Pendant des années, les piles usagées ont été collectées en pure perte, car la filière de traitement n’existait pas
07 / 1994
En 1987, les consommateurs ont, à l’appel de la Croix Rouge notamment, commencé à rapporter fidèlement les piles "boutons" usagées au comptoir des horlogers et des pharmacies. Malheureusement, cet élan s’est brisé net : aucun industriel n’était capable (ou désireux)de prendre en charge ses piles pour en faire quelque chose d’utile. En Italie, des villes qui avaient installé des receptacles sur la voie publique ont dû faire appel à des transporteurs pour s’en débarrasser en France... dans des décharges! Des tentatives ont été faites pour trouver des piles sans mercure, supposées moins nocives pour l’environnement. Wonder lança en 1987 la pile verte "Greenpower", mais ces piles sans mercure n’ont de vert que le nom. En effet, elles contiennent toujours des métaux indésirables comme le plomb, le cadmium, le manganèse ou le zinc. Quant aux piles au lithium ou aux hydrures de nickel, elles introduisent une gamme de métaux tout aussi toxiques tels que le cobalt, l’indium, le gallium ou le bismuth. Bien que représentant seulement 1% du poids total des déchets urbains, ces piles contribuent massivement aux apports de métaux lourds dans les installations de traitement (25 à 95% selon les cas). Qu’elles finissent en décharge ou en usine d’incinération, elles représentent un risque majeur de contamination des sols et de l’eau. Pour parer à ce danger, une directive européenne de 1991 a décidé d’interdire, à compter du 1/1/1993, la vente des piles au manganèse et celles contenant plus de 0,025% en poids de mercure, excepté les piles boutons, et a prévu toute une gamme de mesures pour la récupération des piles et accumulateurs. Mais c’est la Suisse, n’appartenant pas à la Communauté européenne, qui a décidé de rendre obligatoire la collecte et le recyclage des piles, quelle que soit leur nature. Les piles, rapportées au point de vente ou à la commune par l’utilisateur, sont transportées chez un collecteur ou traiteur de déchets qui facture l’élimination au point de vente ou à la commune; la facture est ensuite envoyée à la "fiduciaire" des fabricants et importateurs de piles, qui rembourse. Les frais de traitement sont répartis au pro rata de leur part de marché entre les fabricants et les importateurs. Deux centres de recyclage ont été créés en Suisse. L’un, selon un procédé allemand, est en cours d’essais près de Zurich. L’autre, selon un brevet déposé en 1986, implanté en 1991 à Aclens près de Lausanne, a traité 300 t de piles dans son unité pilote en 1993. Une seconde unité, de taille industrielle, a commencé a tourner en mai 1994. Les piles non triées, ainsi que les tubes fluorescents, sont passés dans un four à pyrolyse (600°C)où elles éclatent et où les composés organiques volatils sont gazéifiés. Le résidu est ensuite broyé, tamisé et les composés métalliques réduits en poudre. 95% des matériaux sont ainsi récupérés et envoyés en Allemagne pour traitement : 60% de zinc, manganèse et graphite, 15% de métaux ferreux et 5% de non ferreux. Le mercure est redistillé par une entreprise spécialisée et réutilisé pour les thermomètres et les amalgames dentaires. La nouvelle usine a coûté 25 millions de FS (100 millions FF), mais selon son président, cet investissement lourd en vaut la peine :"On ne rentabilise pas avec la vente des produits, mais avec le service rendu".
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CANS, Roger in. LE MONDE, 1994/07/19 (France)