Histoire d’une liaison difficile
05 / 1994
Jusqu’en 1990, les problèmes d’environnement n’étaient pas pris en compte dans les décisions professionnelles agricoles. Un poste de technicien chargé de l’environnement existait bien au sein de la Chambre d’Agriculture depuis 1981. Mais il était cogéré par la Chambre et le Conseil Général et presque exclusivement centré sur le problème de gestion des déchets.
En 199O, un tournant fut amorcé par les organisations professionnelles agricoles aveyronnaises sur les questions d’environnement. Et depuis, fleurissent en Aveyron, diverses expérimentations environnementales, proposées au niveau national, et pour lesquelles l’Aveyron s’est porté volontaire. Ainsi, un site a été retenu en Ségala pour une action Ferti-mieux, visant à expérimenter des pratiques agricoles limitant la pollution en nitrates.
Cinq cantons du Ségala aveyronnais sont également candidats à une expérimentation des Plans de Développement Durable, version française des mesures agri-environnementales de la CEE.
Les agriculteurs se sont également fortement investis dans la création du Parc régional des Grands Causses dont la préservation de l’environnement est un des objectifs prioritaires. Le plan de développement de l’agriculture aveyronnaise jusqu’en 2 OO0 (PSAD, Fiche 24)comporte une réflexion spécifique sur l’environnement considéré comme une "ressource", pour l’agriculture de demain. Faut-il en conclure que les organisations professionnelles agricoles aveyronnaises ont été touchées subitement par la "grâce" "verte" ? La réalité est évidemment plus complexe, l’observation plus précise des différentes actions citées plus haut, le montre.
La préservation de l’environnement n’est pas une priorité du monde agricole. Les agriculteurs "de base" ne se sentent pas pollueurs et les agriculteurs de montagne encore moins que les autres. Si les organisations professionnelles agricoles ont évolué sur ce sujet, c’est surtout qu’elles n’avaient plus d’autres choix. L’évolution du cadre législatif rend progressivement les préoccupations environnementales incontournables. Les débats sur la loi sur l’eau et sur la pollution, ont obligé les professionnelles agricoles à prendre position au niveau national. Alors qu’ils avaient jusqu’à présent bloqué les négociations en refusant d’être considérés comme pollueurs, les organisations professionnelles agricoles se rendirent compte, à partir de 1990, à la fois du caractère inéluctable des lois à venir et de l’ampleur des investissements qu’elles rendraient nécessaires en agriculture. D’où un changement de stratégie : plutôt que de s’opposer à l’inéluctable évolution de la société, il fallait obtenir que celle-ci prenne en charge l’adaptation de l’agriculture à ces évolutions. Les élus aveyronnais participèrent à cette négociation et la répercutèrent sur la gestion des affaires agricoles départementales. Ainsi, dès qu’il y a une opportunité d’action en faveur de l’environnement, assortie de financements même potentiels, les organisations professionnelles agricoles aveyronnaises la saisissent-elles.
Une autre raison de changement de la position des organisations professionnelles agricoles sur les problèmes d’environnement tient à l’évolution des rapports de force entre les institutions chargées du développement local. Face à la montée en puissance des institutions locales, les organisations professionnelles agricoles n’ont d’autre choix que de se positionner sur "ces créneaux d’avenir" dont l’environnement fait partie, pour tenter de maintenir leur hégémonie sur le monde rural.
Ainsi la participation des agriculteurs à la création du Parc des Grands Causses a-t-elle été largement motivée, au départ, par la volonté de contrer les associations locales, écologistes, et "d’éviter un deuxième Larzac". Moyennant quoi, les agriculteurs, obligés d’être force de proposition pour rendre leur participation crédible, ont initié des expérimentations et des actions sur l’érosion, la limitation de la pollution, la gestion de l’espace ... Cette évolution des organisations professionnelles agricoles rencontre des freins importants. Le milieu agricole est faiblement sensibilisé aux problèmes d’environnement. Les techniciens agricoles, plus ou moins chargés de cette sensibilisation à travers leurs activités courantes, sont très peu formés aux problèmes d’environnement. Enfin, bon nombre de problèmes d’environnement n’ont pas à l’heure actuelle de solutions techniques (effluents de salle de traite par exemple, gestion des pâturages extensifs, etc...)
Par ailleurs, si dans les prises de position officielles, la réorientation des organisations professionnelles agricoles est nette, elle tarde encore à se traduire dans les faits. La "communication" sur les problèmes d’environnement reste minimale, les dirigeants des organisations professionnelles agricoles semblant attendre à la fois une "sensibilisation naturelle du milieu agricole" (par quelles voies ?)et aussi d’avoir élaboré elles-mêmes des solutions suffisamment "solides et cadrées" pour en garder la maîtrise, lors d’une éventuelle diffusion.
L’évolution de cette approche des problèmes d’environnement par les organisations professionnelles agricoles souffre aussi de deux caractéristiques inhérentes au fonctionnement de ces organisations :- Les décisions et les actions sont extrêmement centralisées et ne laissent que peu de place à une éventuelle "créativité" de la "base" agricole (ainsi les sites d’expérimentation ont-ils presque tous été "désignés volontaires" par les instances de Rodez).
- Enfin, les organisations entretiennent très peu de relations avec les autres usagers du monde rural, qu’ils soient particuliers ou associations.
medio rural, organización campesina, medio ambiente
, Francia, Aveyron
Si les évolutions récentes des organisations professionnelles agricoles sur les problèmes d’environnement les ont obligées à nouer le dialogue avec d’autres institutions, l’ouverture sur une ruralité plus large (associations ou autres acteurs ruraux), reste pour l’instant très limitée.
Entrevista
ENSAM (Ecole Nationale Supérieure d’Agronomie de Montpellier) - L’ENSAM fait partie depuis janvier 2007 de Montpellier SupAgro qui est née de la fusion de 4 établissements : ENSAM, Centre national d’études agronomiques des régions chaudes (CNEARC), Département industries agroalimentaires régions chaudes de l’École nationale supérieure des industries agricoles et alimentaires (ENSIA-SIARC) et Centre d’expérimentations pédagogiques de Florac (CEP Florac). 2 place Pierre Viala, 34060 Montpellier Cedex 1, FRANCE - Tél. 33 (0)4 99 61 22 00 - Fax 33 (0)4 99 61 29 00 - Francia - www.agro-montpellier.fr - contact (@) supagro.inra.fr