)ANDES= Alimentación, Nutrición y Desarrollo (Alimentation, Nutrition et Développement)
- Instituto Juan César Garcia(spécialisé en sciences sociales et de la santé), Casilla postal 17-11-6292, Quito, EQUATEUR. Tel 593 (2)455 797. Fax 593 (2)464 412. E-mail : admin@ijuga.ecx.ec
- CIE= Centre International de l’Enfance, Château de Longchamp, 75016 Paris, FRANCE/Tel (33)1 44 30 20 00 Fax (33)1 45 25 73 67
Artículos y dossiers
MASSE RAIMBAULT, Anne Marie, Alimentation, nutrition, développement en Equateur; du fer... au pain et aux citronniers, CIE in. L'enfant en milieu tropical, 1995 (France), 200/221; Lire également :; - <BARROS, Teodoro>, <YEPEZ, Rodrigo>, 1996. <Utopia y desarrollo>. Quito : <Instituto Juan César Garcia>; -<BARROS, Teodoro>, <CHAULIAC, Michel>, 1996. Alimentation, nutrition, agriculture. Rome : FAO FUENMAYOR, Guillermo(Instituto Juan José Garcia)
ALTERSYAL (Alternatives Technologiques et Recherche en Systèmes Alimentaires) - Coronado, San José, COSTA RICA c/o CIRAD-SAR, 73 rue J.F.Breton - BP 5035- 34032 Montpellier cedex 1. FRANCE - Tél. 04 67 61 57 01 - Fax 04 67 61 12 23