06 / 1993
Thomson réalise 80% de son chiffre d’affaires dans un marché de défense en forte rétraction. Elle est donc particulièrement attentive aux nécessités de la diversification et du développement de ses activités civiles mais aussi à la préservation de son rang de 1ère firme de l’industrie électronique de défense en Europe (et 2è mondiale).
Cette situation la contraint à adopter une stratégie particulière que l’on peut schématiser en deux points:
-pour des raisons politiques et de souveraineté nationale, elle se doit de maintenir sa position qui garantit aussi la capacité et l’indépendance des moyens de défense nationaux. Ceci fixe les limites de la logique économique ordinaire. On recherche avant tout la performance et non le prix optimum, et on doit maintenir une base critique de recherche et développement afin de ne pas risquer de perdre sa capacité technologique.
-en matière de diversification vers le civil, il faut rechercher des "business" voisins, sans se faire d’illusions car les marchés sont occupés! Et s’il faut parler de reconversion, force est de constater qu’il y a eu deux moments dans l’histoire récente où "ça a marché": les périodes correspondant aux deux guerres mondiales, lorsque l’outil industriel a été adapté d’abord à l’effort de guerre puis à la reconstruction. En quelque sorte, la question qui se pose aujourd’hui est: "où sont les dividendes de la paix?"
La diversification va se faire par l’élargissement de la zone naturelle du civil, en explorant des "domaines nouveaux", à côté des 30 domaines qui constituent déjà le champ d’intervention de Thomson (business units). Deux méthodes sont possibles:
-on peut essayer de se lancer dans des activités réellement nouvelles pour la société et l’exemple de l’électronique permet de résumer la problématique. En matière d’électronique, il y a celle qui est présente dans des domaines actuels, où va donc s’exercer un "appel", et celle à laquelle vont s’ouvrir de nouveaux domaines. Au premier cas correspondent notamment les télécommunications, et le deuxième peut être illustré par l’électronique automobile (l’électronique ne représente actuellement que 15% de la valeur totale d’une voiture). Thomson a décidé de ne pas aller vers ces domaines parce que dans le premier cas l’échelle capitalite n’était pas à portée de la société, et dans le second parce qu’elle ne s’était pas préparée suffisamment tôt en nouant des relations avec le domaine très large de l’industrie automobile. C’est, sur ce second cas, ce que la SAGEM, autre importante société du marché de l’armement, aurait réussi, en entrant dans le camp des équipementiers.
-on choisit l’approche de "niches", en cherchant à développer les 20% de civil existant en misant sur la très forte proximité des technologies requises par les domaines nouveaux avec les technologies actuelles. D’où l’accent mis sur la dualité des technologies et la définition de 20 thèmes porteurs: le contrôle de la circulation urbaine et le contrôle du trafic autoroutier dans le domaine des transports, 3 ou 4 thèmes dans le domaine de l’environnement, etc... Thomson s’étant fait une spécialité de la conception et de la mise en oeuvre de grands systèmes électroniques très complexes de détection et de conduite de tir, mais aussi de contrôle aérien, capables d’intégrer des milliers de données (chez Thomson 1/4 des effectifs écrit des programmes!), la société devrait pouvoir s’intéresser à l’inéluctable question de l’optimisation du trafic routier, comme aux systèmes de contrôle et d’alerte à des niveaux divers, du familial (domotique)jusqu’au planétaire pour la défense de l’environnement. La mise au point et l’installation ds grands systèmes de ce type exige des échelles importantes et la dimension européenne devient une donnée capitale, y compris pour la nécessaire structuration politique et financière.
diversificación de la producción, paz, desarme, industria
, Francia
L’importance stratégique de Thomson est double: du point de vue de la défense, pour le type d’équipements et de systèmes qu’elle produit, et du point de vue industriel, par la position qu’elle occupe en France, en Europe et dans le monde. Une preuve du caractère "sensible" de ce domaine vient d’être fournie par le refus des autorités des Etats-Unis de laisser cette société française racheter la division missiles du constructeur américain LTV. Ceci explique que les responsables de Thomson, comme ceux des entreprises du même type ne peuvent évoquer l’idée de reconversion, au sens fort du terme, que comme dépendant de choix politiques, d’une part, de la volonté des pouvoirs publics de fournir les moyens financiers correspondants, d’autre part. "Où sont les dividendes de la paix?"
Une autre condition paraît essentielle, c’est la nécessité de raisonner à l’échelle de grandes entités géographiques continentales.
Date de l’entretien:juillet 1992.Chez Thomson M. Buzenet occupe le poste de Directeur des Affaires France et M. Nuzillat est à la Direction des Domaines Nouveaux.
Entrevista
BUZENET, Jacques, NUZILLAT, Gérard
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