10 / 1994
L’Eglise occupe une place importante au sein de la société civile sud-africaine : non seulement elle a été à l’origine de la création de diverses ONG mais, en outre, ses membres assument des responsabilités dans de nombreuses organisations populaires. Ces organisations - comme toute la société sud-africaine - ont été longtemps compartimenté. Jusqu’à ce que ses membres réalisent que les différents étiquettes sous lesquelles ils étaient rangés servaient à les diviser et qu’en fin de compte, malgré les différentes racines, ils avaient tous à faire face au même défi : l’apartheid. Par exemple, nous les Chrétiens, avons réalisé que nous n’étions ni les seuls victimes ni les seuls champions de la lutte anti- apartheid; des Hindous, des Musulmans, des athées sont aussi morts en luttant contre ce système. De cette prise de conscience de communauté de destin est né au sein de nos organisations le besoin de travailler ensemble. C’est ainsi qu’est née l’UDF, structure regroupant la plupart des organisations de la société civile, y compris l’Eglise. Dès sa création, cette organisation s’est fait le vecteur de diffusion d’une nouvelle culture de respect de la vie humaine.
La lutte anti-apartheid n’a cependant pas commencé avec la naissance de l’UDF. Bien avant la mise sur pied de cette organisation les populations s’étaient déjà élevées contre le système de ségrégation par des moyens non-violents. L’un des exemples les plus célèbres de leur combat est sans doute leur opposition à la destruction du ghetto de Crossroads. Vers 1975, Crossroads n’était qu’un petit camp de squatters. Au fur et à mesure qu’il se développe, ses habitants sont constamment agressés, arrêtés, jetés en prison ou dans des bus devant les ramener au Transkeï, zone rurale supposée être leur lieu d’origine. Bien évidement les expulsés reprennent aussitôt le chemin de leur township. Grâce à la combativité des occupants de ce township et au soutien que leur apportent les Eglises, le gouvernement finit par jeter l’éponge. Crossroad n’est finalement pas détruit.
Mais si ses habitants ont finalement gagné cette bataille c’est essentiellement grâce à la détermination des femmes. Leur combativité dans le rejet du travail migratoire, système qui les confinait à rester dans les zones rurales tandis que leur maris étaient cantonnés dans des hôtels pour célibataires, a été exemplaire. Selon ce système, les hommes étaient censés venir travailler à Cape Town pour construire la ville et quitter aussitôt les centres économiques et retourner à leur pauvreté dès qu’ils n’avaient plus de travail. Ce sont les femmes qui se sont levées les premières contre ce système en disant "ça suffit comme ça". Elles ont résisté, souffert mais finalement gagné le droit d’élever leurs enfants en compagnie de leurs hommes. En protégeant la cellule familiale, elles ont aussi ainsi protégé leur communauté. Leur apport à la lutte est malheureusement souvent ignoré, sous estimé.
L’existence des ONG a également facilité cette lutte pour la survie de Crossroads. Elle a permis notamment de canaliser des fonds venant de l’étranger au service des populations de ce bidonville, mais aussi, de manière plus générale, en faveur du renforcement des structures populaires.
Aujourd’hui cependant nous devons faire face à certains effets négatifs de ces années de lutte. L’un de nos slogans de l’époque disait : "Libération d’abord, éducation après". Dans des zones surpeuplées comme Soweto par exemple, il est aujourd’hui capital de faire reprendre le chemin de l’école aux enfants. Cette situation est aussi révélatrice du profond état d’oppression dans lequel nous avons été très longtemps maintenus. Des milliers d’enfants n’ont jamais pu profiter des joies de l’enfance. Ils ont dû devenir adultes très vite. C’est pourquoi nous avons d’ailleurs souvent tenu à rappeler que l’un des objectifs de notre combat était le droit des enfants à l’enfance. Des signes d’espoirs existent avec le nouveau gouvernement. Plus que jamais les mots "conciliation" et "réconciliation" doivent prendre un nouveau sens.
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, Sudafrica
Expériences et réflexions sur la reconstruction nationale et la paix
L’auteur est un religieux sud-africain, membre de l’Institut théologique à Johannesburg (Institute for Contextual Theology). Texte traduit de l’anglais.
Fiche rédigée à partir d’un document envoyé suite à l’appel international à contribution lancé par la FPH pour l’organisation de la rencontre internationale sur la reconstruction du Rwanda (Kigali, 22-28 octobre 1994)co-organisée par la FPH et le CLADHO(Collectif des Ligues et Associations de défense des Droits de l’HOmme).
Texto original
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