L’exemple du compas
02 / 1996
Jo Le Hiarric a participé, entre 1987 et 1990, en tant que coopérant technique au projet PAMEZ (Pêche Artisanale Maritime dans la région de Ziguinchor). L’objectif : limiter l’exode rural en développant l’activité pêche en Casamance (Sénégal). Un des moyens : la construction d’une "pirogue innovation" s’appuyant sur les savoir-faire existants mais introduisant des innovations techniques comme le compas. Il dialogue avec Alexis Fossi, un technicien des pêches qui a travaillé sur le même projet et a effectué en 1994 une mission au Sénégal.
- Jo : "Si on avait enseigné l’utilisation du compas aux Casamançais d’une façon scolaire, européenne, avec une culture technique où les enfants à l’école apprennent le magnétisme, ce n’aurait pas été facile à faire passer. On a donc essayé de montrer que l’instrument rend service pour un coût réduit. Nous avons choisi un matériel résistant, simple à installer et facile à lire quelque soit la position des pêcheurs sur la pirogue. Il n’était pas possible de parler de déclinaison magnétique et de variation. J’ai eu à former des chefs de centre, des responsables de secteurs et j’ai dû simplifier l’enseignement mais jamais jusqu’à le rendre simpliste. Eux-même devaient encore simplifier pour enseigner aux pêcheurs. On a défini le compas comme une espèce de sorcier qui dit des choses réelles et qui a un petit pouvoir surnaturel car je pense qu’il a souvent été pris comme cela : un instrument bizarre en qui on peut avoir confiance et qui, si on lui associe la montre, permet de retrouver plus vite les bouées des filets ou les haut-fonds. On a également défini les ennemis du compas qui l’empêchent de dire la vérité et je me souviens que Diouf faisait un cours remarquable sur les dangers de la proximité du poste de radio (qui dévie le compas). Nous ne pouvions pas, nous Européens, arriver à ce stade de la démonstration, parce que nous n’avions pas le même langage. Après, parce que l’outil n’est pas trop cher, pas compliqué à apprendre, qu’il rend service tout de suite et qu’il fait gagner de l’essence, il se diffuse comme un feu de paille. C’est le service rendu qui est primordial. Il y a eu des exemples beaucoup plus compliqués d’introduction de nouvelles technologies comme la senne tournante par la FAO (Food and Agriculture Organisation).
Il faut que l’idée soit intégrée et que les pêcheurs se débrouillent avec après. A ce moment là, on peut répondre à leur curiosité au fur et à mesure des besoins et être à même d’apporter des réponses simples à leurs questions. Avec le compas, ça peut aller très loin : le magnétisme, les aimants brisés..."
- Alexis : "Un des principaux obstacles était la disponibilité du matériel. Les pêcheurs savaient qu’il rendait service et il fallait qu’ils puissent le trouver à un prix raisonnable sur leur propre marché (pas seulement à l’intérieur du projet). C’est ce qui est arrivé quand je suis retourné au Sénégal : j’ai vu des compas dans les magasins de Ziguinchor. Car ce n’est pas la peine de proposer du matériel qui n’est pas disponible. Les compas ont vraiment pris effet quand les pêcheurs en ont trouvé sur le marché local. A ce moment là, les pêcheurs ont commencé à se préoccuper de la qualité du matériel, ils ont vite distingué ce qui était bon et ce qui était mauvais."
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, Senegal
C’est évident que nous n’avons pas été les seuls en Casamance à promouvoir le compas. Certaines pirogues étaient déjà équipées. On a fait partie du mouvement, si on avait été en dehors, cela aurait été dommage. On a seulement apporté de l’eau au moulin, on a été un ferment et on a formé un certain nombre de personnes capables d’expliquer son utilisation. Je pense qu’on a apporté un plus.
Entretien réalisé par Sophie Nick à l’île de Houat dans le cadre de la capitalisation d’expérience du CEASM.
Entretien avec LE HIARRIC, Jo; FOSSI, Alexis
Entrevista
CEASM (Association pour le Développement des Activités Maritimes) - Le CEASM a arrêté ses activités en 2001. - Francia