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Les producteurs agricoles et les normes à l’exportation vus par les ONG

ISF - Ingénieurs sans frontières

07 / 2011

Les producteurs qui désirent exporter sont soumis à un certain nombre de normes, impactant leur mode de production et leur organisation. ISF s’est penchée sur la vision des ONG françaises qui soutiennent des organisations de producteurs.

1 - Les normes sanitaires pour l’exportation

De nombreux pays du Nord ont mis en place des mesures sanitaires à l’importation de produits alimentaires sur leur territoire. Ces mesures portent sur les additifs alimentaires, les résidus de pesticides, la présence de métaux lourds, de moisissures, de contaminations microbiologies, sur l’étiquetage…

L’Europe a une politique globalement plus libérale que les États-Unis ou le Japon en matière de barrières sanitaires mais elles portent sur des produits à forte répercussion économique. Les pays qui imposent le plus de contraintes sont paradoxalement les pays du groupe de Cairns (Venezuela, Argentine, Brésil) qui prônent pourtant un plus grand libéralisme des échanges (LE BIGOT, RIBIER, 2004).

Les pays les moins avancés (PMA) semblent particulièrement en position de faiblesse face à ces normes. En effet, leurs exportations, essentiellement agricoles, sont très touchées par les aspects sanitaires et leurs producteurs manquent de ressources financières pour effectuer les changements de technique et de systèmes de contrôle et de traçabilité qu’exigent les normes. Le renforcement des normes sanitaires signifie souvent l’exclusion des exportations des PMA, incapables de répondre aux nouvelles normes avant que d’autres concurrents ne gagnent le marché (LE BIGOT, RIBIER, 2004).

Les ONGs françaises rencontrées appuient essentiellement des producteurs cherchant à exporter leurs produits vers les marchés européens (Afrique de l’Ouest) ou américains (Amérique Latine). Nous sommes ici dans le champ de normes obligatoires, intégrées dans les réglementations.

2 - Les normes pour l’exportation vers l’Union Européenne

Les producteurs du Sud doivent répondre à plusieurs aspects sanitaires, en réponse aux législations alimentaires européennes :

  • La traçabilité. Elle est rendue obligatoire par le Règlement européen 178/2002 entré en application le 1er janvier 2005 (« food law »). Cette réglementation « de la fourche à la fourchette» donne à l’importateur la responsabilité d’assurer la traçabilité du produit aux différents stades de la filière. Les informations ne sont pas destinées aux consommateurs mais aux pouvoirs publics en cas de contrôle ou d’alerte sanitaire (FREIDINGER-LEGAY, 2006).

  • Le contrôle de l’hygiène. Il est rendu obligatoire par les modifications de la réglementation relative à l’hygiène entrée en application le 1er janvier 2006. Cette réglementation met l’accent sur le système d’analyse des dangers et de leur maîtrise aux points critiques (méthode HACCP (1)).

  • Le respect des limites maximales de résidus de pesticides (directive 91/414/CE).

  • Le respect des limites maximales de résidus d’aflatoxines (règlement CE 2174/2003). Les aflatoxines sont des substances très toxiques pour les mammifères qui apparaissent dans les noix, les céréales, les poivres séchés et d’autres aliments d’origine végétale.

  • L’affichage des aliments allergènes (directive 2003/89 CE)

  • La traçabilité des emballages. Elle est rendue obligatoire à partir d’octobre 2006 (règlement 1935/2004) (FREIDINGER-LEGAY, 2006).

Plusieurs ONGs rencontrées sont directement confrontées à ces normes européennes dans leurs appuis.

Ainsi Tech-Dev (2) doit faire face à la question de la traçabilité pour plusieurs filières que l’ONG appuie : pour la production d’ananas déshydratés au Bénin et pour le karité au Burkina Faso. Dans ce dernier cas, le karité étant surtout exporté en cosmétique, la traçabilité n’est pas encore obligatoire mais elle l’est rendue de fait par les demandes des acheteurs. Ainsi, un système de traçabilité a été mis en place de la motte de beurre au container (communication Tech-Dev).

Il semble cependant que la traçabilité ne soit pas encore systématiquement appliquée dans toutes les filières. Pour l’anacarde en effet, il n’y a pas aujourd’hui de traçabilité stricte. Les transformateurs majoritaires, indiens et vietnamiens, n’y ont d’ailleurs pas intérêt. Leurs usines fonctionnent en continu, d’abord avec leur production nationale, puis avec des noix importées d’Afrique de l’Ouest lorsque la récolte est terminée dans leur pays : la traçabilité alourdirait considérablement leur système. Les pays africains, pour défendre la transformation des noix sur leur sol, se sont clairement positionnés pour l’application de la traçabilité à la dernière conférence de l’OMC (communication Rongead (3)).

L’AFDI (4) rencontre les questions de mise en conformité aux normes européennes dans plusieurs projets d’appui aux organisations de producteurs. Au Bénin par exemple, l’AFDI travaille avec l’Union des producteurs du sud Bénin (UPS) qui commercialise en Europe de l’ananas frais par avion depuis 2001. Les techniciens de l’UPS ont reçu une formation sur les normes d’exportation de l’ananas frais et mettent en place une démarche HACCP. La principale difficulté réside dans les limites minimales de résidus (de pesticides) dans les fruits exigées par l’UE (communication AFDI).

L’AFDI Lorraine travaille avec des producteurs d’oignons de Madagascar qui souhaitent exporter vers l’île de la réunion. Or, les importateurs réunionnais utilisent les références européennes et ont des demandes de contrôle, via des questionnaires complexes, totalement inadaptés aux capacités des producteurs malgaches. L’AFDI joue un rôle de médiateur, d’un côté en demandant aux importateurs réunionnais de revoir leurs attentes en fonction du contexte malgache et d’un autre côté, en aidant les producteurs malgaches à répondre à un niveau minimal d’exigences (communication AFDI Lorraine).

Enfin, les ONGs évoquent aussi la difficulté de trouver des institutions locales compétentes pour effectuer les contrôles nécessaires sur les marchandises exportées. En Afrique de l’Ouest par exemple, les laboratoires locaux compétents sont peu nombreux et se concentrent sur des productions jugées prioritaires pour l’exportation (cas du cacao en Côté d’Ivoire). Le CIDR (5) n’a par exemple pu trouver de laboratoire au Mali compétent pour réaliser des analyses sur le soja, les analyses doivent être effectuées en France (communication CIDR). De même, les ministères locaux compétents pour accréditer et contrôler ces laboratoires ne sont pas toujours à même de remplir leurs fonctions.

3 - Le marché américain : loi sur le bio terrorisme

La loi américaine contre le bio-terrorisme impacte certains producteurs sud-américains. Cette loi, adoptée en 2002, vise à assurer l’innocuité des produits agricoles alimentaires et animaux entrant sur le sol américain. Elle comprend essentiellement des contraintes pour les exportateurs (inscription, représentation aux États-Unis, enregistrements) mais du fait de l’impératif de traçabilité sur toute la filière, les exigences touchent aussi les producteurs. Ceux-ci doivent en particulier tenir un registre des opérations culturales et des produits phytosanitaires utilisés ainsi que référencer toutes les parcelles de production (VEERABADREN, 2005).

4 - Les normes :conditions d’accès aux circuits commerciaux

Le référentiel européen EUREPGAP

D’autres normes élaborées en Europe n’ont pas un caractère réglementaire obligatoire mais deviennent de fait indispensables pour avoir accès au marché européen.

EUREPGAP « Euro Retailer Produce Working Group-Good Agricultural Practices » est une association composée de chaînes européennes de grandes et moyennes surfaces, particulièrement implantée en Europe du Nord (Royaume-Uni, Pays-Bas). L’association développe, essentiellement pour les produits frais, un référentiel inspiré de bonnes pratiques agricoles de production et de la méthode HACCP pour le conditionnement.

Ce référentiel s’applique au niveau de l’exploitation agricole. Dans le cas de l’ananas, le référentiel représente près de 210 points de contrôle (respect de l’environnement et des conditions sociales de travail) avec un coût de mise en conformité évalué entre 2300 et 2600 US $ pour un producteur costaricien souhaitant exporter. A cela, il faut encore ajouter les coûts de certification (VEERABADREN, 2005).

Cependant, même si les Grandes et Moyennes Surfaces (GMS) font de plus en plus référence au référentiel EUREPGAP, elles ne l’exigent pas systématiquement : la sécurisation des volumes et de la qualité restent leur premier souci (VEERABADREN, 2005).

Les Grandes et Moyennes Surfaces (GMS) de certains pays du Sud développent aussi des normes

De plus, les grandes surfaces développent dans certains pays du Sud (Amérique Latine, Afrique du Sud, Maghreb) des démarches qualité. Ce sont soit des chaînes européennes ou américaines implantées localement (y compris des chaînes de restauration comme Mac Donald’s), soit des entreprises nationales (communication GRET). Ceci est encore très peu développé en Afrique de l’Ouest.

Au Costa Rica par exemple, les GMS représentent près de 50 % de la vente au détail dans le secteur alimentaire. Ces GMS, face aux attentes des consommateurs, développent leurs propres cahiers des charges de qualité et sécurité (pour les traces de pesticides par exemple). L’approvisionnement en fruits et légumes s’effectue alors auprès de fournisseurs privilégiés, dont des organisations de producteurs, avec parfois proposition d’assistance technique et de crédits (VEERABADREN, 2005).

Ces marchés émergents constituent des opportunités nouvelles de débouchés stables et rémunérateurs. Reste à savoir quels producteurs pourront s’adapter à ces exigences (communications IRAM et GRET).

5 - Impact de la mise en conformité aux normes

Les producteurs positionnés sur l’exportation de produits vers l’Europe ou les États-Unis ou sur l’approvisionnement des GMS locales doivent donc se mettre en conformité avec les normes décrites précédemment pour continuer à vendre. Cette mise en conformité présente de forts risques d’exclusion des petits producteurs.

Les mêmes normes pour tous les acteurs

De façon générale, les petits producteurs et petits transformateurs sont confrontés aux mêmes normes à l’exportation que les grandes plantations, usines ou industries. C’est par exemple le cas pour la production de fruits au Brésil (communication ESSOR) ou d’ananas au Costa Rica (VEERABADREN, 2005). Il est évident que des petits producteurs, même organisés, et des multinationales ont des niveaux d’accès aux financements et à l’information incomparables et n’ont pas la même rapidité et efficacité dans la mise en conformité.

L’intégration des filières

Lorsque les produits sont fournis par un grand nombre de petits producteurs (majorité des filières agricoles africaines d’exportation par exemple), les opérateurs d’aval, comme les exportateurs ont tendance à contractualiser sur la base d’un cahier des charges avec les plus gros fournisseurs ou à intégrer la filière. Dans les deux cas, on constate une marginalisation des petits producteurs (LE BIGOT, RIBIER, 2004).

Ainsi, sur la filière ananas au Costa Rica, la maîtrise de la qualité induit un rapprochement d’acteurs amont et aval et donc une intégration des filières. Ceci conduit à une diminution du nombre de débouchés disponibles pour les petits producteurs (VEERABADREN, 2005).

Le transfert de responsabilités

On observe, tout au long de la filière, un transfert descendant de responsabilité jusqu’au secteur de la production. Les producteurs se trouvent alors dans l’obligation d’accepter ce nouveau rôle de la prise en charge de la responsabilité de leurs productions. Les exportateurs peuvent alors privilégier les producteurs moyens ou grands qui possèdent déjà les certifications et les outils de traçabilité nécessaires (VEERABADREN, 2005).

 

1 Hazard Analysis Critical Control Point, méthode et principes de gestion de la sécurité sanitaire des aliments, voir le site de Hazard Analysis Critical Control Point.
2 Technologie pour le développement est une association qui pratique l’appui technique auprès de PME en Afrique de l’Ouest. Voir le le site.
3 Rongead est une association qui propose de l’appui technique au commerce, dans le cadre d’un développement durable, notamment an Afrique de l’Ouest. Voir le le site.
4 Agriculteurs Français et Développement Internationale est une association implantée dans le monde agricole qui favorise les échanges e tl’appui technique entre agriculteurs de France et du Sud. Voir le site.
5 Centre International de développement et de Recherche est une association qui intervient dans les domaines du développement local et économique, en Afrique. Voir le site.
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