Les années 70 voient l’éclosion, en divers points de l’Inde, de nombreux groupes d’action locaux. Des jeunes articulent la colère et la révolte socio-culturelle de leurs communautés laissées en marge des transformations sociales et des processus de développement qui affectent l’Union Indienne les 20 premières années de son existence (1950-1070). La pauvreté des masses sans voix ni pouvoir, exploitées et méconnues, motive un engagement spontané de jeunes militants en herbe qui s’organisent en petits groupes locaux, en ville comme à la campagne.Ils luttent et mobilisent leurs communautés sur des objectifs sociaux, culturels, socio-politiques et idéologiques. 20 ans plus tard, 5 dérives fatales déportent ces explosions militantes de base.
La 1ère consiste à négliger les approches globales, les analyses théoriques, les finalités et les utopies idéologiques, en un mot ce qui relève du macro à divers plans, pour ne plus penser que de façon soi-disant réaliste, en termes de problèmes locaux et immédiats à résoudre concrètement. Ce manque d’horizon et de perspectives à long terme laisse vite des groupes essoufflés et désabusés devant l’ampleur et la récurrence sans fin des mêmes problèmes.
La 2ème dérive est celle de la division en chapelles, factions et allégeances personnalisées souvent patronisantes. Cetci n’est pas le fait spécifique des groupes de base. C’est toute la société qui est par nature construite comme un réseau de fractures selon des lignes de failles qui lui tiennent lieu de mailles. Les groupes d’action en tombent les victimes faute de pouvoir transcender les clivages sociaux, niveler les hiérarchies, détrôner les patronages ou se libérer de l’ascendant d’anciens maîtres.
La 3ème dérive est celle du populisme ou du l’opportunisme dans lesquels sont tombés des jeunes leaders incapables d’analyse critique et d’envergure théorique couvrant le long terme, d’une part, et d’autre part, démunis de base organisationnelle leur permettant d’assurer leur sécurité et de maintenir une certaine autonomie. Certains se laissèrent coopter par des partis politiques contestaires à la recherche, de leur côté, de cadres populaires.
La 4ème dérive est celle de la professionalisation qui tourne l’action sociale en travail social et l’animateur/militant en employé d’une institution privée de service social : intervention dépolitisée, gestion bureaucratique, attitudes de fonctionaire, rapports hiérarchiques entre les directeurs de projets et leurs "field officers", critères d’évaluation techniques inspirés de modèles d’action dite communautaire appris de livres américains pronant des techniques modernes de participation. Les Instituts de Service Social avec leurs diplômes officiels mettent fin à la subversion sociale et politique dont rêvaient le premiers jeunes en colère; ils leur substituent des "ingénieurs sociaux" à la compétence homologuée et rétribuée comme celle d’autres cols blancs. Leurs professeurs n’arrivent plus, en eussent-ils l’envie, à les convaincre qu’il est possible aux démunis de reprendre initiative, parole et pouvoir : le pauvre ne peut que s’efforcer de s’intégrer pour son mieux-être, avec l’aide d’ONGs efficaces, dans le "main stream" de la société qui se modernise.
5ème dérive : effort systématique de l’Etat pour se décharger de tâches de services publics qu’il concevait jusque là comme sa responsabilité, (sous prétexte de manque de fonds et d’expertise, et de réajustement structurel)sur les ONGs, fières d’être reconnues et cooptées pour leur compétence, et heureuses de recueillir des fonds publics commme de créer des emplois sociaux.
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, India
Les dérives indiquées répondent aux intérêts de deux catégories sociales, entre autres.
D’abord, en Inde, aux besoins d’emploi de fils de classe moyenne que leurs études ont aliéné du travail artisanal ou paysan de leurs parents et qui ne sont pas assez formés ni compétents pour entrer dans le secteur de la production industrielle, mais trop instruits pour envisager travailler de leurs mains. Un emploi social, souvent temporaire, leur permet de chercher un emploi plus lucratif ou d’éviter la prolétarisation.
Ces dérives répondent surtout aux attentes de nombreuses ONGs étrangères, à leurs conceptions d’aide privée au développement, aux voeux de leurs donateurs, et au climat "désenchanté" de l’Occident. Par le biais de tels projets de développement, les églises de l’Inde du sud en particulier recueillent d’énormes sommes d’argent qui contribuent à maintenir leur emprise sur les populations locales et à en renforcer des attitudes conservatrices, bien loin de répondre aux défis de l’heure, pourrissant l’élan militant d’hier.
Compte-rendu partiel d’une réunion de formateurs et d’animateurs indiens établissant l’état des lieux afin de percevoir les enjeux et les défis
Documentación gris
POITEVIN, Guy, CCRSS=CENTRE FOR COOPERATIVE RESEARCH IN SOCIAL SCIENCES
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