Bruno Guillaumie a travaillé pendant dix ans en Algérie dans le domaine de la formation maritime. Il est actuellement chargé de formation à l’Association pour le développement des activités maritimes (CEASM).
"Nous sommes partis de la constation qu’en Algérie la profession ne participe pas au programme de formation, elle ne dit pas ce dont elle a besoin, elle n’a pas accès à la propriété, ne participe pas au programme d’importation de matériel et n’a pas accès à l’information. A partir de là,l’idée était de mettre en place un centre de ressources et des projets-pilotes co-gérés par les professionnels et l’Etat. Au cours de la première année de coopération, nous avons organisé toute une série de visites en France et d’ateliers de travail pour que les professionnels participent à la définition du programme de coopération. A cause des évènements qui sont survenus en Algérie, ces ateliers se sont déroulés en France. Nous avons fait venir un groupe composé de binômes (un pêcheur et un administrateur)et c’était la première fois que les administrateurs locaux se rencontraient entre eux et les pêcheurs ne se connaissaient pas tous. Après un temps de regroupement à Paris et des séjours dans différents ports français, ils ont validé les pistes que nous avions identifiées lors de la mission de faisabilité et ont fixé les priorités. Un groupe de six responsables centraux est ensuite revenu. Certaines de ces personnes seront chargées du suivi des différents volets du projet en Algérie. Nous avons arrêté le programme opérationnel et le projet a été agréé par la coopération franco-algérienne pour cinq ans. Les voyages ont été conçus sur une base paritaire, 50% d’administrateurs et 50% de pêcheurs. Cela a obligé les premiers à dialoguer d’égal à égal avec les seconds et c’était une grande première. Il a fallu qu’ils viennent en France pour se voir. Ils ont compris qu’ils avaient besoin d’avoir des professionnels en face d’eux et qu’ils ne pouvaient rien faire sans une profession structurée. Au cours de ces voyages, des choses très intéressantes ont été dites. Des deux côtés, il y a des hommes qui ont envie de faire avancer les choses. Les professionnels ont pu se rendre compte que les chefs d’antenne étaient moins bornés qu’ils ne pensaient et qu’ils étaient parfois obligés de transmettre un discours qui n’était pas le leur. Il faut des locomotives des deux côtés pour qu’un projet comme ça puisse avancer. Ils ont eu des contacts avec des professionnels français, ont même conclu des marchés entre eux directement. Les pêcheurs se sont rendu compte du poids de leurs homologues français sur certaines décisions. Ils ont réalisé qu’ils pouvaient se faire entendre. Mais, ils ont aussi critiqué certains aspects de l’organisation française, la préoccupation qu’ont certaines personnes de privilégier leur carrière, le sur-investissement...ils ont fait des analyses très pertinentes. Avant le voyage, les responsables des organisations françaises ne pouvaient pas imaginer qu’ils allaient parler "hauts de bilans" avec des pêcheurs algériens! Derrière ces séjours et ce programme de coopération, il y a une idée de mise en réseau.
Il faut bien réfléchir et trouver les bons partenaires en Algérie et en France. Ce programme permettra de faire le lien avec l’horizon de 1997, date à laquelle le dinar est sensé devenir une devise. C’est là que le coup de pouce d’un programme de coopération peut être important. Les facteurs de risque sont pratiquement nuls car les réunions principales ont lieu en France. Cela permet d’avancer parce que dans le climat actuel, il y a des discours qui ne peuvent pas se tenir en Algérie mais plus facilement en France. De plus, ça renforce les principes démocratiques généraux de faire participer, au cours d’un même voyage, des membres de l’administration et des professionnels. Ce n’est pas un projet qui coûte très cher. Les participants payent leurs billets d’avion. Ce n’est pas de l’assistanat. Nous essayons d’avoir un rôle neutre."
pesca, mar, cooperación, formación, Estado y sociedad civil
, Francia, Argelia
"Nous avons ce regard éloigné qui permet, avec la liberté que nous avons, de dire un certain nombre de choses que les gens ne peuvent pas dire mais qu’ils ont tout intérêt à voir dire de l’extérieur, et de maintenir un certain cap sur cette parité administration/monde professionnel."
Entretien réalisé par Sophie Nick au CEASM dans le cadre de la capitalisation d’expérience de cette association.
Entretien avec GUILLAUMIE, Bruno
Entrevista
CEASM (Association pour le Développement des Activités Maritimes) - Le CEASM a arrêté ses activités en 2001. - Francia