L’agriculteur, la putain et le député

Il le fallait ! La ficelle est si grosse et depuis tant d’années, qu’il fallait bien que quelqu’un se décide de l’intérieur à dénoncer ce système politico-agricole bourré de complaisances - et d’infidélités, vite oubliées. L’agriculteur, c’est l’agriculteur de base, instrument d’un syndicalisme faussement unitaire ; la putain c’est le cortège de dirigeants agricoles qui font profession de leurs "engagements" professionnels, et le Député, c’est celui avec lequel les précédents forment un vieux ménage à bout de souffle. Tous les bâtards (syndicats ou partis minoritaires)sont évidemment interdits de cité. La confusion (et la clarté !)fut totale lorsque le président du FNSEA devint en 1986 Ministre de l’Agriculture d’un gouvernement RPR. Résultat : une politique de l’autruche qui aboutit 20 ans après à ce qu’il faille affronter, un peu tard, un dur réaménagement de la PAC. Ce qui ne signifie d’ailleurs pas que cette Bastille s’effondre et que l’unité syndicale soit mise en péril : ainsi en 1992, l’on voit les petits paysans (du Sud-Ouest notamment)renforcer paradoxalement les bataillons des agrimanagers sur le front anti-PAC alors qu’ils sont les principaux bénéficiaires de cette nouvelle PAC ; le tout pendant que le Ministre fait le forcing à Bruxelles contre tous les partenaires européens. ll semble que les traditions ont la peau dure !

Mais au fait, qui est ce Michel Leblanc doté d’une belle plume qui se permet un tel pamphlet ? Agriculteur-éleveur du Nord-Pas de Calais, il marque vite son désaccord avec la bourgeoisie rurale dont il est issu et s’engage fort dans le débat politique. Son ascension au CNJA... ainsi qu’au parti socialiste est d’ailleurs fulgurante. Pour s’effondrer dans les querelles intestines de ces appareils. Cri d’amertume pour quelqu’un qui n’a pas réussi le remplacement d’une Bastille par une autre similaire ? Non, ce serait de mauvaise grâce que d’affirmer cela.

Cependant l’on cherche parfois dans ces pages quelle est le projet politique que l’auteur propose pour l’agriculture.

On le croit au début fervent partisan des agrimanagers, puis l’on se rend compte que c’est plus largement une agriculture d’entreprise à 3 couleurs qu’il défend : d’abord les agrimanagers producteurs alimentaires, puis les moléculteurs pour l’industrie et enfin les agriculteurs de services, vision maintenant largement plébiscitée (dans le discours!)par cette fameuse Bastille, mais vision où le souci de rapprochement entre les villes et les campagnes cher à l’auteur paraît peu évident.

On reconnaîtra à Michel Leblanc son souci actuel de passer de la parole à la pratique dans l’animation et l’appui qu’il donne aux projets de "fermes de santé" dans le Béthunois.