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Les tentatives d’une association française de femmes de pêcheurs pour rencontrer d’autres femmes et la nécessité de transmettre son expérience

Sophie NICK

02 / 1996

Eliane Maheut est coordinatrice de formation dans le milieu maritime. Elle vit au Havre (Normandie), est mariée à un ancien pêcheur et a créé une association de femmes de pêcheurs.

"Notre association se veut laïque et apolitique. La seule association de femmes étrangères que nous avons essayé d’approcher se trouve à Madagascar mais les personnes qui s’en occupent sont d’obédience catholique et il n’y a pas de rapprochement souhaité de leur part. Ce n’est pas l’opinion des femmes malgaches. On a essayé d’avoir des contacts parce que ça nous paraissait intéressant dans le sens où notre association oeuvrait pour la promotion personnelle et collective, les échanges de savoir-faire. Le combat des femmes de pêcheurs n’est pas si différent ici et là-bas. Ca aurait apporté une part de rêve aussi dans cette situation de crise que nous vivons en France. La condition de certaines femmes du Havre est très difficile. On sait ce qu’il faudrait faire mais avant que ça change, il faudra que l’Etat bouge. Les problèmes des femmes françaises sont liés à la ressource qui s’épuise, aux conditions de travail de leurs maris, à la reconnaissance de leur statut. Les femmes malgaches ne sont pas arrivées au même niveau de problèmes que nous. Il nous semblait qu’on pouvait les aider. S’il y avait eu un manque de médicaments, on aurait pu régler ça par exemple. On pouvait aussi les aider dans leur réflexion, il pouvait y avoir une communication sur la ressource ou la gestion. En France, il n’y a pas si longtemps que les pêcheurs ne confondent plus leur entreprise et leur gestion personnelle. C’était la tradition, on les a assistés pendant des années et tout d’un coup on leur a dit : "Maintenant c’est fini, vous êtes des entreprises." C’est toute cette expérience qu’on avait envie de transmettre.

Au Havre, il y a des femmes de pêcheurs qui vendent directement la production de leur mari sans passer par des structures. Certaines d’entre elles ne sont jamais parties en vacances. C’est très artisanal, elles ont la même vie que beaucoup de femmes des pays du Sud. C’est quelque chose de concret qu’elles ont en commun.

Finalement, cette rencontre n’a pas eu lieu. Depuis, il y a eu un sommet des associations de femmes du milieu maritime aux Philippines. Ca m’aurait beaucoup intéressée d’y aller mais on m’a dit que les associations catholiques étaient très impliquées dans cette rencontre et qu’elles avaient déjà choisi les représentantes françaises, deux femmes bretonnes. Il serait peut-être temps, une bonne fois pour toutes, de séparer les convictions religieuses des activités associatives. J’aurais souhaité au moins, qu’au retour de cette réunion internationale, on puisse savoir comment ça s’était passé mais il faut toujours se battre parce qu’on ne fait pas partie du circuit. Je n’ai rien contre les femmes bretonnes et les catholiques mais je suis contre le sectarisme. Entre différentes régions, entre personnes de différentes religions, entre croyants et non-croyants, nous devrions plutôt essayer de nous rapprocher. Mais, ce qu’elles vivent en Bretagne est une chose et ce que l’on vit ici une autre. Pourquoi toujours la Bretagne ? J’ai participé à un groupe de réflexion à Bruxelles sur la sécurité en mer. Si j’y suis allée, c’est parce que les femmes bretonnes ne pouvaient pas s’y rendre. Pourtant, dans leur lutte, elles sont aussi un peu seules. On a été au devant d’elles, j’ai essayé d’entrer en contact avec d’autres associations de femmes de pêcheurs mais en Bretagne il y a un corporatisme assez difficile.

J’ai lu dans "Le Marin" (hebdomadaire)que les femmes de la côte méditerranéenne se sont regroupées récemment et qu’elles sont en train de faire un livre sur leurs expériences. Je trouve cela très bien mais je me dis que ça va être encore cantonné à un petit bout de littoral et que ce serait tellement mieux que toutes les régions participent. Mais non, on n’y arrive pas.

Comme elles étaient en relation avec toutes les femmes, il y a eu un moment où les assistantes sociales de la pêche ont essayé de jouer ce rôle de liaison. Grâce à elles, j’ai eu beaucoup d’adresses. Ca n’a pas marché parce qu’elles représentaient une institution et en temps de crise, ce n’est pas vers elles que les femmes se tournent forcément. Je n’ai pas de solution miracle à apporter à cette question, je n’ai pas non plus connaissance de ce qui se passe dans d’autres secteurs comme l’agriculture, je ne sais pas si les associations de femmes agricoles arrivent à communiquer entre elles. C’est peut-être complètement utopique.

En France, on a fait des choix dans la pêche qui ne sont pas forcément les bons. Comme, avec Alex (mon mari), on a eu l’occasion d’aller voir ce qui se passe ailleurs et notamment dans les pays en voie de développement, on voudrait aider les pêcheurs des pays du Sud à ne pas recommencer les erreurs qui ont été commises ici. On est presque en l’an 2000, on est dans un marasme épouvantable et c’est peut-être le moment de dépasser ça et d’aider les gens qui peuvent encore s’en sortir. Il faut être clair, je suis très pessimiste pour la pêche en France. Il y a trop de stratégie économique mondiale pour qu’on soit intéressant. On peut encore être utiles en transmettant notre expérience. Mais non : on a bousillé notre ressource, on a bousillé nos côtes et maintenant, on va pêcher ailleurs pour faire exactement la même chose. On a une démarche très égoïste, nous les Européens."

Palabras claves

pesca, mar, organización de pescadores, vida asociativa, derechos de las mujeres, condiciones de vida, mujer, trabajo de las mujeres, valorización de la experiencia, organización de mujeres


, Francia

Comentarios

"Ce serait intéressant d’arriver à capitaliser ce que toutes les associations font chacune dans leur coin parce que ce que l’on n’a pas pensé ici, quelqu’un d’autre y a peut-être pensé ailleurs."

Notas

Entretien réalisé par Sophie Nick au Havre dans le cadre de la capitalisation d’expérience du CEASM. Eliane Maheut fait partie du conseil d’administration de cette association.

Entretien avec MAHEUT, Eliane

Fuente

Entrevista

CEASM (Association pour le Développement des Activités Maritimes) - Le CEASM a arrêté ses activités en 2001. - Francia

menciones legales