De 1965 à 1973, le nombre de réfugiés au Sud Vietnam s’est élevé à 10.469.700 personnes. A la fin de la guerre, après le changement de régime survenu à Saïgon, les autorités vietnamiennes ont estimé que, dans les années qui allaient suivre, environ 2 millions de personnes devraient quitter la ville.
I. Mesures gouvernementales
A l’époque, tout le monde est tombé d’accord sur deux solutions :
1/ Retour au village natal : dès le lendemain de la Libération, les autorités révolutionnaires ont vivement encouragé les personnes déplacées à rentrer dans leurs villages qu’elles avaient été contraintes d’abandonner pendant la guerre. Au niveau de chaque arrondissement, un Comité spécial a été créé, chargé de recueillir les demandes, puis de les regrouper en vue d’organiser le transport. S’agissant le plus souvent des personnes nécessiteuses, les autorités ont instauré la gratuité du transport voie maritime ou routière, pour les personnes et pour leurs maigres biens. Du riz et des soins médicaux étaient fournis pendant le voyage, souvent long de plusieurs jours. Enfin, chaque famille recevait une certaine quantité de riz et une somme d’argent pour qu’elle puisse vivre sans crainte pendant un certain temps après son arrivée à destination.
C’est ainsi que quelques mois seulement après la Libération, des centaines de milliers de personnes ont demandé à regagner leurs villages d’origine. Un grand nombre d’entre elles étaient des « réfugiés » récents qui avaient encore des parents ou des terres à retrouver. Pour les autres, après leur arrivée, les autorités locales devaient se charger de leur distribuer des terres, des instruments aratoires, des semences et des engrais pour qu’elles puissent reprendre au plus vite leurs activités agricoles.
2/ Création de nouvelles régions économiques
Les « réfugiés » de longue date qui désiraient s’établir dans des « nouvelles régions économiques » devaient en faire la demande auprès du comité d’arrondissement. Celui-ci devait alors chercher à établir, pour ainsi dire, un jumelage avec une province qui était disposée à offrir des rizières ou des terres en friche. En attendant, les candidats au départ étaient en général hébergés dans des centres provisoires. Dans le même temps, le comité d’arrondissement devait créer des équipes de pionniers, dont le travail devait consister à ouvrir des routes, à poser des fondations pour les maisons, à creuser des canaux d’irrigation, à construire des équipements et services publics (école, infirmerie, etc..). Une fois l’ensemble des infrastructures achevées, ces pionniers devaient pouvoir faire venir leurs familles, pendant que le comité d’arrondissement ou de district organisait le transport des familles à partir des centres d’hébergement provisoire.
Arrivées sur place, ces familles devaient se voir attribuer des terres, des instruments aratoires, des semences et des engrais pour commencer immédiatement le travail de production agricole. Enfin, on comptait sur la solidarité parmi la population, non seulement entre les nouveaux venus dans la « nouvelle région économique », mais encore entre ceux-ci et les habitants de leur arrondissement ou district d’origine.
II. Difficultés rencontrées
1/ Les retours au village natal : la plupart des réfugiés et déplacés n’ont pas retrouvé leur maison, détruite par la guerre, et ceux qui ont pu récupérer leur terrain n’avaient pas les moyens de construire une maison. Certains ont trouvé leur terrain et/ou leur maison occupés par d’autres personnes. De retour au village, les habitants ont été déçus car le gouvernement central ne leur a accordé aucun soutien durable pour se réinstaller, malgré sa propagande pour les inciter à quitter la ville et à regagner leurs foyers. Aucune mesure concrète n’a été mise en place pour permettre aux personnes concernées de retrouver des moyens d’exercer une profession, même celle d’agriculteur.
2/ L’installation dans les nouvelles régions économiques : les mesures gouvernementales prévues n’ont pas été bien appliquées ; aucune préparation concrète dans ces nouvelles zones n’a été entreprise. Les cadres responsables de cette campagne d’installation n’étaient que des cadres politiques et n’avaient aucune formation d’organisation économique et sociale. En conséquence, au bout de quelques semaines seulement, la plupart des nouveaux installés sont tombées malades et au moins 70 % d’entres eux ont cherché à retourner dans les grandes villes, quitte à dormir dans les cimetières et sur les trottoirs. Actuellement, le problème n’est toujours pas complètement résolu.
Il faut également noter l’utilisation de mesures coercitives destinées à provoquer le départ des habitants vers de nouvelles zones économiques -en particulier à l’égard des collaborateurs de l’ancien régime ou de familles dont les membres s’étaient installés à l’étranger- aux fins d’occuper leurs maisons et leurs locaux.
III - Quelques pistes de réflexion
Au début, les mesures prises ont été acceptées par tout le monde car elles étaient cohérentes. Mais il est très vite apparu qu’il manquait une politique globale concernant la réinsertion des déplacés et des réfugiés et des mesures à long terme créant les conditions pour que chaque citoyen trouve une place dans la société et une chance de vivre dignement. Au lieu de procéder de manière scientifique et humaine, on a déplacé des gens par vagues sans préparation, dans la plupart des cas. Il y avait pourtant un précédent : en 1954-55, il y avait déjà eu un mouvement d’exode du Nord au Sud (1 million de réfugiés) et, de 1956 à 1958, de nombreuses personnes s’étaient installées dans de nouvelles zones économiques : ces déplacements et ces réinstallations avaient alors été une réussite grâce au travail préparatoire qui avait été fait sur le terrain.
Aujourd’hui le Vietnam a adopté une meilleure méthode : les familles qui retournent au pays natal ou qui comptent s’installer dans une nouvelle zone économique envoient d’abord en éclaireurs quelques membres sur place; le reste de la famille suit plus tard, si tout est prêt, en sachant ce qu’elle doit emporter avec elle. Les personnes chargées de l’organisation de ce type de déplacements ne doivent pas être des cadres politiques ou militaires, mais des gens neutres ayant une formation socio-culturelle et ayant suivi une formation spécifique pour la réalisation du projet. Si les réfugiés vivent déjà en communauté, il ne faut pas les séparer, mais envoyer, sur le plan administratif, des cadres-animateurs qui sachent s’intégrer à eux et qui puissent apporter aux leaders de ces communautés les moyens de réussir leur réinsertion sans créer de ghettos.
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, Vietnam
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L’auteur du texte de la fiche est prêtre, président de l’association « Fraternité Europe-Asie », connue au Vietnam sous le nom de " Fraternité Vietnam ».
Texte envoyé suite à l’appel international à contribution lancé par la FPH pour l’organisation de la rencontre internationale sur la reconstruction du Rwanda (Kigali, 22-28 octobre 1994)co-organisée par la FPH et le CLADHO(Collectif des Ligues et Associations de défense des Droits de l’Homme).
Texto original
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