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Les conséquences du changement climatique sur la santé en Inde

Centre for Education and Documentation

08 / 2010

Alors que nous écrivons ces lignes depuis Mumbai, en Inde, le Pakistan voisin vit les inondations les plus catastrophiques de son histoire, dues à de fortes précipitations et au débordement du puissant fleuve Indus. Des millions de personnes sont évacuées. Les conséquences directes d’événements climatiques aussi extrêmes sont tellement tragiques que les conséquences indirectes, notamment celles relatives à la santé, attirent peu l’attention des médias.

Mais, en cette fin août 2010, à Mumbai, nous nous remettons aussi de 20 jours de pluie continue, quoique modérément forte. Les médias ont cette fois-ci rapporté l’existence d’une quasi-épidémie de paludisme dans la ville.

Cependant, le reportage du Mumbai Mirror l’attribue à la corruption et non au changement climatique :

«  Une autre année, une autre mousson, une autre averse de pluie incessante. Mais cette fois, quelque chose est différent. D’après les derniers chiffres de la municipalité, le nombre total de personnes admises dans des hôpitaux privés, municipaux et gouvernementaux souffrant de maladies liées à la mousson est de 13.530. Les estimations non officielles sont beaucoup plus élevées. Le paludisme, le grand sujet de cette saison, est en tête de liste : 25 et 3.628 cas. »

« Le nombre de patients atteints de la dengue s’élève à 140 dont 3 morts. Il y a 25 cas de leptospirose dont 5 décès. Les 18 premiers jours d’août ont vu 8.600 cas de fièvres et 1.137 cas de gastroentérite. Les raisons ne sont pas à chercher très loin. Les constructions omniprésentes, responsables de 38% des émissions de particules de matières, sont citées comme la première raison pour la pollution croissante. A cela s’ajoutent l’eau stagnante, foyer de reproduction des moustiques, la saleté générale due à la pluie, les longs trajets en transports, la foule. Et vous avez là un mélange puissant qui prend son dû sur votre santé. La dengue augmente en cas de pluies intermittentes tandis que le paludisme augmente en cas de pluie continue.  »

Un autre reportage de Pratibha Masand, dans le Times of India du 17 août 2010, est plus près de la vérité mais ne fait toujours pas le lien avec le changement climatique :

« Si l’on considère le climat de ces dernières années, la ville a connu de grandes différences entre ses températures minimales et maximales. Selon les médecins, ces fluctuations peuvent être responsables de la propagation des virus dans l’environnement. Elles sont la principale raison de l’augmentation de la grippe saisonnière ».

Les conséquences du changement climatique sur la santé sont en réalité souvent associées aux questions de pauvreté et de gouvernance. S’exprimant à une séance publique à Mumbai en décembre 2009, Ajay Kumar, un sans-abri, affirmait que sur les 8.000 sans-abris de Mahim, tous avaient été malades pendant la mousson précédente. Travaillant principalement dans la restauration lors des mariages ou les travaux dans les maisons, ils se retrouvent pratiquement sans emploi pendant la mousson et disposent alors de peu d’argent et de peu de nourriture. Même s’ils vont à l’hôpital public, ils sont renvoyés au bout d’un ou deux jours et sont encore plus vulnérables aux maladies. La plupart du temps, ils ne sont même pas admis ou traités car les médecins et personnels de santé ont des soupçons quant à la réalité de leur maladie.

Conséquences sur la santé et la vie humaines

Comment le changement climatique est-il lié à ces événements ? D’après les estimations de l’organisation mondiale de la santé (OMS), d’ici 2020 nous devrions perdre 300.000 vies et 11 millions d’année de vie saine en raison du réchauffement climatique. Les changements dans les températures perturberont les écosystèmes naturels. Les inondations et sécheresses plus fréquentes créeront des pénuries alimentaires dans nombre de pays en développement, entraînant la mort de plusieurs millions de personnes dues à la malnutrition et à la famine. Les catastrophes climatiques aboutissent souvent à une surpopulation dans les zones de réimplantation, qui sont peu planifiées et ne bénéficient pas de l’assainissement.

Le deuxième rapport du GIEC mentionnait que l’impact du changement climatique concernera de manière disproportionnée les pays en développement et les pauvres, exacerbant les inégalités dans l’accès à la santé, à une alimentation suffisante, à l’assainissement et à l’eau potable. Le rapport sur la santé mondiale 2002 estimait que 2,4% des diarrhées mondiales et 6% du paludisme en 2000 était dues au changement climatique.

La montée du niveau de la mer provoque des inondations, et les populations les plus pauvres se retrouvent dans des conditions de vie encore plus misérables. Les inondations récurrentes entraînent l’accumulation de l’eau, renforcée par l’expansion urbaine et les autoroutes qui empêchent les systèmes naturels d’évacuation de l’eau de remplir leur rôle. Les inondations et cyclones détruiront les systèmes d’assainissement et les déplacements occasionneront des risques accrus d’infection. Les changements dans le cycle de l’eau risquent de causer une augmentation des maladies transmises par l’eau : choléra, hépatites, peste, leptospirose, syndrome pulmonaire viral hanta, encéphalite à tique.

Avec la hausse des températures, la sphère géographique d’activité des insectes porteurs de virus, tels que les moustiques, et leur période d’activité s’étendront, avec pour effet l’augmentation des maladies telles que le paludisme, la fièvre dengue, l’encéphalite japonaise, le chikungunya ou la fièvre jaune. Les températures extrêmes à certaines saisons provoquent également des coups de chaleur pouvant être fatals.

Enfin, la pollution de l’air, accentuée dans des environnements surpeuplés et pauvres, accroît les maladies respiratoires. On assiste à une augmentation dans l’ampleur et la gravité des infections respiratoires aiguës, pneumonies chez les personnes âgées et les enfants, une aggravation des fièvres virales, bronchites, crises d’asthme, maladies pulmonaires obstructives chroniques chez les personnes âgées et les femmes.

Le cas de l’Inde

Dans la dernière décennie, l’Inde a vécu des catastrophes naturelles plus fréquentes qu’auparavant. Les inondations et les averses torrentielles sont devenues monnaie courante. Des températures extrêmes ont été enregistrées dans plusieurs régions de l’Inde. Les problèmes de santé post-catastrophe sont ainsi devenus des problèmes récurrents voire quotidiens.

Le rapport de la communication nationale initiale de l’Inde à la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique affirme que la sensibilité générale de la population aux problèmes de santé environnementale a considérablement baissé ces dernières années grâce à l’amélioration de l’accès aux infrastructures de santé. Il admet cependant que l’accès aux soins de santé varie entre les États, les districts et les différentes couches de la société.

Le rapport évoque l’été 1994, quand l’Inde occidentale a connu des températures de 50°C créant les conditions de reproduction des insectes vecteurs de maladies. Cet épisode a été suivi par de fortes pluies et d’inondations et l’Etat du Gujarat notamment a été frappé par une épidémie de paludisme.

Le rapport relie les données d’études sur le paludisme depuis les années 90 et l’incidence de l’augmentation des températures et de l’humidité pour conclure que la température a plus d’influence sur la transmission du paludisme que les précipitations. Cependant, les corrélations n’étant pas suffisamment fortes, d’autres paramètres, comme les conditions socio-économiques, influencent aussi la multiplication des vecteurs et la transmission de la maladie. Le rapport mentionne également que les zones péri-urbaines, qui abritent 25 à 40% de la population indienne aujourd’hui, sont de nouvelles aires de paludisme. Les migrants souffrent souvent d’un paludisme chronique et les mauvaises conditions environnementales des habitats temporaires favorisent la reproduction des moustiques et la transmission de la maladie.

Les périodes favorables à la transmission du paludisme devraient évoluer profondément. Le rapport affirme qu’en 2000 huit États (Andhra Pradesh, Chandigarh, Karnataka, Kerala, Maharashtra, Orissa, Tamil Nadu, Bengale occidental) sont vulnérables les douze mois de l’année, tandis que les États du Nord-Est, le Gujarat, l’Haryana, le Madhya Pradesh, le Punjab, le Rajasthan, l’Uttar Pradesh et l’Uttaranchal le sont neuf à onze mois par an.

Sumana Bhattacharya et al concluent que le paludisme devrait persister en Orissa, au Bengale occidental et dans le sud de l’Assam. Cependant il pourrait bouger des régions d’Inde centrale vers les États côtiers du sud ouest (Maharashtra, Karnataka, Kerala) tandis que les États du Nord et du Nord Est (Himachal Pradesh, Arunachal Pradesh, Nagaland, Manipur, Mizoram) pourraient voir l’arrivée du paludisme.

Le rapport recommande des politiques d’adaptation dont l’amélioration des conditions socio-économiques des populations. En plus des mesures spécifiquement liées aux maladies il recommande les actions suivantes :

  • Surveillance accrue et systèmes de contrôle renforcés

  • cartes régionales spécifiques des insectes vecteurs

  • stratégies d’ingénierie technologique

  • amélioration des infrastructures pour éviter la reproduction artificielle

  • interventions médicales

  • développer des modèles prédictifs liant climat et incidence

  • développer des plans de gestion environnementale intégrée

  • éducation publique

Conclusion

La santé et l’environnement sont intimement liés et on ne peut les gérer de manière isolée. Il est par exemple évident que nombre de maladies proviennent de l’eau et peuvent être prévenues en fournissant un accès de base à l’eau potable, à l’évacuation des eaux usées et à l’assainissement. Les inégalités dans l’accès à la santé sont aussi le résultat de l’inégal accès à une alimentation saine, à une eau propre et aux infrastructures sanitaires.

Le changement climatique couplé à la mondialisation libérale augmentera ces inégalités. On peut citer parmi les facteurs aggravants : le passage de la santé publique à la privatisation du système de santé ; le passage à des choix technologiques décidés par le marché ; les politiques d’ajustement structurel qui se sont accélérées avec le programme de réformes économiques depuis les années 90 et ont conduit à la baisse des dépenses sociales ; le déni des besoins fondamentaux et la politique dominée par le monde des affaires.

Pourtant, la plupart des risques sanitaires pourraient être évités grâce aux programmes de santé existants. L’action concertée pour renforcer des éléments clefs des systèmes de santé et la promotion de choix de développement sains peuvent réduire la vulnérabilité aux effets du changement climatique.

Nous devons réévaluer la capacité du système de soins de santé, développer et mettre en Ĺ“uvre des stratégies d’adaptation contre les risques climatiques, former le personnel de santé, informer sur la santé et l’écologie. Cela signifie de renforer les soins de santé primaires, donner la priorité aux maladies contagieuses négligées et prendre en compte les maladies environnementales fréquentes dans les pays tropicaux, assurer la sécurité alimentaire et la nutrition, la santé, l’eau et l’assainissement. La santé des plus vulnérables, femmes, enfants, personnes âgées, pauvres, populations tribales, basses castes, doit être une priorité. La recherche inter-disciplinaire sur la protection de la santé dans un contexte de changement climatique est essentielle

La santé publique doit être prise en compte lors de la formulation de politiques liées à d’autres secteurs comme la politique industrielle. Elle ne doit pas être mise en danger par les accords de libre-échange, accords bilatéraux et les droits de propriété intellectuelle car il faut avant tout assurer la disponibilité de médicaments essentiels et leur utilisation rationnelle.

Palabras claves

salud, salud y medio ambiente, cambio climático


, India

dosier

L’Inde et le changement climatique

Notas

Lire la fiche originale en anglais : Impact of Climate Change on Health in India

Traduction : Valérie FERNANDO

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Fuente

Texto original

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