L’étude des réseaux de dialogue
06 / 1993
Les agriculteurs consacrent une certaine part de leur temps de travail à innover, à transformer leur conception antérieure des choses, à chercher des solutions à leurs problèmes... En bref, à produire pour eux-mêmes de nouvelles connaissances. Ce travail ne s’accomplit pas dans la solitude, mais dans le dialogue avec d’autres, et en particulier au sein de groupes professionnels locaux (GPL).
Les GPL sont de petits groupes informels d’agriculteurs qui échangent fréquemment entre eux à propos de leur pratique professionnelle. Ils jouent un rôle central dans le changement des pratiques agricoles. Dans une commune, tous les agriculteurs sont plus ou moins impliqués dans un réseau de communication professionnelle, mais ce réseau et lui-même composé de grappes d’individus (les GPL)qui ont entre eux des échanges plus étroits. Ces grappes sont des lieux où se discutent et s’élaborent les normes locales de comportement : ce qui se fait ou ne se fait pas...
Certaines normes sont stables, ou bien établies. Dans ce cas, elle ne font pas l’objet de discussion, et sont adoptées par tous. D’autes sont instables : il s’agit des pratiques soumises à discussion : certains membres d’un GPL peuvent les avoir adoptées, d’autres pas. Mais le groupe "autorise" leur essai. D’autres encore sont dites "variantes en lisière" : le groupe sait que ça se fait ailleurs, mais est unanime sur le fait que ça n’a pas lieu de se faire ici, ou en tous cas pas au moment présent. Enfin, d’autres pratiques sont dites "floues", quand les opinions sont dispersées : leur adoption n’est pas envisagée, le groupe semble indifférent.
L’introduction de nouvelles pratiques par un innovateur doit être précédée de discussions dans le GPL. Ces échanges sont bilatéraux : le GPL en tant que tel ne se réunit jamais, et les rencontres sont souvent fortuites. Mais un individu innovateur doit obtenir de ses pairs - non qu’ils fassent comme lui - mais qu’ils acceptent que lui seul, ou avec d’autres membres du groupe, fasse ce qu’il souhaite sans pour autant être considéré comme se démarquant du groupe. Dans ce dernier cas en effet, il risquerait de se retrouver socialement isolé. Chercher à obtenir cet accord procède donc d’un double désir : celui de se conformer aux normes locales, et celui de les transgresser sur un point.
Un agriculteur-innovateur ne peut donc pas prendre n’importe quelle initiative sans dialogue préalable. Mais réussir à faire changer la norme locale (en introduisant avec succès une nouvelle pratique)lui confère une nouvelle position à l’intérieur du groupe, en consolidant sa réputation de maîtrise technique et de capacité d’initiative : l’innovation peut faire partie d’une stratégie d’intégration sociale.
Les GPL peuvent être très différents les uns des autres selon qu’ils regroupent plus ou moins d’individus et que les relations d’échange sont fréquentes. J.P. Darré estime que la morphologie des GPL est en relation avec la capacité individuelle des agriculteurs à faire évoluer le système local de normes. Des échanges nombreux et denses ne sont pas associés à un contrôle social fort, mais au contraire, semblent favorables à la tolérance et à l’innovation. Plus les échanges sont actifs à l’intérieur d’un groupe local, et plus celui-ci sera réceptif à l’expérimentation et au changement.
innovación técnica, agricultura, cambio social, cambio tecnológico, difusión de la información, difusión de la innovación, investigación campesina
, Francia
Artículos y dossiers
DARRE, Jean Pierre, GERDAL, ECOLE SUPERIEURE D'AGRICULTURE D'ANGERS in. AGRISCOPE, 1986/03 (France), N°7
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