La stratégie du gouvernement en vue d’une transformation fondamentale
10 / 1994
L’Afrique du Sud est entrée dans une nouvelle phase de son histoire, après le succès du processus électoral et la formation d’un gouvernement d’union nationale. Le succès de cette étape de transition et de consolidation de la démocratie dépend grandement de la capacité du gouvernement et de la société à résoudre les défis immenses de reconstruction sociale et économique du pays en dépassant les séquelles laissées par des décennies d’apartheid et de développement séparé. Les nouvelles autorités sud-africaines se sont dotées d’un instrument-cadre, le livre blanc sur la reconstruction et le développement. Les sixprincipes de base de ce programme sont les suivants :
1- Nous avons besoin d’un programme d’ensemble et misant sur la durée. Une telle politique devra être appliquée à tous les niveaux, national, provincial et local, par le gouvernement lui-même, les organismes para-publics, les milieux d’affaires et les organisations de la société civile.
2- Ce programme doit devenir l’affaire du peuple lui-même. Il est centré sur les besoins immédiats de la population et s’appuie sur les forces de la société, sans considération de race et de sexe, de secteur rural ou de secteur urbain, de riche et de pauvre,… Le gouvernement s’engage à mettre en place, à travers le pays, les différents forums et espaces de négociation pour favoriser cette participation, et à agir dans la transparence.
3- La paix et la sécurité doivent être garanties à tous. L’élan de paix national doit être renforcé et étendu à tout le pays et la violence endémique qui sévit dans les communautés en Afrique du Sud doit être combattue. Ce programme a besoin que le gouvernement mette en place des forces de sécurité tenant compte des caractères propres de la nation et de sa population, respectueuses de la Constitution et des droits de l’homme, favorisant la recherche par la société d’une éthique nouvelle et démilitarisée,…Le gouvernement prendra des mesures à la fois pour créer des conditions favorables à l’investissement et pour faire disparaître les atteintes à l’ordre public et aux droits des gens, en particulier des femmes et des enfants.
4- Nous pourrons ainsi entreprendre la construction de la nation. La réussite du processus électoral et la mise en place du gouvernement d’union nationale, l’engagement de tous les partis représentés à l’Assemblée nationale en faveur du programme de reconstruction et de développement (…) doivent favoriser cette construction. L’unité dans la diversité renforcera notre souveraineté nationale.
5- Le programme relie croissance, développement, reconstruction, redistribution et réconciliation. Le lien sera constitué par l’accès de tous aux infrastructures et services modernes tels que l’électricité, l’eau, les télécommunications, les transports, la santé, l’éducation et la formation. Ceci favorisera le développement économique dans son ensemble (y compris celui de l’exportation et du secteur privé). Il dépendra de la réussite de cette liaison entre reconstruction, développement et croissance que la paix et la sécurité soient garanties pour tous.
6- Les cinq premiers principes ne valent qu’à la condition qu’intervienne une profonde démocratisation de l’Afrique du sud. Par dessus tout, la population concernée doit participer aux décisions. La démocratisation doit commencer par s’effectuer en même temps au niveau de l’Etat et de la société civile. La démocratie n’est pas réservée aux période électorales. Le gouvernement, dans ses structures et son fonctionnement, doit être réformé afin qu’il corresponde aux nécessités du programme de reconstruction et de développement. Là, plus qu’ailleurs, les habitudes doivent être remises en question.
La restructuration du secteur public
L’un des objectifs du programme de reconstruction et de développement consiste à reconstruire un service public irréprochable. Au service du peuple, il doit être accessible, transparent, prêt à rendre des comptes , efficace et incorruptible. Tous les départements, services et fonctionnaires doivent se mettre en état d’agir conformément à l’esprit et aux objectifs du programme et de la Constitution. Ceci implique :
la création d’un service public représentant largement toutes les composantes de la population d’Afrique du Sud non seulement pour lutter contre les disparités mais aussi pour incarner la volonté de dénoncer le racisme et les inégalités. Dans ce but, les représentants syndicaux du Service public seront associés à cet effort.
la restructuration du financement du secteur public en fonction du programme de reconstruction et de développement afin que les priorités de celui-ci soient respectées. Cela nécessitera une évaluation de la capacité des services à gérer les nouvelles dépenses associées à ce programme. En règle générale, les effectifs des services ne seront pas revus à la hausse.
la rationalisation du service public, afin qu’il soit le reflet d’une nation unie. L’uniformisation, en termes de salaires et d’avantages, est donc nécessaire à l’échelle de l’ensemble du Service public.
la révision des lois et des règlements existants afin d’établir une législation du travail uniforme pour l’ensemble du service public. Une loi sur les relations avec les syndicats du Service public sera adoptée pour l’ensemble du secteur. Elle donnera naissance à une « Chambre des négociations » qui débattra avec le gouvernement des salaires et des conditions de travail.
une action résolue de tous les niveaux administratifs pour agir en conformité avec les objectifs de démocratisation, en veillant par exemple à favoriser l’accès des femmes à des postes de responsabilité. Une telle politique sera négociée avec les syndicats. Une embauche équitable, des codes de conduite, l’interdiction du racisme et du sexisme sur le lieu de travail… sont également envisagés.
un Institut de formation du service public préoccupé non seulement par les besoins administratifs mais aussi par les droits de l’homme. La formation doit répondre aux besoins du service public mais aussi plus largement à ceux de la société civile, les savoir-faire acquis devenant transférables entre ces deux secteurs.
des gains de productivité devraient pouvoir être réalisés grâce à une évaluation de l’efficacité des employés et à l’introduction d’un ensemble de méthodes (réorganisation du travail, simplification de la hiérarchie, plus grande utilisation de la technologie…)
la liberté de l’information administrative doit être renforcée afin de respecter le droit à l’information que garantit la Constitution et d’éviter une fragmentation de l’information qui nuit à l’action et au contrôle du secteur public.
à l’image de ce qui se passe dans l’industrie, le gouvernement doit encourager l’extension des droits syndicaux à tous ses employés.
transición política, proceso de democratización, fortalecimiento de las instituciones, administración pública, ética del servicio público, participación popular, sociedad civil, Estado y sociedad civil, paz y desarrollo, servicio público
, Sudafrica
Gouverner les villes avec leurs habitants
Extraits et traduction de l’anglais du chapitre 5.
Séminaire sur la reconstruction du Rwanda, Kigali, 22-28 octobre 1994.
Informe
ANC=AFRICAN NATIONAL CONGRESS, White paper on reconstruction and development : Government’s Strategy for Fundamental Transformation, 1994/09
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