L’expérience des bergeries-relais de Veyreau
02 / 1994
Veyreau est une commune rurale enclavée au milieu du Causse Noir, un de ces grands plateaux calcaires à l’aspect déshérité, au Sud de l’Aveyron. La population y est stable depuis les années 80, et, fait peu ordinaire dans ces régions qui se désertifient, cette population a rajeuni, et la population agricole y a augmenté.
Ces évolutions positives sont à mettre au crédit de l’action d’une municipalité qui, depuis 15 ans, s’ingénie à favoriser l’installation de jeunes ruraux, locaux ou venant d’ailleurs. Cette action trouve son origine dans la prise de conscience suscitée localement par le mouvement du Larzac dans les années 70. Dans un monde rural alors marqué par la dévalorisation de lui-même ("être de la campagne était ressenti comme une honte", nous dira le maire de Veyreau), parle déclin démographique et l’absence de perspectives économiques, ce mouvement affirme avec force la dignité d’être "de la terre" et la volonté d’y revenir ou d’y rester.
L’une des premières actions de la municipalité sera d’essayer de rompre le silence et le fatalisme ambiants, en ouvrant le débat sur les problèmes locaux à travers un petit journal, "Caussa Negre", qui va préparer le terrain social pour les réalisations concrètes. Après avoir réussi une première installation d’un artisan, la municipalité rénove un vieux batiment, en fait une auberge, la loue à un jeune couple du village qui va y développer des activités touristiques.
Sur le plan agricole se posait, paradoxalement, à la fois le problème de l’abcense de succession dans les exploitations, et celui du coût élevé du foncier, rendant l’installation de jeunes difficile. Sensibilisée à ce problème, la municipalité ramène d’un voyage dans les Pyrénés, l’idée des bergeries-relais. En 1990, l’installation dans une ferme abandonnée du Causse Noir, de trois jeunes agriculteurs du Lot, permet de concrétiser l’idée. Alors que les agriculteurs investissent dans la rénovation des terres, le troupeau de chèvres laitières et la construction d’une fromagerie, la commune prend à sa charge la construction d’une bergerie de 300 places, moderne et fonctionnelle. La construction est financée à 75% par des subventions nationales, régionales, et européennes (fonds Leader), et à 25% par des emprunts, contractés par la commune dans le cadre du SIVOM local. Achevée en 1992, la bergerie est ensuite louée , avec un bail rural, aux agriculteurs.
La même année, un autre jeune agriculteur peut s’installer grâce à l’appui de la commune. Celle-ci construit une seconde bergerie-relais, mobilise la SAFER pour obtenir des terres à travers une action de restructuration et négocie pour le jeune agriculteur, une augmentation de ses droits à produire du lait de brebis, auprès de la Confédération de Roquefort.
Malgré des investissements importants au regard d’un budget communal limité, la municipalité de Veyreau estime que le bilan est globalement positif: quatre familles ont été installées et l’école retrouve un nouveau souffle avec l’arrivée de six enfants. Deux unités économiques, dont l’une est susceptible de créer des emplois (la fromagerie), ont été consolidées. La commune dispose maintenant d’un patrimoine bâti et sa capacité d’auto-financement, forte des loyers perçus, sera renforcée à partir de 1998, quand les emprunts auront été remboursés.
La population, d’abord réticente face aux investissements, et parfois aussi traversée de récriminations jalouses ("pourquoi construire une bergerie à des étrangers et pas à nous?")semble, finalement, se rendre à l’argument de l’école maintenue grâce à ces réalisations.
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, Francia, Aveyron
L’expérience de Veyreau montre que, même en ne disposant que d’un budget de fonctionnement limité, une commune peut devenir le moteur d’un développement local, en jouant un rôle d’animation, de mobilisation et de mise en relation de différents partenaires. Le fait de trouver sur un territoire des projets individuels sur lesquels une action collective peut être construite, est ici un élément déterminant de l’émergence du développement local. Le problème du financement de ce développement apparait finalement comme un problème de second ordre, d’autant plus aisé à résoudre que le projet défendu est solidement construit et argumenté. Les financements européens Leader, appelant des contre-parties nationales et infra-nationales, offrent un cadre souple et bien adapté à ces initiaves locales.
L’expérience des bergeries-relais répond au problème de la capitalisation croissante de l’agriculture, qui rend de plus en plus difficiles les installations de jeunes agriculteurs...
Entrevista
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