"De la côte au large et du large aux mers lointaines" : depuis qu’au début du siècle l’industrie japonaise de la pêche a adopté ce slogan, elle n’a fait qu’étendre ses domaines de pêche tout autour du globe. Malgré les difficultés consécutives à la seconde guerre mondiale, elle a atteint le premier rang mondial en 1972 et s’y maintient depuis lors. Mais, ces "mers lointaines" sont les eaux du littoral d’autres pays, et c’est au détriment de leurs ressources naturelles que s’est bâti le succès de la pêche japonaise.
A partir de 1977, les pays possédant un littoral ont commencé à se réclamer de leur droit -nouvellement reconnu par l’ONU- de considérer les eaux dans un rayon de 200 milles marins comme une zone de pêche nationale exclusive. Cela a constitué un redoutable défi pour le Japon qui, en 1976, tirait 40 % de sa production de poisson de ses propres eaux exclusives et 57 % de celles des autres pays.
Par ailleurs, la croissance économique japonaise dans l’après-guerre a fait augmenter la demande de produits de la mer sur le marché intérieur, et notamment de produits coûteux. A partir de 1971, la valeur des importations a dépassé celle des exportations -ou plutôt des exportations déclarées : certaines, par le biais d’entreprises conjointes (’joint ventures’), ne le sont pas (politique de ’substitution à l’exportation’). Enfin à ces éléments s’est ajouté le choc pétrolier qui a provoqué d’importantes hausses des coûts de production.
Face à cet ensemble de contraintes, les géants japonais de la pêche ont réagi en réorientant leurs activités : traditionnellement axées sur la production, elles sont devenues beaucoup plus commerciales. L’industrie japonaise de la pêche est ainsi devenue une véritable entreprise multinationale, avec des investissements à l’étranger à forte intensité de capital, des entreprises conjointes, etc.
Vis-à-vis des pays en développement, la situation a eu ceci de commode que cette vaste entreprise commerciale a pu se camoufler derrière la notion de ’développement/importation’ : ’développement’ des pays non industrialisés par des compagnies mères japonaises en échange de l’importation du produit augmenté de la pêche au Japon.
Le ’développement/importation’ existe sous trois formes : l’entreprise conjointe (cas le plus fréquent), la participation et le paiement pour accéder aux eaux de pêche exclusive d’un autre pays.
Dans une entreprise conjointe, des intérêts japonais sont liés à des intérêts locaux (parfois le gouvernement local); les navires de pêche sont apportés généralement par la partie japonaise et celle-ci achète le produit de la pêche. On peut noter que, de plus en plus, une société commerciale japonaise investit en même temps qu’une société de pêche.
La participation, dans le contexte du ’développement/importation’, peut prendre trois modalités principales : une assistance financière, une participation à la gestion, grâce à la possession d’un pourcentage de l’entreprise ou l’envoi de conseillers techniques. Dans la plupart des cas, la partie japonaise obtient (ou au moins parvient à orienter)la commercialisation de la vente.
Finalement, quant au paiement pour l’autorisation de pêcher dans les eaux exclusives d’un autre pays, on peut remarquer que cette voie est choisie essentiellement par de petites et moyennes entreprises -en somme, plutôt par des sous-traitants des géants japonais de la pêche que par ces derniers eux-mêmes. Bien entendu, cette forme d’activité, tout comme les précédentes, n’apporte en général aucun bénéfice en terme d’emploi local. De même, le ’développement/importation’ ne respecte généralement pas les possibilités de renouvellement des ressources naturelles exploitées.
La plupart des campagnes de pêche japonaises ou liées à des intérêts japonais sont engagées dans des activités à forte intensité de capital, telles que la pêche au chalutier, le conditionnement des fruits de mer. Par la puissance du capital japonais, ce mode de pêche est ainsi imposé dans de nombreuses zones, en l’absence de considération pour les modes de production et de répartition des populations locales.
Cette tendance est encouragée par les agences gouvernementales japonaises de coopération. Un exemple de la politique nationale de coopération en matière de pêche : le SEAFDC (Centre de développement des pêcheries en Asie du Sud-Est), conçu officiellement comme un moyen d’assistance technique du Japon aux pays d’Asie du Sud-Est. Dix ans après sa création en 1968, le bilan de son activité montrait clairement son orientation réelle, à savoir : le développement de la pêche en haute mer avec de grands navires et en utilisant une technologie comme celle que pouvait apporter le Japon. L’évaluation du SEAFDC par le Japon s’est toujours faite en terme de rentabilité commerciale.
La coopération japonaise est en fait un investissement commercial. Le Japon achète du poisson dans des pays de plus en plus dépendants d’équipements coûteux et de technologies que leur ont imposés les géants de l’industrie japonaise de la pêche.
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, Japón
Le document qui a servi de source est assez ancien : 1978. De ce fait, un grand nombre de données chiffrées ont été laissées de côté. Il semble toutefois que les phénomènes dont l’industrie et l’économie japonaises de la pêche sont les acteurs principaux aient gardé leur actualité.
Libro
JUNKO, Yamaka, PACIFIC-ASIA RESOURCES CENTER, 1980/05 (JAPON)
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