11 / 1994
Les notions de citoyenneté et de démocratie semblent prendre depuis quelque temps une signification nouvelle, tant en Amérique latine qu’en France et même un peu partout dans le monde. Elles sont à la base de la mobilisation d’un certain nombre d’acteurs qui ont pris conscience de la gravité des problèmes auxquels se trouvent confrontées nos sociétés contemporaines.
Il ne s’agit pas d’une mode mais d’une réélaboration de sens qui va bien plus loin, face à la montée de tous les dérèglements sociaux, qu’un rappel aux citoyens de leurs droits et de leurs devoirs ou encore qu’une vigilance portant sur le fonctionnement des institutions. Ce renouveau est une exhortation à l’action, à la prise de responsabilités, à la créativité, à la solidarité à tous les niveaux de l’échelle sociale et dans les domaines les plus divers.
Trois exemples apportent la preuve de cet effort visant la "reconquête démocratique de l’espace politique par les différentes composantes de la société civile".
Le premier retrace l’histoire du Mouvement de Citoyenneté pour la Démocratie (MCD)au Mexique, mouvement lancé en 1992 sur l’initiative du Dr. Nava et qui regroupe maintenant une vingtaine de "fronts civiques" de différents Etats auxquels participent d’autres mouvements populaires, des citoyens indépendants ainsi que d’autres regroupements tels que CONVERGENCE d’organisations civiles pour la Démocratie et ACUDE (Accord National pour la Démocratie). MCD a joué un rôle important lors des élections d’août 94. Un pacte politique commun porte sur un échéancier pour la transition à la démocratie, l’observation civile des processus électoraux, une campagne nationale pour l’éducation des citoyens et une action pour obtenir la réforme de la loi éléctorale. Les événéments du Chiapas en janvier 94 ont déclenché de la part de ces mouvements un réel élan de solidarité.
Le deuxième exemple concerne la campagne contre la faim au Brésil. Celle-ci a pris une très grande ampleur grâce au Mouvement pour l’Ethique en Politique qui a rassemblé en 1992 de nombreuses organisations et associations et qui a donné naissance au Mouvement de la Citoyenneté contre la Misère et pour la Vie. Lancée par "Betinho" (Herbert de Souza), la campagne s’est organisée en comités locaux (plus de 3000)mais en faisant aussi appel à l’initiative individuelle et collective. Ce mouvement se caractérise par une "recherche étonnante et difficile de nouvelles formes d’organisation qui mettent en question les modèles classiques de "représentation", mais exigent en compensation une culture de la responsabilité personnelle qui est encore loin d’être un acquis. C’est pourtant une mutation culturelle qui est en cours".
Le troisième exemple signale en France la fondation en 1993 d’une association d’Initiatives de Citoyenneté Active en Réseaux (ICARE)et à peu près à la même date, la formation du Mouvement de Citoyenneté Active (MCA), mouvement informel qui puise son énergie dans la motivation de ses membres lesquels appartiennent à de nombreux autres réseaux. Celui-ci a pour originalité de susciter des initiatives tout en alimentant le débat démocratique avec l’aide des ressources de l’informatique. Il participe activement à une initiative plus large, l’élaboration d’une Charte de la Citoyenneté, et à une réflexion menée avec le Mouvement des Réseaux et des Echanges Réciproques des Savoirs (MRERS)qui se développe aussi de son côté en bien des lieux en France.
Incontestablement, tous ces mouvements témoignent d’une revendication de la part de la société civile de jouer pleinement le rôle qui devrait être le sien face à l’Etat dans des sociétés qui se veulent démocratiques. Les actions d’urgence qui consistent à rompre le processus de détériorisation du tissu social, de l’environnement et pour beaucoup de la qualité de la vie, ne sont pas suffisantes. "La démocratie n’est jamais gagnée; elle est toujours fragile. Elle reste un projet ébauché à conquérir chaque jour". Pour la construire, la contrôler, la faire progresser, pour préparer un monde de demain plus juste et plus humain aux nouvelles générations, il faut pouvoir compter sur des citoyens actifs et responsables.
sociedad civil, actor social, ciudadanía, proceso de democratización, innovación, democracia, desarrollo cultural
, Brasil, México
Cette vue d’ensemble sur l’état actuel du monde contemporain est intéressante en ce sens qu’elle montre comment l’idée que la démocratie est une culture fait son chemin. Mais encore faudrait-il que les divers univers de socialisation où se forme la personne, où s’acquiert le sens de l’action collective ou encore la notion d’espace public, contribuent à la répandre. Néanmoins, ce réveil de l’importance de l’exercice de la citoyenneté qui se manifeste au niveau micro-social dans plusieurs endroits qui encourage les individus à devenir acteurs est un espoir.
Intervention au colloque "Transformations sociales : processus et acteurs", Perpignan, 1994, organisé par l’ARCI et l’Université de Perpignan.
Actas de coloquio, encuentro, seminario,…
DE CHAPONAY, Henryane
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