Le cas de Douala révèle l’importance des motos-taxis et la quasi absence d’une offre structurée de transport par autobus. S’il présente des spécificités propres, la perception des enjeux énergétiques et climatiques dans la question de la mobilité urbaine y est analogue à celle des autres villes millionnaires d’Afrique au Sud du Sahara. On retrouve par ordre d’importance les trois dimensions économiques, sociales et environnementales.
Dans un contexte de contraction du pouvoir d’achat, la répercussion de la hausse du prix du carburant impose la réalisation d’économies d’exploitation à travers des mutations dans le fonctionnement, qui sont visibles chez les moto-taxis à Douala. De récentes enquêtes ont permis de constater un taux d’occupation moyen des moto- taxis de 1,9 personne (1), soit très peu de moto-taxis circulant à vide à l’affût du client. Conjuguée à la concurrence sans cesse croissante dans le métier, la hausse du prix du carburant pousse les conducteurs à stationner aux carrefours et à ne « lancer » la moto que lorsqu’ils ont un client. Dans une moindre mesure, le renchérissement du carburant contribue au sectionnement des dessertes par les taxis collectifs.
Le renchérissement du carburant a également comme conséquence le développement d’une nouvelle forme de trafic. Dans la ville de Douala, certains garagistes ou vendeurs de pièces détachées écoulent du carburant obtenu illicitement à un prix inférieur à celui du marché. Ils sont approvisionnés par les chauffeurs des grandes entreprises de la place, voire par les gestionnaires des stocks de réserve de la Société nationale des dépôts de produits pétroliers.
Si les conséquences économiques sur la mobilité urbaine des questions énergétiques sont importantes sur le long terme, la question sociale se pose plus crûment et parfois de manière dramatique. Les récentes hausses des prix à la pompe suivant les cours mondiaux du brut illustrent leur potentiel de déstabilisation des pays africains, politiquement fragiles.
Ainsi en février 2008 une augmentation de 2,5 % du prix du super a entraîné une grève des transporteurs et constitué le point de départ de manifestations violentes provoquant plusieurs dizaines de morts dans les villes du Cameroun, pour exprimer le mal-être d’une jeunesse confrontée à une pauvreté majoritaire. En réalité, cette augmentation, légère en apparence, se répercute à hauteur de près d’un cinquième des revenus nets des conducteurs de taxis !
La dimension sociale du défi énergétique dans le transport urbain, à l’origine des émeutes, se retrouve également dans ses conséquences. L’activité moto-taxi, employant environ 30 000 personnes à Douala, majoritairement jeunes, dont c’est la seule source de revenus, bénéficie d’une certaine bienveillance de la part des autorités publiques. On a ainsi vu le Ministre des Transports venir présider personnellement une cérémonie de remise de chasubles et de casques à des motos-taximen par un des grossistes du secteur, exprimant une certaine « officialisation » d’un mode jusque là rejeté. Des mesures fortes prises avant les émeutes pour les obliger à détenir un permis de conduire ont été partiellement gelées.
Enfin, la dimension environnementale, bien que perceptible, est malheureusement très peu présente localement dans les décisions comme dans les consciences. En 2003, le coût induit par la pollution de l’air, essentiellement du fait des transports, a été évalué à 1 milliard de Fcfa, soit 0,1 % du PIB de Douala (2). Bien que côtière, la vile ne souffre encore que de manière marginale des conséquences planétaires du changement climatique. La montée des eaux n’affecte jusque là que les îles situées au large, faiblement peuplées mais fournissant une part significative de l’approvisionnement de la ville en poissons et crustacés.
Si les enjeux énergétiques et climatiques constituent des arguments solides en faveur d’un système de transport plus efficace, ils en compliquent la mise en Ĺ“uvre sur le terrain par les difficultés sociales que cela impose. Le déploiement d’une offre structurée d’autobus impose la prise en compte de la notion de rentabilité. Or, le renchérissement du coût du carburant, dont la plupart des États tirent une grande partie de leurs recettes fiscales qui explique leur réticence à toute exonération fiscale, augmente le seuil de rentabilité du ticket de transport et, partant, réduit la portée sociale d’un tel système.
Une ville de l’envergure de Douala présente des niveaux de demande sur les axes centre/ périphérie qui justifieraient l’aménagement d’un système de transport de masse. La solution autobus en site propre intégral présenterait un double avantage : des coûts de construction accessibles et des possibilités d’intégration des artisans les plus élargies. Or, bien qu’ayant séduit en Amérique latine, elle a du mal à se déployer sur le continent africain. La quasi-disparition des entreprises de transport par autobus ferait-elle de cette solution un mirage inaccessible ? Alors qu’on a du mal à déployer une flotte significative d’autobus de transport, comment convaincre localement de la faisabilité d’un site propre intégral ?
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, Camerún, Daoula
Vers la sortie de route ? Les transports face aux défis de l’énergie et du climat
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