Eliane Maheut est coordinatrice de formation dans le milieu maritime. Elle vit au Havre (Normandie), est mariée à un ancien pêcheur et a créé une association de femmes de pêcheurs.
"C’est consternant de voir le peu de considération qu’on a envers les femmes de marins-pêcheurs. Pourtant, elles ont un rôle plus qu’indispensable, une responsabilité financière énorme dans l’entreprise de pêche. Si un pêcheur achète un bateau et que sa femme est solvable, elle est obligatoirement dans le même bain que lui. Si elle travaille, son salaire peut être saisi dans le cas où son mari ne peut pas rembourser ses dettes. Si elle a quelques biens personnels, on peut les lui prendre également. Partout où je peux aller, je clame haut et fort qu’il faut faire un statut plus clair de la femme de pêcheur. Certaines choses ne sont pas normales : on octroie des millions de crédit à des personnes qui n’y connaissent rien en gestion. Si actuellement le milieu maritime a des problèmes, c’est à cause de ça. Il y a une mauvaise connaissance de la gestion financière et de la gestion de la ressource. Il ne suffit pas d’être bon pêcheur, il faut mettre en place toute une stratégie commerciale derrière.
On a deux cas de figures : les femmes qui travaillent avec leur mari (gestion du bateau, vente du poisson...)ou les femmes qui sont indépendantes en étant salariées comme moi. En faisant une réforme de la forme juridique des entreprises, on aurait pu commencer à limiter les dégâts pour tous les pêcheurs qui font faillite actuellement et entraînent leur famille dans cette catastrophe. On aurait pu faire une SARL (forme juridique de société en France)ou une URL (société à une personne)dans le sens où les femmes n’auraient plus été responsables des dettes que peuvent faire leurs maris. Cette idée commence à faire son chemin mais c’est encore compliqué. Pour les femmes qui travaillent avec leur mari, il faut maintenant trouver comment ils vont pouvoir payer leurs cotisations sociales dans une activité économique qui ne rapporte plus. Actuellement ça finit souvent au RMI (Revenu Minimum d’Insertion payé par l’Etat). Jusqu’à présent, il n’y avait pas une réelle volonté politique de résoudre cette question du statut des femmes de marins. Le jour où il y aura cette volonté, la première chose à faire sera d’assainir les statuts juridiques des entreprises de pêche. Ca voudra dire sortir du marasme un certain nombre de femmes."
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, Francia
La mer est un monde d’hommes où les femmes ont un rôle primordial qui n’est pas encore reconnu.
Entretien réalisé par Sophie Nick au Havre dans le cadre de la capitalisation d’expérience du CEASM. Eliane Maheut fait partie du conseil d’administration de cette association.
Entretien avec MAHEUT, Eliane
Entrevista
CEASM (Association pour le Développement des Activités Maritimes) - Le CEASM a arrêté ses activités en 2001. - Francia