Aller voir ce qui se passe ailleurs
02 / 1996
Eliane Maheut est coordinatrice de formation dans le milieu maritime. Elle vit au Havre (Normandie), est mariée à un ancien pêcheur et a créé une association de femmes de pêcheurs.
"A travers deux voyages d’étude organisés par le CEASM (association pour le développement des activités maritimes)au Portugal et en Irlande, j’ai eu l’occasion de visiter des centres de formation maritime pour les femmes et les organisations qu’elles ont mises en place. A Lisbonne, nous avons vu un centre de formation, Forpescas, qui est l’équivalent de nos EMA (Ecoles Maritimes et Aquacoles).
En Irlande, nous avons rencontré les responsables d’un centre spécialisé dans l’insertion de personnes en difficulté dans le milieu maritime. Ils ont un état d’esprit différent du nôtre ; les responsables de formations peuvent se permettre de faire des actions plus novatrices. Ils ont aussi plus d’argent. Dans ce pays, il existe encore l’aide humanitaire et caritative ; ils reçoivent aussi des aides européennes. Un organisme avait pour politique de travailler avec les enfants s’ils avaient à former les parents et vice-versa. Dans l’insertion, c’est l’absolu de pouvoir travailler avec toute la famille. Ils étaient financés par un mécène danois qui leur envoyait de l’argent pour ce programme. C’est vraiment très intéressant de prendre en charge toute la famille parce que ça ne sert à rien de résoudre les problèmes des enfants si le cas des parents n’est pas réglé.
Au Portugal, ça s’est très bien passé parce qu’on n’avait pas la barrière de la langue (ils parlaient très bien français), on a pu avoir un échange très constructif. En Irlande, quelqu’un nous servait d’interprète mais le dialogue était quand même difficile. C’est un peu dommage parce qu’ils faisaient un travail très intéressant et qu’il n’y a pas pu y avoir d’échange. Ils nous ont transmis des informations mais nous n’avons pas pu apporter grand chose.
On peut assimiler le Portugal et l’Irlande à des pays en voie de développement par rapport à certains aspects. Si en France, au niveau des femmes de pêcheurs, on en est à un combat de reconnaissance de nos droits, leurs préoccupations sont l’apprentissage, la propriété, le minimum vital pour vivre.
Il y a l’organisation officielle et l’organisation solidaire. Pour la première, je pense que le Portugal et l’Irlande sont moins en avance qu’ici mais, par contre, les femmes y sont beaucoup plus solidaires que chez nous. En France, le temps où (comme au début du siècle)on se serrait les coudes devant l’adversité est révolu. Au Portugal, nous avons vu un centre de formation pour un public féminin. Les formatrices nous disaient qu’elles avaient du mal à pénétrer le milieu maritime parce que les femmes de pêcheurs avaient une vie telle que tous les travaux qui leur incombent (lessives, éducation des enfants...), sont organisés pour qu’elles n’aient pas accès à d’autres activités. Elles peuvent avoir jusqu’à 15 enfants (je ne suis pas sûre qu’elles l’aient choisi)et ont en plus le même rôle que les femmes de pêcheurs en France : la gestion de l’entreprise, la vente du poisson. Pourtant, certaines femmes pratiquent la pêche de façon indépendante (sans leur mari), un fait beaucoup plus rare ici. Ca m’est arrivé de remplacer le matelot malade ou de donner un coup de main sur le bateau quand mon mari faisait la pêche aux étrilles mais je ne connais que deux cas de femmes pêcheurs à leur propre compte en France. Les Portugaises ont créé un système d’information adapté à leurs besoins. Elles appellent cela "le guichet" et peuvent y faire un bilan personnel ou professionnel, y trouver des informations sur la formation, l’éducation des enfants, les problèmes médicaux... c’est vraiment une bonne chose. Ceci avait été mis au point par le centre de formation féminine à qui FORPESCAS avait fait appel pour s’occuper des femmes du milieu maritime. Nous avons eu beaucoup de discussions avec les responsables de ce centre. Nous aurions pu rester des jours et des jours à dialoguer tellement c’était intéressant. Ca aurait été bien de pouvoir travailler un peu avec elles pour aller au-delà des mots.
Quand on rentre, on a des idées plein la tête mais on ne peut pas forcément mettre les mêmes choses en place parce qu’on n’a pas eu le temps de voir comment ça fonctionne. L’échange est limité car c’est jour après jour qu’il se construit."
pesca, organización de pescadores, derechos de las mujeres, condiciones de vida, solidaridad, trabajo de las mujeres
, Francia, Portugal, Irlanda
"Quand on participe à des échanges, le dialogue dépasse toujours le niveau strictement professionnel. Ca fait plaisir de voir qu’il y a partout des gens pleins de bonne volonté qui ont des projets novateurs. C’est très stimulant."
Entretien réalisé par Sophie Nick au Havre dans le cadre de la capitalisation d’expérience du CEASM. Eliane Maheut fait partie du conseil d’administration de cette association.
Entretien avec MAHEUT, Eliane
Entrevista
CEASM (Association pour le Développement des Activités Maritimes) - Le CEASM a arrêté ses activités en 2001. - Francia