Cornélia Nauen est chargée de la coopération maritime à la Direction Générale du Développement de la Commission des Communautés Européennes. Ses réflexions sont le fruit de plus de 20 ans d’expérience dans ce domaine.
- Renforcer la capacité d’auto-évaluation. "En Sierra Leone, un pays où l’économie s’effondre complètement suite à l’instabilité politique, les coopératives des pêcheurs ont accumulé une épargne équivalente à 100 000 ECU en trois ans. Il y a peut-être encore trop de dirigisme dans ce projet mais nous avons essayé d’avoir une action intégrée et concertée. On appuie les services sociaux dans les villages, on a offert des possibilités de formation sur mesure comme pour l’entretien des moteurs hors-bord pour les mécanos ou la gestion de micro-entreprises, des choses qui peuvent sembler banales mais qui correspondent à des besoins exprimés et valorisent aussi les ressources institutionnelles et humaines locales (il n’y a que deux expatriés sur place). Maintenant, les coopératives ont embauché une entreprise locale de gestion pour les conseiller tout en ayant la possibilité de la contrôler car la plupart des membres a reçu parallèlement une formation en gestion. Je ne pense pas que le projet, tel qu’il est aujourd’hui, soit fiable. Si nous nous retirions, il n’y a vraisemblablement qu’une partie qui continuerait. Mais trois ans, ce n’est pas beaucoup. Je trouve que c’est un succès partiel. Nous venons d’avoir une évaluation externe qui a mis le doigt sur certaines faiblesses. Je voudrais que nous puissions augmenter la capacité interne à l’évaluation car les personnes qui viennent de l’extérieur peuvent facilement se tromper. Nous voudrions savoir si les conseils formulés par les experts ont été entendus au niveau des villages. Nous allons faire un travail méthodologique pour savoir comment mettre en place des mécanismes d’auto-évaluation et comment l’évaluation externe peut tenir compte de l’auto-évaluation des bénéficiaires.
Dans un autre projet de valorisation des produits de la pêche artisanale en Afrique de l’Ouest, nous avons demandé aux participants d’une phase pilote de répondre à un petit questionnaire d’évaluation. Or, sa valeur informative était plutôt modeste parce que les gens étaient trop courtois. Cette expérience nous a amené à rechercher une méthodologie pour que les gens puissent exprimer des critiques sans inhibition. En Sierra Leone, nous allons apporter un soutien sociologique pour développer cet aspect au niveau des villages. C’est très lent à mettre en place mais quand les gens commencent à voir que nous venons vraiment pour écouter ce qu’ils ont à dire, ils changent aussi d’attitude. Au lieu de nous dire ce qu’ils pensent que nous attendons, ils vont sortir ce qu’ils pensent vraiment."
- La mise au point d’un manuel méthodologique de façon concertée. "Avec les ONG du Sud, il faut commencer à faire plus attention car elles tiennent parfois des discours plus durs vis à vis des pêcheurs que les administrateurs. Certaines ONG adoptent ce statut uniquement parce qu’il y a des opportunités financières à saisir. Dans une fausse volonté d’efficacité, j’aimerais surtout ne pas écarter les institutions et les administrations. Seulement, il faut que les règles soient les mêmes pour tout le monde. Nous menons actuellement une réflexion avec le programme régional pour savoir comment donner un appui méthodologique aux nouveaux organismes, ONG ou non, qui se greffent au programme. Tout le monde est confronté quotidiennement à des problèmes et, si l’on n’a pas la possibilité de demander conseil, on peut parfois se tromper. Dans les cas où les communications sont difficiles, il est donc utile de se référer à un document méthodologique qui peu aider à passer certains obstacles. Nous voulions d’abord publier un manuel sur les méthodes participatives adaptées à la pêche mais ce n’est pas le papier qui change les pratiques. Aussi, nous voulons développer ceci grâce à un travail de groupe avec les principaux intéressés. Le manuel provisoire sera couplé à des fonds souples pour que les personnes qui le testent aient la possibilité de réagir. Sinon, on ne teste rien. La version définitive sera vendue en Afrique à un prix abordable. Ce ne sera pas un don. Les circuits de commercialisation sont suffisamment sous-développés, nous ne pouvons pas nous permettre de les torpiller par des dons aux institutions."
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, Europa
Toutes les méthodologies, une fois mises au point, doivent être utilisées avec intelligence, sans les appliquer à la lettre, comme une recette.
Entretien réalisé par Sophie Nick à Bruxelles dans le cadre de la capitalisation d’expérience du CEASM.
Contact : Commission des Communautés Européennes, Direction Générale du Développement, DG VIII-D-5, 200 rue de la Loi, 1049 Bruxelles, Belgique.
Entretien avec NAUEN, Cornelia
Entrevista
CEASM (Association pour le Développement des Activités Maritimes) - Le CEASM a arrêté ses activités en 2001. - Francia