01 / 2009
La mobilité est un besoin fondamental des êtres humains : le style de vie, la communication, les échanges culturels, de connaissances et de marchandises sont fondés sur la mobilité (Kayemba « Plaidoyer pour la mobilité intermédiaire » ; 2001, p. 3). Les êtres humains ont besoin d’échanges, de communications et d’accès ; en conséquence des moyens de transport accessibles et appropriés sont les garants de l’évolution de la société.
Le transport n’est pas une fin en soi, c’est un moyen. Il permet aux ouvriers de se rendre à leur travail, aux producteurs d’accéder aux marchés de biens et de services, aux élèves d’aller à l’école, aux patients de se rendre aux centres de santé et à chacun d’entre nous de rendre visite à sa famille.
Le transport des femmes en milieu rural et l’amélioration des conditions sanitaires
En Ouganda, l’agriculture constitue plus de 75 % du PIB et ce secteur emploie plus de 78 % de la force de travail du pays. La population de l’Ouganda est d’environ 30 millions d’habitants dont plus de 50 % de femmes qui jouent un rôle très significatif dans l’agriculture alors que la maîtrise des facteurs de production et l’accès au marché leur échappe presque entièrement.
Les femmes ont des besoins spécifiques en matière de santé, liés à leur condition de mère. Leur fertilité élevée et le nombre limité de structures sanitaires dédiées à la santé des enfants ont pour conséquence à la fois une grande mobilité et un taux de mortalité élevé chez les femmes. C’est en Ouganda que Jelliffe a inventé le syndrome d’épuisement maternel, qui correspond à une forte morbidité et des risques élevés de décès suite aux grossesses qui suivent la naissance du sixième enfant (1).
L’accès à la bicyclette et la discrimination des femmes
La rareté des bicyclettes dans la plupart des communautés africaines impose une discrimination de fait, pas nécessairement délibérée: il n’y a qu’un faible nombre de sociétés dans lesquelles les femmes ont accès à la bicyclette, principalement dans les centres urbains. Dans l’ouest et au sud de l’Ouganda principalement, circuler à bicyclette constitue un tabou pour les femmes. Les plus âgées y sont très opposées et elles communiquent l’interdit à leurs filles. A cela il y a plusieurs raisons, du risque de perdre sa virginité au manque d’adéquation de la tenue vestimentaire féminine traditionnelle pour une telle pratique en passant par l’indécence de la position de conduite… Le coût élevé des vélos n’est pas non plus pour rien dans cette discrimination : il faut économiser pendant des mois, voire des années, pour acquérir une bicyclette et restreindre alors les dépenses habituelles du ménage. C’est tout particulièrement difficile pour les femmes qui, pour la plupart d’entre elles, consacrent l’intégralité de leur revenu aux dépenses du ménage et n’ont pas la maîtrise des moyens de production. La qualité des routes, conçues uniquement pour la circulation motorisée, constitue un obstacle supplémentaire.
Ainsi, des barrières structurelles empêchent les femmes de tirer profit d’un moyen de transport qui leur permettrait de porter autrement que sur la tête ou sur le dos les lourdes charges qu’elles doivent déplacer.
Comme si tout cela n’était pas suffisant, la vulnérabilité économique des femmes fait que leur mobilité reste limitée, ce qui diminue leur possibilité d’accéder aux infrastructures sociales. Parce que c’est aux femmes que revient le travail domestique, une fillette n’a plus le temps de faire correctement ses devoirs à la maison. Elle arrive fatiguée à l’école, elle ne peut se concentrer et se trouve exposée à l’échec scolaire. Tout cela constitue un obstacle à la réalisation des OMD 5 (améliorer la santé maternelle) et 6 (combattre les VIH/SIDA, le paludisme et les autres maladies).
Les femmes ont été de plus en plus exposées aux risques qui attentent à leur santé, provoqués par le portage de grosses charges sur leur tête et quelques fois sur le dos. La bicyclette est le seul moyen de transport disponible, flexible, approprié au type de routes et dont les coûts de maintenance sont bien inférieurs à ceux des véhicules à moteur.
Pour faire face aux besoins de mobilité et d’accès, plusieurs communautés ont adopté différentes stratégies qui leur sont propres.
Le relatif développement de la bicyclette a permis à FABIO de créer une ambulance-bicyclette qui permet aux femmes des zones rurales d’accéder aux services de santé. FABIO est une ONG locale, elle sensibilise les populations depuis 6 ans à la nécessité de promouvoir l’usage de la bicyclette parmi les femmes.
Grâce au programme « Femmes en mouvement » et à l’aide qui leur est ainsi apportée, les femmes peuvent accéder à la bicyclette. En profitant des subventions et des conditions de crédit qui leur sont accordées un millier de femmes ont pu acquérir une bicyclette et alléger leurs dures conditions de travail.
{Monika Nadego du village de Namuganza raconte : « Le travail a commencé à 2 h. du matin, mon mari est allé chercher l’ambulance-bicyclette à 1 km d’ici pour me conduire ensuite au centre médico-social ; et, que Dieu soit loué, j’ai donné naissance à une belle petite fille à 5 h 30 ».
A travers le National Planning, afin de répondre aux besoins sanitaires de la population, le gouvernement construit des centres de santé de type II, III ou IV ainsi que des hôpitaux de district. Mais tout le monde n’a pas la même facilité d’accès à ces centres.
L’ambulance-bicyclette a permis de combler ces inégalités, c’est une innovation dont la pérennité dépend des décisions du gouvernement qui doit mettre en place un mécanisme institutionnel approprié pour que son usage se généralise. La recherche effectuée par l’auteur de ce document s’intègre au programme du réseau international coordonné par IFRTD en 2007, elle s’est traduite à la fois par des expériences locales et internationales ; elle a prouvé la pertinence de l’ambulance- bicyclette en abordant à la fois la problématique de la mobilité et celle des questions de santé dans les communautés rurales.
La bicyclette-ambulance améliore l’accès aux services de santé des communautés rurales
La bicyclette-ambulance est un outil essentiel pour relever le défi que constitue le besoin de mobilité associé aux soins de santé, mais la communauté doit être en mesure d’acquérir l’engin, de prendre en charge sa gestion et de percevoir une redevance d’utilisation.
Les femmes sont les principales utilisatrices. Il est prévu que le Ministère de la Santé fournisse 300 ambulances-bicyclettes par l’intermédiaire des autorités locales de Katakwi. Au-delà de la promotion de la bicyclette-ambulance, FABIO fournit des bicyclettes à un grand nombre de femmes.
Eléments de conclusion
• Il ne sert à rien de donner une bicyclette à une femme sans s’assurer que ses conditions d’utilisation sont satisfaites et la formation assurée.
• Il est indispensable de sensibiliser non seulement les femmes utilisatrices mais aussi leurs maris.
• Il est hautement souhaitable d’organiser des réunions pour permettre aux hommes de se rendre compte de l’usage que les femmes font de la bicyclette.
• Les femmes utilisent de plus en plus l’épargne et le crédit, un moyen parmi d’autres qui contribue à leur émancipation.
• L’émancipation et la prise de responsabilité contribuent au recul des traditions.
• L’accès à la mobilité facilite la prise de responsabilité et l’usage de la bicyclette y contribue. • Pour développer des initiatives, il faut viser tout autant les hommes que les femmes.
• En ciblant les jeunes filles, l’impact des actions entreprises est d’autant plus durable.
• Il n’est pas possible de parler de la problématique du transport en zone rurale sans mentionner le rôle très important qui est celui des femmes.
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, Uganda
Vers la sortie de route ? Les transports face aux défis de l’énergie et du climat
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