L’adoption d’une méthodologie au bénéfice de la cohérence des actions
02 / 1996
Pierre Herry est depuis plus de vingt ans secrétaire général du CEASM. Il travaille notamment sur un programme régional pour la valorisation des produits de la mer à l’échelle de seize pays d’Afrique de l’Ouest. Pour initier ce projet, il a été amené à rechercher un outil de programmation et à adopter la "grille logique". Voici comment : "Je me méfie, à priori, des cadres trop étroits d’aide à la conception de projets. C’est le programme régional qui m’a donné l’occasion de connaître "la grille logique". Lorsqu’il s’est agit de définir le concept de programmation et la marche à suivre dans la proposition d’activités, il fallait une certaine cohérence. Ce programme concernait toute une série d’acteurs, seize pays et plusieurs thèmes comme la valorisation de la qualité ou la défense des professionnels. Par ailleurs, il nous fallait trouver un cadre de gestion, un outil d’évaluation de ce qu’on allait programmer sur cinq ans. Sans un outil, c’était ingérable. Il fallait que tous les participants adoptent la même méthode. Mais laquelle choisir ?
Au moment du choix, il y a eu une conjonction de rencontres. La CEE (qui finance ce programme)avait eu l’occasion de travailler avec Participe, une société allemande spécialisée dans la programmation d’objectifs. Cornélia Nauen de la Commission européenne, l’a mis en contact avec moi et c’est là où, pour la première fois, j’ai entendu parler de la "grille logique". Ces Allemands n’étaient pas fermés sur une méthode et ça m’a un peu rassuré. Au cours d’une rencontre à Bruxelles, nous avons convenu d’adopter cette méthodologie pour la phase de programmation. Celle-ci a commencé par une réunion à Abidjan en 1991 de tous les directeurs des pêches d’Afrique de l’Ouest dans une salle sans table avec des chaises disposées en rond. Tout le travail de programmation s’effectue à l’aide de petits cartons sur lesquelles sont notées toutes les propositions et les idées qui sont regroupées sur des tableaux. A partir de cette visualisation, il y a ensuite un travail de synthèse, d’élimination et de hiérarchisation.
La première étape est de former un arbre des problèmes en se posant la question : quel est le principal problème à résoudre? Un seul est retenu. En fonction de lui, on analyse les causes et les effets. Ca prend beaucoup de temps parce qu’il y a généralement plusieurs avis sur le problème à résoudre. L’analyse des causes permet de dégager ce à quoi il faut remédier. Ainsi, ce qui était négatif devient positif.
dans un deuxième stade, il faut dresser un arbre des objectifs en fonction des causes. Ces objectifs doivent être transformés en résultats durables. Par exemple, si l’objectif est "renforcement de la lutte contre l’Edernes qui attaque les poissons transformés", un résultat durable signifie qu’on a trouvé un produit qui, en raison de son prix et de son efficacité, peut être accepté et utilisé par les femmes transformatrices pour lutter contre ce fléau. Il faut donc vérifier que le produit est bon. On traduit ainsi un objectif en résultat durable.
Vient ensuite la question : quels sont les indicateurs qui vont me permettre de dire que j’ai atteint ces résultats? Les indicateurs sont toujours des données quantifiables : Combien de personnes? Dans combien de pays? Est-on passé dans certains sites d’une perte de 50% à 25%?. On appelle cela "les indicateurs objectivement vérifiables". Il faut également préciser les sources de vérification des indicateurs et toutes les activités à mettre en chantier qui permettront de dire : "on a atteint tel résultat en matière de lutte contre l’Edernes".
Nous avons fait ce travail avec les directeurs des pêches mais aussi avec les représentants des organisations professionnelles au cours de deux sessions (pour les pays du Sud et du Nord)à un an d’intervalle. Nous sommes finalement arrivés à nous mettre d’accord sur une programmation d’activités qui étaient en cohérence avec le problème central à résoudre : la valorisation des produits de la mer en Afrique de l’Ouest.
La dernière phase est d’évaluer les risques. Dans un programme, il y a des paramètres sur lequel on n’a pas prise et qui peuvent tout compromettre : la dévaluation du franc CFA par exemple ou l’établissement de barrières dites "non-tarifères" (bakchichs)instaurées par des douaniers aux frontières et qui ne facilitent pas l’approvisionnement des marchés régionaux. On ne peut pas faire grand chose mais il faut en être conscient.
J’ai rencontré des personnes qui avaient utilisé des méthodes un peu similaires mais qui s’en servaient en remplissant des cases pour montrer aux bailleurs de fond qu’une méthode avait bien été utilisée. Ils l’appliquaient bêtement. La "grille logique" est d’abord un outil de gestion qui n’est pas un cadre rigide. On peut dire aujourd’hui qu’il fonctionne. Notre expérience a permis d’apporter des critiques avant l’édition par la CEE d’une brochure qui en rappelle les principes. La cellule "évaluation des programmes de projets" de la Commission européenne a en effet demandé la généralisation de cet outil. A présent, tous les porteurs de projets, les délégués d’ONG, les chargés d’évaluation de programme, les fonctionnaires de l’Union Européenne, toutes les personnes susceptibles de demander des fonds à la CEE, sont sommées d’appliquer la "grille logique".
Entre nous, à l’intérieur de l’association, on n’utilise pas suffisamment cette méthode. On n’ose pas. Pourtant, lors des réunions avec des professionnels, on gagnerait du temps. Au CEASM, nous avons adopté cette méthode dans tous nos travaux d’étude, nos missions."
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, África Occidental
"Moi qui étais parti avec des réserves, j’applique la grille logique à la lettre car cela donne des résultats. Ca a l’avantage de la clarté et d’une meilleure communication avec les partenaires. Ca diminue aussi l’épaisseur des dossiers. On va à l’essentiel."
Entretien réalisé par Sophie Nick au CEASM dans le cadre de la capitalisation d’expérience de cette association.
Entretien avec HERRY, Pierre
Entrevista
CEASM (Association pour le Développement des Activités Maritimes) - Le CEASM a arrêté ses activités en 2001. - Francia