Olivier Conrath a fui Paris après 1968 pour s’installer en Ardèche puis en Bretagne au Guilvinec où il est devenu pêcheur. Il a ensuite participé à des missions en Afrique avant de se tourner vers l’aquaculture.
"Au début de ma carrière de pêcheur, je me suis battu pas mal de temps pour m’en sortir et j’étais même ridicule : je ne savais pas pêcher, j’ai appris en faisant toutes les erreurs possibles et inimaginables. Au moment où j’ai commencé à m’en sortir, à bien gagner ma vie, je suis arrivé à un moment où je devais réinvestir et changer de bateau si je voulais rester dans la pêche. En fait, je n’ai jamais été passionné réellement par cette activité, c’est plutôt l’entreprise et l’esprit d’aventure qui m’y ont poussé, le côté découverte et chasse au trésor qui m’a intéressé. Maintenant, je vois que je suis devenu très performant du point de vue technique, je suis très méticuleux et je fais attention à tout.
Qu’est-ce que je retiens des pêcheurs globalement ? Ce sont des gens foncièrement individualistes, complètement hors normes. C’est ce qui m’a attiré et c’est ce qui a créé la ruine de la pêche aujourd’hui. Je dis quelquefois en blaguant qu’avec la pêche j’ai fait ma peine de réinsertion sociale. C’est vrai : j’ai appris les réalités de la vie. D’une manière générale, j’ai été assez réaliste sur ce qui est financier et sur l’implication humaine. J’ai toujours senti qu’on pouvait facilement être piégé. Quand j’ai commencé la pêche, je me suis retrouvé avec un bateau et je n’ai jamais oublié ce qu’avoir des dettes signifie. J’avais pris un crédit de 200 000 francs dans la pêche sans savoir pêcher et je ne savais pas comment j’allais m’en sortir. Le jour où je m’en suis sorti, je n’ai pas oublié que j’avais failli frôler la catastrophe et je me suis souvenu comment j’avais été piégé et que j’avais dû tout sacrifier pour m’en sortir. Je n’ai pas oublié la bagarre que ça a été : il a fallu que j’apprenne à pêcher et à gérer des matelots.
Avant, j’étais gauchiste, je vivais en Ardèche, j’avais des bons sentiments, je pensais que les patrons étaient tous des salauds. Quand j’ai démarré la pêche, c’était au tour des mareyeurs d’être des salauds. Il a bien fallu à un moment que j’embauche des matelots. Comment fait-on quand on tient ce genre de discours ? Comment vend-on son poisson ? C’est trop facile de ramener du poisson et de le vendre toujours à ce salaud de mareyeur. Il y a un moment où ça ne peut plus durer. Quand on pose la question à son matelot : "on va en mer ou pas ?" et qu’il ne sait pas quoi répondre, on est bien obligé de clarifier les choses. Quand le matelot ne fait pas le travail qu’il devrait faire et qu’il faut le renvoyer, c’est un véritable drame quand on a une certaine mentalité. On est bien obligé de le faire parce qu’on n’a pas le choix. C’est une remise en cause progressive du monde, de la société et surtout de sa propre vision de la société."
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, Francia
On dit souvent que la mer est une école de vie. La formation maritime est un cas rare où alternent en continu cours théoriques et embarquements en mer. (Commentaire de Sophie NICK)
Entretien réalisé par Sophie Nick à Etel (Morbihan)où Olivier Conrath élève des palourdes.
Contact O.Conrath : Begaec de la grève d’Etel, Le Plec, 56550 Locoal Mendon, France.
Entretien avec CONRATH, Olivier
Entrevista ; Relato de experiencia
CEASM (Association pour le Développement des Activités Maritimes) - Le CEASM a arrêté ses activités en 2001. - Francia