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diálogos, propuestas, historias para una Ciudadanía Mundial

Non violence et démocratie

Claire MOUCHARAFIEH

03 / 1994

La non-violence est tout à la fois une philosophie, une sagesse, et une stratégie. Plus encore qu’une valeur, c’est une méthode d’action.

Le mot non-violence est ambigu, car c’est une négation, qui renvoie à une perception positive de la violence. Or il ne s’agit pas ici de pacifisme bêlant, mais d’en finir avec la dichotomie qui oppose le règne de la violence à celui des illusions et de la naïveté. Dans une culture où la violence est une valeur le débat est mal posé, et le refus de la violence apparaît comme lâcheté et renvoie donc à la fuite, la peur, la résignation et la passivité. Si on reste dans ce faux dilemme, la violence devient la seule possibilité d’assumer le conflit, de lutter contre l’injustice et lui faire face. Un ensemble de vertus est ainsi assimilé à la violence: l’honneur, le courage, la virilité, la dignité. Tout est construit sur ce schéma dominant, qui existe aussi dans la tête des dominés qui croient ne pouvoir se libérer que par la violence.

Il y a ici un présupposé philosophique : la violence est la perte du sens, la destruction et la perversion de l’humain; elle se situe à l’opposé de la raison.

La non-violence est donc avant tout une affirmation de sens avant d’être une recherche d’efficacité. La violence est ce qui prive ma vie, mon histoire, mon humanité de sens, c’est ce qui détruit la parole raisonnable.

Mais en même temps, l’homme est un être qui construit son humanité à travers sa relation aux autres. Dans cette dialectique, il faut distinguer entre le conflit, qu’il faut assumer (au commencement il y a le conflit), l’agressivité, la lutte et la violence. Etymologiquement, l’agressivité, c’est la capacité de marcher vers l’autre, de l’affronter et non pas de fuir. Le problème est qu’on a militarisé le mot : quand une armée marche VERS l’ennemi,c’est qu’elle marche CONTRE lui. Il reste que l’agressivité est constitutive de la personne, qui s’exprime dans une relation projetée vers l’autre. Enfin, il y a la lutte : je lutte pour la reconnaissance de mes droits, ce qui provoque souvent l’affrontement car cette lutte s’inscrit dans un rapport de forces. La violence n’intervient qu’à partir du moment où une menace de mort pèse sur l’Autre, où je veux l’éliminer ou construire mon identité contre lui. La violence c’est ce qui pervertit, dégrade l’humanité de l’autre, c’est le viol de son identité, et de son intégrité. Pas forcément son intégrité physique, comme dans le cas de l’humiliation de l’enfant par les adultes, ou de diverses catégories opprimées, sans acte ponctuel de violence physique, par un pur rapport de forces. Il faut absolument déligitimer la violence. Ne pas le faire transforme cette violence en fatalité, la rend nécessaire. Il se peut qu’on ne puisse éviter d’avoir recours à la violence, mais il ne faut jamais la justifier.

Il ne s’agit pas uniquement d’éthique, mais aussi et surtout d’efficacité. Nous affirmons sans ambiguïté le droit et le devoir de résistance : Le Mouvement pour une Alternative Non-Violente (MAN)ne renvoie nullement dos à dos la violence de l’opprimé et celle de l’oppresseur. Nous affirmons notre solidarité politique et radicale avec l’opprimé contre l’oppresseur, même lorsque sa lutte est violente, même si cela n’interdit pas de poser la question des moyens en termes d’efficacité. Etait-ce le meilleur moyen ? La solidarité ne doit pas nous rendre complices des moyens utilisés. La solidarité c’est aussi de ne pas pousser à la violence, et d’essayer d’innover dans la non-violence. Il ne faut pas dissimuler le bilan négatif de la violence dans le monde. Ces coûts humains et politiques posent le problème de l’efficacité, au-delà de la morale.

La perversité de la violence, c’est qu’elle est toujours un engrenage, un mécanisme. On va toujours plus loin que le strict nécessaire, car la violence est un enchaînement qu’on ne maîtrise pas.

La non-violence est aussi une stratégie. Il faut étudier les expériences non-violentes, qui ne se résument pas à Ghandi ou Martin Luther King, comme les militaires étudient les guerres. Je pense en particulier à l’exemple de Solidarnosc, et au laboratoire anti-totalitaire polonais. Solidarnosc n’avait pas les moyens de la violence, et lorsque le mouvement y a eu recours ça s’est retourné contre lui. Plutôt que l’affrontement frontal avec le pouvoir, Adam Michnik a opté pour construire le pouvoir des citoyens, et c’est cette stratégie du KOR qui a été la base de la révolution anti-totalitaire de 1989. L’expérience démontre qu’il ne peut y avoir de construction de la démocratie avec des méthodes violentes, et que les moyens démocratiques sont nécessairement non-violents.

La paix ne se réduit pas à l’absence de guerre. Il faut définir positivement ce que nous voulons. Entre le désordre établi de la société réelle et l’ordre utopique de la société parfaite, il y a tout l’espace où nous devons construire la démocratie, le seul projet véritablement révolutionnaire. Non pas la démocratie populaire - le peuple est une réalité abstraite - mais la démocratie citoyenne. La citoyenneté n’est possible qu’entre des hommes et des femmes qui se reconnaissent égaux et semblables, au-delà de leurs différences légitimes. Dès lors, promouvoir et défendre la démocratie dans une société, c’est d’abord lutter contre les idéologies productrices de discrimination et d’exclusion, comme le nationalisme, le racisme, la xénophobie, l’intégrisme, ou un certain libéralisme fondé exclusivement sur la recherche du profit.

Ce projet et ce processus se heurtent encore à la réalité des sociétés tribales, communautaires et confessionnelles, où la révolution individuelle a du mal à prendre racine. Mais certaines références sont universelles : les situations sont multiples mais les exigences de la conscience humaine sont universelles. Dans la confrontation des cultures, il ne s’agit pas tant d’accepter nos différences que d’accepter nos ressemblances. Et nos cultures se ressemblent tout d’abord en ce qu’elles sont toutes des cultures de la violence.

On assiste aujourd’hui à une crise de la démocratie représentative, avec le discrédit des partis politiques, l’abstentionnisme, etc.. La démocratie citoyenne est une démocratie participative et non pas strictement représentative, avec des lieux et des espaces où les citoyens peuvent participer au débat civique et politique, prendre des initiatives, assumer des responsabilités. Aujourd’hui, l’Agora s’est réduite à l’isoloir. Mais la démocratie c’est le débat public, et le tissu associatif est une école de la citoyenneté.

Palabras claves

no violencia, irenologia, educación para la paz, educatión a la ciudadanía, democracia participativa, lucha contra la marginación social, sistema de valores, metodología


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dosier

Construire la paix : éléments de réflexion à partir des pratiques des organisations non gouvernementales et de quelques instances nationales et internationales

Notas

Contact : MAN. 114 rue de Vaugirard, 75006 Paris, FRANCE - Tél/Fax : 00-33 (0)1 45 44 48 25 - manco@free.fr - manco.free.fr

Fuente

Entrevista

Entretien avec Jean-Marie MULLER, président du Mouvement pour une Alternative Non-Violente (MAN)

FPH (Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l’Homme) - 38 rue Saint-Sabin, 75011 Paris, FRANCE - Tél. 33 (0)1 43 14 75 75 - Fax 33 (0)1 43 14 75 99 - Francia - www.fph.ch - paris (@) fph.fr

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