Modes d’organisation des acteurs concernés par la fabrication-vente de ce condiment
08 / 1996
Au Sénégal, la tranformation du néré, légumineuse arbustive, en nététou, condiment traditionnel, fait l’objet d’une commercialisation en plein essor. L’activité s’organise actuellement en filières, articulées autour de groupements essentiellement féminins. Dans le seul village de Kagnarou, situé au Nord de Bignona (Basse-Casamance), on en dénombre onze, comprenant chacun une vingtaine de transformatrices. Une analyse de leurs modes d’organisation, réalisée par le CIRAD (1), met en évidence les pratiques des acteurs de la filière.
Des petites entreprises de transformation intégrées aux groupes sociaux préexistants
Les groupements travaillent en prestation de services pour un commerçant qui leur vend le néré et leur achète le nététou. Ce commerçant s’approvisionne au prix de 2000 FCFA* la bassine de 30 kilos de graines de néré** collectées dans les villages de la région ou en Guinée. Les graines sont livrées en sacs de 120 kilos aux ateliers des zones de transformation. Le niveau de production des groupes (jusqu’à 10 à 15 tonnes de néré pendant la campagne de décembre à juin)est étroitement lié à leur facilité d’approvisionnement.
La structuration des groupements met en évidence leur dimension culturelle. Ils sont un exemple de sikafai, sociétés diola*** où les membres de même sexe, même âge ou même statut ont pour objectif de réaliser collectivement des activités économiques ou sociales. Un groupement se constitue toujours à partir de femmes issues d’un même quartier ou kalolé, conformément à une logique de renforcement de la cohésion communautaire. Chaque groupe a un responsable, interlocuteur entre le groupement et le commerçant pour la discussion du prix, la réception des graines... et une responsable, qui supervise la distribution des graines et les opérations de transformation. Les opérations (cuisson, décorticage, lavage...)sont réalisées individuellement, mais des entraides entre les femmes permettent de respecter les délais en cas d’imprévus (maladie,voyage...). Ces entraides communautaires sont une tradition des populations diola. Cependant le savoir-faire continue de se transmettre de mère en fille. Comme le soulignent les auteurs, "les références du groupe social sont en grande partie responsables des formes actuelles d’organisation de la filière néré".
Vers une meilleure maîtrise de l’aval
Le commerçant qui achète la production paie le produit de la transformation d’un sac de 2500 FCFA, une fois qu’il a lui-même réalisé la vente, généralement à Dakar, ce qui peut demander 3 mois à un an. Il n’existe aucun recours en cas de non-paiement. Cesont les femmes qui avancent et prennent en charge les coûts intermédiaires (hormis le sel fourni par le commerçant): bois, location d’une charrette, achat et amortissement des équipements... La marge nette est de 1950 FCFA par sac transformé, distribuée entre chaque femme au prorata de la quantité produite. Elles obtiennent ainsi un revenu par campagne supérieur à celui permis par le maraîchage par exemple (12000 à 15000 FCFA par campagne contre 5000 à10000 FCFA).
A Dakar, le nététou est vendu au public de 500 à 675 FCFA/ kilo. Les intermédiaires sont nombreux. Conscients qu’une meilleure maîtrise de l’aval passe par un fort mouvement d’organisation, les groupements de producteurs-trices de la région se réunissent actuellement au sein de la CORD (2). D’autres expériences de ressortissants casamançais ont été réalisées ces dernières années, comme la mise en place d’un réseau intégré de distribution par un Groupement d’Intérêt Economique de près de 80 opérateurs ayant pour objectif la création d’un circuit court de vente du nététou.
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, Senegal
Les auteurs décrivent la filière nététou comme "un nouvel exemple des capacités d’adaptation, d’innovation du secteur de l’artisanat alimentaire en Afrique [...]. Les commerçants ont joué un rôle essentiel dans [la réorganisation de lafilière]en identifiant les marchés, en localisant les zones de production et en contribuant au regroupement des productrices. Aujourd’hui les productrices contestent la place qui leur est faite. Elles revendiquent le droit à une meilleure rémunération, à une place plus équitable [...]Elles souhaitent aussi innover [...], améliorer les conditions de production. Elles semblent devoir jouer un rôle plus actif dans la filière", comme en témoignent les expériences de plus en plus nombreuses de commercialisation directe vers les grandes villes.
* Avant la dévaluation de 1994 : 1000 FCFA =20 FF. Après : 1000 FCFA = 10 FF
** Néré : Parkia spp. Légumineuse arbustive.
*** Les diola sont l’ethnie majoritairede la zone
(1)L’Agroindustrie rurale AIRet les Petites Entreprises Agroalimentaires PEAsont des thèmes de recherche-action privilégiés du groupe ALTERSYAL
Cette fiche s’inspire des résultats des travaux de recherche duCIRAD-SAR=Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement -département Systèmes Agroalimentaires et Ruraux. adresse : cf. ALTERSYAL
Contacts :
DARDE, Christiane
FERRE, Thierry
MUCHNIK, José
(2)CORD= Coordination des Organisations Rurales du Département de Bignona. Créée en mars 1988.
Libro
FERRE, Thierry; MUCHNIK, José, Alimentation, techniques et innovations dans les régions tropicales : le nététou au Sénégal, systèmes techniques et innovations, L'Harmattan, 1995 (France); Lire également :; -<DARDE, Christiane>, 1995. Les initiatives individuelles et collectives des femmes rurales : approche socio-économique des activités des femmes du département de Bignona (Sénégal). 335 p. <THESE>de doctorat : Agro-économie : ENSAM/1991.; - Les groupements du département de Bignona : aperçu socio-économique, Document de travail DSA-CIRAD, 42 p.; -BERTHOME, Jacques>du <CIEPAC>= Centre International pourl'Education Permanente et l'Aménagement Concerté a écrit <CORD, parler d'une seule voix>, paru dans <HdD>=Histoires de Développement : Organisations intermédiaires, la voix fédérative. 1992/10. p. 25-28
ALTERSYAL (Alternatives Technologiques et Recherche en Systèmes Alimentaires) - Coronado, San José, COSTA RICA c/o CIRAD-SAR, 73 rue J.F.Breton - BP 5035- 34032 Montpellier cedex 1. FRANCE - Tél. 04 67 61 57 01 - Fax 04 67 61 12 23