Les villages de l’Orissa commencent à voir les bénéfices de la prise en charge, par des femmes engagées et élues chefs de village, du programme national d’emploi rural et des problèmes locaux gérés en collaboration avec les officiels du gouvernement.
Le barrage du village de Laxmipur, dans le panchayat (unité administrative) villageois R. Udayagir, du district de Gajapati dans l’Etat d’Orissa, irrigue près de 40 acres de terres appartenant à 70 petits agriculteurs. Premlata Raita, 48 ans, est la chef de village de R. Udayagir et, à ce titre, est responsable de ce barrage. Elle a même initié plusieurs projets en application de la loi nationale Mahatma Gandhi de garantie de l’emploi rural (MGNREGA), visant à améliorer la vie et les moyens de subsistance de la population de son panchayat. Lors de la dernière année fiscale, elle a dépensé un montant record de 8 millions de roupies (130.000 Euros) au titre de ce projet, recevant même une récompense du département des Panchayati Raj du gouvernement d’État.
Au total, à R. Udayagir, 139 familles ont bénéficié des 100 jours de travail par an prévus par la MGNREGA. Dans ce panchayat, où les populations tribales sont majoritaires et qui est donc classé comme zone répertoriée en vertu de l’annexe V de la Constitution Indienne, l’augmentation des revenus liée aux salaires du MGNREGS et, indirectement, aux meilleures possibilités d’irrigation, au développement des terres, aux routes et autres infrastructures, a amélioré les modes de consommation. Manjuri Paika, militante et récipiendaire d’une récompense du Gouverneur de l’Etat d’Orissa, explique : « Les revenus provenant du MGNREGS nous ont permis de dépenser davantage pour l’éducation de nos enfants, pour l’agriculture, pour nos proches habitant dans d’autres villages et pour des activités communautaires qui renforcent la socialisation dans les villages. »
La bonne mise en œuvre du plan de garantie de l’emploi rural a également réduit la migration liée à la détresse économique dans le panchayat. Les travailleurs migrants saisonniers n’ont plus à aller chercher du travail en dehors de leur village.
Premlata a une longue liste de programmes mis en œuvre dans le panchayat durant les trois dernières années où elle a été en poste. Elle a fait construire des maisons en dur pour 400 familles dans le cadre des Projets Indira Awas et Mo Kudia, elle a réhabilité le comité de santé villageois (Gaon Kalyan Samiti) et amélioré l’assainissement dans le cadre de la Mission nationale pour la santé rurale. La population a également bénéficié du projet ASHA et les écoles offrent des repas de déjeuner aux élèves.
Premlata s’adresse à l’officier de développement du bloc administratif (Block Development Officer, BDO) et au responsable du tehsil (le tehsildar) pour tout problème qui surgit. Comment cette femme, qui n’est pas allée au-delà de la classe de Troisième, trouve-t-elle le courage de faire face à des officiels comme le BDO et le tehsildar ? Premlata explique : « Au début, j’avais peur de ces fonctionnaires de plus haut rang. Mais, finalement, la crainte s’est évaporée car je suis là en tant que représentante de la population et je dois travailler pour elle. C’est mon devoir de présenter la situation du village à chaque réunion officielle car les gens me font confiance et dépendent de moi. La confiance et la foi que les gens ont en moi me donnent du courage ».
Premlata est chrétienne et appartient aux tribus répertoriées. Son mari, Manika Raita, travaille dans une église et ils ont un fils. Il n’y a cependant aucun signe de « pouvoir par procuration » dont jouirait l’un des hommes de la famille de Premlata.
Premlata a d’abord été élue en tant que membre de la circonscription électorale en 1992. Elle est devenue chef de village (sarpanch) en 2007. Ce long intervalle n’a pas entamé son enthousiasme. Elle s’assure que le bureau du panchayat soit toujours ouvert les jours ouvrés. Son employé Rama Goud confirme : « Même quand Madame a de la fièvre, elle vient au bureau ».
Premlata est l’une des quelques femmes élues des institutions du panchayati raj (gouvernance villageoise) que l’Orissa a produit. Le 73ème amendement constitutionnel de 1993, qui fixe des quotas pour les femmes au niveau local, a fait du chemin pour assurer la participation politique des femmes indiennes.
Les observations en Orissa suggèrent que plusieurs étapes ont jalonné ce parcours. Au départ, il a été dominé par la crainte à l’idée d’inclure les femmes dans la politique des partis, par le « pouvoir par procuration » des proches masculins des femmes élues et par la domination des membres masculins et des fonctionnaires de plus haut rang dans la prise de décision. Puis les choses ont évolué. Litali Das, une militante sociale qui travaille sur les questions de femme, cite un exemple : « En 2009, dans le district de Nuapada, des femmes chefs de village du bloc administratif de Boden voulaient organiser une assemblée villageoise. Mais le BDO n’était pas convaincu. Les femmes lui ont alors montré le manuel du panchayati raj de l’Orissa qui stipule qu’il est obligatoire de tenir des réunions villageoises au moins quatre fois par an. Le BDO a capitulé. »
Nous assistons donc progressivement à la réalisation des objectifs du 73ème amendement. L’implication des ONG dans la conscientisation des femmes élues a porté ses fruits. Les femmes sont maintenant en mesure de participer aux discussions et aux prises de décision à l’intérieur du système de panchayat à trois parties. Le gain le plus visible est évidemment la participation accrue des femmes aux réunions du village, non seulement en quantité mais aussi en qualité d’implication.
Hormis le fait de devenir des administratrices du panchayat, les femmes élues ont aussi émergé en tant que leaders, faisant remonter des questions locales à de plus hauts niveaux. Dans un cas intéressant, le gouvernement d’Andhra Pradesh construisait un barrage dans la zone frontalière du district Gajapati en Orissa. Trois villages du panchayat Gangabada devaient être inondés. La chef de village Sumitra Sabar a galvanisé sa communauté et l’a conduite à lancer un mouvement d’agitation efficace et à en faire une question inter-État. Ses efforts sans relâche ont attiré l’attention des pouvoirs en place. Depuis, la construction du barrage a été stoppée.
Dans un autre exemple, Sangeeta Nayak, chef du panchayat villageois de Borda dans le district de Kalahandi, a mobilisé près de 3.000 personnes pour bloquer la route du collector (agent administratif). Ils ont ainsi réussi à obtenir qu’un médecin soit nommé au centre de soins de santé primaire du village qui n’en avait pas vu depuis des années. De même, Nayana Patra, une élue du panchayat villageois de Baruan, dans le district de Dhenkanal, a montré l’exemple en améliorant le système éducatif dans son village (le taux d’abandon scolaire a fortement décliné depuis) et en assurant la protection des forêts locales. Purnavasi Nayak, du panchayat villageois de Damala, dans le district de Gajapati, a, quant à elle, réussi à créer des liens vers les marchés pour les paysans de la région, augmentant considérablement leurs profits. Dans le panchayat de Bingharput, district de Khurda, sous la direction de Ruma Sahu, membre élue de l’assemblée villageoise, les femmes se battent pour faire fermer un débit de boissons et ont attiré l’attention du Ministre en chef de l’État sur ce problème.
Minati Padhi, de l’Institut pour le Développement des Femmes, qui a accompagné et guidé des élues femmes comme Premlata Raita, affirme : « Nos femmes élues dans les panchayats n’ont rien à envier à Sonia Gandhi (Présidente du Parti du Congrès), Sheila Dixit (Ministre en chef de New Delhi) ou Mayawati (Ministre en Chef de l’Uttar Pradesh) en termes de performance et de leadership. Les expériences sur le terrain offrent suffisamment de preuves de l’efficacité des femmes en politique. Il est impératif que les membres du Parlement votent la loi sur les quotas de femmes au Parlement qui devrait réserver un tiers des sièges aux femmes dans les assemblées législatives du Centre et des États ».
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, India
Lire l’article original en anglais: Orissa’a wonder women
Traduction : Valérie FERNANDO
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Pradeep BAISAKH, « Orissa’s wonder women », in Infochange News & Features, January 2011
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