" Notre GIE a été crée en 1984. A cette époque là, les quotas laitiers venaient tout juste d’être instaurés, la crise du mouton commençait, la viande bovine se vendait mal. Beaucoup de petites exploitations du Ségala avaient déjà du mal à assurer les fins de mois avec les revenus des "grandes productions", mais officiellement, pour les organisations agricoles d’ici, la diversification restait du "bricolage" et les expériences dans ce ce sens étaient très mal vues et pas du tout soutenues.
Dans le groupe d’amis qui a crée le GIE, il y avait surtout des femmes qui cherchaient un complément de revenus, mais aussi une forme d’activité professionnelle qui leur donne une certaine autonomie, tout en leur laissant le temps d’élever leurs enfants, et en leur donnant l’occasion d’avoir des contacts extérieurs. Nous avons donc choisi de produire du canard, de le transformer selon des recettes locales, et de le vendre, en groupe. Nous étions dix producteurs et le regroupemùent en GIE nous a permis de financer une salle d’abattage et de transformation et de nous organiser pour assurer la vente des produits.Travailler en groupe nous a également permis de résoudre beaucoup de problèmes techniques dans la production pour laquelle il n’y avait pas d’encadrement par les organisations professionnelles. Et puis, pour nous, travailler en groupe, c’était aussi essayer de retrouver "l’esprit" de la coopération agricole d’autrefois, qui a perdu tout son sens dans les grosses coopératives d’aujourd’hui.
Le projet n’a pas été facile à réaliser. Le Crédit agricole ne croyait ni au groupe, ni à la production de canards, ni à la vente directe et a refusé notre demande d’emprunt. Nous avons finalement pu investir 400 000 frs, essentiellemnt par auto-financement de chacun des membres et par un emprunt privé.
Comme les investissements avaient été très lourds, il nous a fallu augmenter très vite la production. Le système s’est emballé, nous avons été débordés par le travail, puis par les stocks parce que la vente ne suivait pas. Le groupe s’est alors fracturé et deux productrices nous ont quittés pour s’installer à leur compte, dans la même production et le même secteur, ce qui évidemment a crée une forte concurrence. Pourtant le GIE a finalement surmonté la crise. Aujourd’hui, six producteurs produisent 3000 canards par an. Récemment, nous avons admis un nouvel adhérent, un jeune agriculteur qui a pu s’installer à son compte, grâce à la production de canards. Cet épisode montre combien l’environnement a évolué depius la création du GIE : le Crédit Agricole a posé comme condition à l’obtention du prèt d’installation de ce jeune, qu’il développe une activité complémentaire à sa production principale de viande, et lui a recommandé le canard et l’adhésion au GIE...
Les revenus que nous obtenons sont variables, de 40 à 100 000frs selon la taille de l’atelier. Nous avons différentes formes de vente, à la ferme, par correspondance, sur les marchés locaux et aux restaurateurs. Nous avons beaucoup diversifié notre gamme de produits. Il y a sept ou huit ans, nous avions plus de mal à vendre, le canard, les confits, les rillettes, avaient une image de "nourriture grasse". Cette image a beaucoup évolué, et maintenant, nos produits sont davantage associés à des images de terroirs, de retour aux sources, de tradition. Et puis, plus récemment encore, c’est l’envie de "se faire plaisir" avec de la "bonne cuisine" qui semble motiver les achats de nos clients.
Notre clientèle est maintenant assez largement fidélisée, avec, en gros, deux types de clients: des personnes de plus de 50 ans qui recherchent des souvenirs et des goûts oubliés, et des gens plus jeunes, d’un niveau social assez élevé, cadres et citadins le plus souvent.
La concurrence a beaucoup augmenté localement en dix ans. Rien que sur le Ségala, nous sommes plus de dix groupes ou individuels à développer la même activité. Pour l’instant, nous n’en voyons pas les effets sur nos ventes, qui restent stables. Nous tablons sur une qualité de produits élevée et surtout constante, et sur la relation avec nos clients que nous soignons particulièrement en la rendant aussi personnalisée que possible: notre fichier client nous permet une correspondance régulière, les courriers sont personnalisés, rédigés à la main, avec des timbres de collection; nous invitons les clients à visiter la ferme, nous organisons des goûters à la ferme...
Est ce qu’on peut aller plus loin dans la démarche? Oui et non...Nous avons fait un essai d’association avec des producteurs de fromages pour vendre ensemble. On nous a sollicité aussi pour créer un groupe de producteurs fermiers pour vendre sur des marchés plus éloignés (Fiche 18). Ca n’a pas été très convaincant. D’abord, pour bien vendre, il faut connaître son produit, savoir en parler. D’autre part, les formules de vente de plus grande ampleur supposent souvent de prendre un salarié. Or les prix de nos produits sont restés stables depuis plus de cinq ans, la chute de prix de la production plus "industrielle" n’a pas touché nos produits "haut de gamme". Mais notre marge dépend étroitement des charges qui augmentent très vite quand on emploie quelqu’un.
Et puis, si nous ne vendons plus nous-mêmes, nous perdrons notre atout majeur qui est la relation avec le client. Toutes ces raisons font que nous ne cherchons pas vraiment à explorer d’autres voies...
medio rural, organización campesina
, Francia, Aveyron
Ce GIE est un exemple de ces petites structures de vente directe collective qui se multiplient depuis quelques années. Celle-ci a trouvé au bout de huit ans de fonctionnement, une stabilité fondée sur un équilibre entre production et débouchés, et sur une qualité de produit reconnue par une clientèle fidélisée.
Cependant, la multiplication actuelle de ce type de structures provoque une concurrence croissante, notamment sur les marchés locaux. L’idée d’associations plus larges entre ces structures, qui pourraient limiter cette concurrence, ne mobilise pas vraiment les groupes ou les individus qui ont réussi à se maintenir jusqu’ici. Ceux qui ont une clientèle fidélisée ont l’impression de ne pas être vulnérables face à la concurrence, et tous hésitent à compromettre leurs acquis (qualité de production, clientèle, image de marque...)dans une aventure plus collective.
GIE=Groupement d’intérèt économique
Entrevista
ENSAM (Ecole Nationale Supérieure d’Agronomie de Montpellier) - L’ENSAM fait partie depuis janvier 2007 de Montpellier SupAgro qui est née de la fusion de 4 établissements : ENSAM, Centre national d’études agronomiques des régions chaudes (CNEARC), Département industries agroalimentaires régions chaudes de l’École nationale supérieure des industries agricoles et alimentaires (ENSIA-SIARC) et Centre d’expérimentations pédagogiques de Florac (CEP Florac). 2 place Pierre Viala, 34060 Montpellier Cedex 1, FRANCE - Tél. 33 (0)4 99 61 22 00 - Fax 33 (0)4 99 61 29 00 - Francia - www.agro-montpellier.fr - contact (@) supagro.inra.fr