En décembre 91, on trouvait en Espagne 400 producteurs (représentant moins de 5000 ha)et 50 transformateurs inscrits sur ces registres (200 de plus devraient être inscrits d’ici Mai 92). Attention, ces chiffres sous-évaluent considérablement la réalité, et ce, pour plusieurs raisons :
Le CRAE, organisme de contrôle récent, continue à recevoir tous les jours des demandes d’affiliation qui, faute d’un personnel plus nombreux, sont pour l’instant en attente.
Par ailleurs, afin de promouvoir le développement de l’agriculture biologique et de pallier l’absence de normes officielles, quelques associations de producteurs et de consommateurs étaient créées au début des années 80. La plus vieille d’entre elles et la mieux implantée au niveau national est VIDA SANA. Si l’on croit ces associations, elles regroupaient en 88, plus de 1700 producteurs (80% d’entre eux, affiliés à VIDA SANA). Ces chiffres, mêmes s’ils sont un peu gonflés situent le nombre des producteurs bio aux alentours de O,1% du total des exploitations agricoles espagnoles (0,5% en France). Peu nombreux, on pourrait penser que ces agriculteurs bénéficient d’une certaine "prime à l’innovation", face à un marché qui s’ouvre, lentement mais sûrement, aux produits "plus sains".
Production faible, filières à faire.
Le faible nombre de producteurs, leur dispersion, la quasi-absence de canaux spécifiques de commercialisation, font qu’une bonne partie de la production bio doit encore s’écouler dans les circuits conventionnels. Les transformateurs de céréales, par exemple, affirment que leurs expériences d’approvisionnement sur les marchés nationaux ont souvent été des échecs : qualité irrégulière, peu de diversité (on ne trouve presque pas de blé dur par exemple), livraisons aléatoires, prix très élevés... Les griefs ne manquent pas, et la majorité des transformateurs ont provisoirement opté pour d’autres solutions : importation de blé ou de farines biologiques françaises... ou même nord-américaines (blé, soja des USA, Sésame du Mexique)via un grossiste hollandais ! Le marché du riz semble heureusement mieux organisé. Mais le secteur qui tire son épingle du jeu, c’est celui des fruits et légumes, basé autour des grandes villes (Barcelone, Madrid...). Quelques boutiques spécialisées ont en effet ouvert leurs portes et réussissent, tant bien que mal, à écouler la production en frais (à des prix de 50 à 100% plus cher que le marché conventionnel).
Une recherche/développement à coordonner.
Le Conseil Supérieur de Recherches Scientifiques (CSIC)participe au programme européen "Etude des limites et potentialités de l’agriculture écologique", en collaboration avec diverses universités (Barcelone, Bruxelle, Dublin...). Doté d’un budget de près de 140.000 écus sur deux ans, il espère mettre en place des référentiels techniques et économiques de l’agriculture écologique. Par ailleurs la création récente de la Société Espagnole d’Agriculture Ecologique (SEAE)devrait motiver la coordination entre les initiatives privées, professionnelles, et publiques (voir fiche "Espagne : la structuration de la recherche-développement par le haut").
4 universités ont également lancé des programmes de recherche et de formation (Cordoue, Valence, La Laguna (Canaries)et Madrid), souvent à l’initiative des étudiants. Dans le cadre de l’Université de Cordoue il existe même un doctorat d’agroécologie, en collaboration avec l’Université de Wageningen (Pays-bas)et de Berkeley (USA).
A Madrid, c’est l’association VIDA SANA en collaboration avec l’université d’ingénieurs agronomes et de l’école de Beaujeu en France qui a organisé une spécialisation de 6 mois en A.E. Une première promotion est sortie cette année.
Quant aux services officiels d’aide technique, ils ne sont dotés jusqu’à maintenant d’aucun poste spécifique de technicien en agrobiologie : l’Extramadure et la Catalogne font exception, avec respectivement 3 et 1 techniciens.
Pas encore d’interprofession.
Les associations sont nées pour la plupart sous l’impulsion de consommateurs et d’agronomes préoccupés par la conservation de l’environnement et une alimentation plus saine. Quelques-unes d’entre elles (VIDA SANA, UMBELA, association biodynamique)avaient mis en place un cahier des charges et octroyaient, après contrôle, des avals aux agriculteurs membres. Toutes ont abandonné cette activité après la naissance du CRAE. Cependant, elles ont participé activement à l’élaboration des normes nationales, et gardent leurs activités spécifiques, souvent régionales, de formation, d’assistance technique, d’information ou de commercialisation.
Enfin le syndicat paysan Unio de Payeses, majoritaire en Catalogne, a depuis 89, créé une commission de travail sur l’agriculture écologique. Défenseurs de la petite exploitation familiale agricole, ils revendiquent principalement l’obtention d’aides à la reconversion, des cours de formation et de recyclage, et un développement de la recherche et de l’appui technique dans ce secteur. Revendications plausibles, puisqu’elles rentrent toutes dans le cadre du nouveau règlement du conseil des communautés européennes.
Texte en partie publié dans Alter Agri N°1, 1992.
Documentación gris
PRAT, Frédéric, GEYSER
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