01 / 2009
Les pressions des transports sur l’environnement sont généralement divisées en deux catégories : les pressions locales et les pressions globales. Les véhicules motorisés en sont les principaux responsables par leurs émissions de gaz d’échappement qui contribuent à la fois à la pollution atmosphérique locale et au changement climatique global. Ces émissions, loin d’être les uniques externalités négatives de la motorisation, sont les premiers défi s auxquels font face les villes en développement confrontées à une motorisation rapide.
La pollution locale est principalement un problème urbain du fait de la densité de population et de la concentration de l’utilisation de véhicules en zones urbaines. Par le passé, à Shanghaï comme dans toutes les villes chinoises, la pollution atmosphérique était avant tout causée par l’industrie lourde implantée au cœur des villes. A présent, une part substantielle du problème de qualité de l’air dans les zones urbaines chinoises est due aux sources mobiles en dépit d’un taux de motorisation relativement faible par rapport aux villes développées. Ce problème est né rapidement depuis le milieu des années 1990, du fait de l’augmentation rapide du nombre de véhicules.
A Shanghaï, on comptait en 2007 2,54 millions de véhicules motorisés. Il y en avait 0,47 millions en 1996. En même temps que l’industrie lourde a été délocalisée dans la périphérie des agglomérations, le trafic automobile est devenu un enjeu crucial pour la qualité de l’air. En fait, il y a une corrélation absolue entre la consommation d’énergie, l’émission de polluants, l’usage des véhicules motorisés et la croissance économique locale. Qui plus est, la croissance économique à Shanghaï est en tête des villes chinoises. L’analyse de la motorisation nous y renseigne donc sur deux points : d’une part sur les caractéristiques du développement du transport urbain à Shanghaï, d’autre part sur une préfiguration du transport urbain des autres villes chinoises.
Enjeu de la motorisation dans la zone urbaine
Dans les pays en développement, le parc automobile est concentré dans les zones urbaines qui concentrent également la croissance économique. En Chine, le taux de motorisation automobile est de 28 automobiles/1 000 habitants en 2006. Mais à Shanghaï, où les revenus moyens sont cinq fois supérieurs à la moyenne nationale, il est de 33 automobiles/1 000 habitants.
Cette concentration du parc automobile est une caractéristique des pays en voie de motorisation. La figure 1 présente les taux de motorisation à l’échelle urbaine et nationale pour une dizaine de pays répartis en trois catégories en fonction du niveau de motorisation du pays. Dans le type 1, le taux d’équipement en voitures dans le pays est toujours plus élevé que dans les grandes agglomérations du pays. Les flux de circulation dans les zones urbaines denses sont organisés autour de systèmes de transport collectif peu consommateurs d’espace et d’énergie. Dans ces villes, où le transport collectif est déjà très développé, l’usage de la voiture en zone urbaine est moins élevé qu’au niveau national.
Dans le type2, les villes sont toujours dans la période de transition entre congestion automobile et développement d’un réseau de transport collectif permettant de répondre à la demande de mobilité. Par ailleurs, l’augmentation des revenus des populations dans les zones urbaines et rurales moins riches du pays leur ont permis d’accéder à l’automobile. Le taux de motorisation dans les grandes agglomérations est équivalent au niveau national. Dans le type 3, la croissance économique des grandes agglomérations génère une demande de mobilité qui est satisfaite par les véhicules motorisés devenus accessibles par les entreprises et les ménages les plus riches. Malgré un relativement faible niveau de motorisation, les agglomérations connaissent déjà la congestion des axes de circulation. Elles investissent alors dans les réseaux de transport collectifs. Par ailleurs, les grandes agglomérations dans ces pays affichent des niveaux de vie nettement supérieurs au reste du pays où la motorisation n’en est qu’à ses balbutiements. C’est dans ce dernier type de ville que s’inscrit Shangaï.
Les grandes agglomérations dans ces pays en voie de motorisation connaissent les premières contraintes rencontrées par le développement d’un système automobile en zone urbaine. Elles représentent les perspectives des villes de moindre importance tant elles sont le fer de lance de l’économie du pays. Nous proposons donc ici de présenter les tendances de la mobilité urbaine à Shanghaï face au phénomène de motorisation afin d’appréhender le chemin du développement durable des autre villes chinoises.
Le transport urbain à Shanghaï
A milieu des années 1990, les déplacements à Shanghaï étaient largement réalisés à pied ou à vélo. A présent, ces modes non motorisés sont encore très utilisés, même si le développement des modes de transport motorisés individuels a pris une place importante. La part modale de la marche à pied a diminué au profi t du vélo à la fin des années 1980 et au début des années 1990. Elle s’est stabilisée depuis autour de 30 %. Bien que proportionnellement l’usage du vélo ait reculé ces dernières années, il assume toujours un rôle important dans la mobilité urbaine (25,2 %) par rapport aux véhicules motorisés (27,1 %) et au transport collectif (18,5 %).
Toutefois, le rôle du vélo est de plus en plus limité du fait de l’augmentation générale des distances parcourues. Le développement économique de Shanghaï a entraîné en effet une augmentation considérable des distances à parcourir. Cette tendance observable dans toutes les villes chinoises, a été alimentée par la motorisation. Ainsi, si la mobilité des Shanghaïens était dominée par les transports non motorisés et le transport public en 1986, les transports individuels motorisés ont aujourd’hui pris la première place. Le tableau 2 qui présente la répartition modale en passager-kilomètre (pkm) montre la place prise par l’automobile depuis le milieu des années 1990. Les véhicules motorisés (2-roues, automobiles et taxis) représentaient 62,9 % des pkm en 2004.
Ainsi, la croissance économique de Shanghaï a engendré une forte augmentation de la mobilité longue distance qui repose majoritairement sur des modes de transport individuels motorisés (1). La croissance de la flotte de véhicules a été très rapide à Shanghaï. En 1990, on comptait seulement 215 000 voitures. En 2007, on en comptait presque 5,5 fois plus (2). Pour contenir la demande des ménages et éviter la congestion totale des infrastructures, le gouvernement municipal de Shanghaï a mis en place en 1998 un système d’enchères des plaques d’immatriculation. Des réglementations ont également limité le nombre de 2 roues motorisés dans la ville de Shanghai. 90 % des 1,2 million de cyclomoteurs ont une puissance inférieure à 50 cm (3).
Perspective pour un développement durable du transport urbain
Le transport collectif, et particulièrement le métro est amené à jouer un rôle de plus en plus important. Le Livre blanc du transport urbain de Shanghaï, édité en 2002, prévoyait que le réseau de métro atteigne 540 kilomètres en 2020. En 2004, il comptabilise déjà plus de 230 km de lignes et plus de 1,5 millions de voyageurs l’utilisent chaque jour. Le gouvernement municipal de Shanghaï projette en 2020 que les 17 lignes de métro transportent 12 millions de voyageurs/jour. Selon le SCCTPI3, le total des déplacements à Shanghaï, à cette date atteindra 48 millions par jour.
Dans une perspective de développement durable, le bus et les modes de transport non motorisés devraient donc continuer à jouer un rôle important. Toutefois, dans les politiques de transport, les cyclistes, accusés de ralentir le trafic, sont surtout invités à utiliser les transports collectifs.
Par ailleurs, depuis les années 2000, le vélo électrique a pris une place importante dans les déplacements à Shanghaï. Du fait des restrictions sur l’usage des motocycles en ville, Il a séduit les cyclistes qui devaient se déplacer sur de plus longues distance (Figure 2).
Le gouvernement municipal de Shanghaï limite strictement le nombre annuel d’immatriculations et met aux enchères les plaques d’immatriculations d’automobiles. Le prix moyen atteignait 30 000 yuans en 2004, ce qui représente plus de la moitié du prix des véhicules les moins chers. Cependant, on peut observer que la demande d’automobiles grandit en suivant la croissance économique. Ce système d’enchères a permis de limiter la motorisation à Shanghaï où le PIB/habitant atteint 55 000 yuans. Pékin, qui n’a pas mis un tel système en place, est plus de deux fois plus motorisé que Shanghaï. Toutefois, ce système, qui n’a pas les faveurs d’un gouvernement central qui considère son industrie automobile comme un pilier de la croissance économique, ne réduit pas l’intérêt des Shanghaïens pour l’automobile, comme le montre le tableau 3.
Le développement d’une mobilité durable à Shanghaï est ainsi contraint par cette forte demande de motorisation des ménages.
La ville de Shanghai se trouve en effet coincée entre la demande de véhicules motorisés et le développement économique d’une part et les enjeux de pénurie énergétique et de changement climatique d’autre part. Le développement du transport urbain basé sur une maîtrise de la consommation d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre est fortement contraint par les aspirations individuelles de possession d’une automobile. La motorisation du pays est également une ambition nationale pour un pays émergent qui souhaite développer une industrie compétitive avec celles des pays développés. Les villes chinoises devront pourtant susciter un développement différent de celui des pays du Nord face aux contraintes énergétiques et climatiques. La jeunesse de l’industrie automobile chinoise et le développement du vélo électrique peuvent être des atouts pour changer de paradigme technologique dans le secteur automobile. Toutefois, la structure des villes chinoises et leur densité représente un atout pour maintenir des parts modales élevées pour le transport collectif, le vélo et la marche à pied. L’intermodalité représente aussi un enjeu pour permettre une mobilité longue distance sans pour autant recourir aux modes individuels de transport motorisé.
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, China, Shanghaï
Vers la sortie de route ? Les transports face aux défis de l’énergie et du climat
Références
• Committee on the Future of Personal Transport Vehicles in China, (2003), Personal Cars and China, ISBN : 0-309-08492-X, 280p.
• European Environment Agency, (2005), Climate change and a European low-carbon energy system, EEA Report, No 1/2005, 73 p
• Hongyi G., (2004), Study on urban bicycle traffic system, Master thesis, Southwest Jiao-tong University, Chine
• National Bureau of Statistics of China, (2005), China Industrial Maps : Automobiles 2004-2005, Social Sciences Academic Press, 143 p.
• National Bureau of Statistics of China, (2007), China Statistical Yearbook, (Téléchargement sur : www.stats.gov.cn/english/)
• Pan H. et al. (2006), « Infl uence of Urban Form on Travel Behavior in Four Neighbourhoods of Shanghai », TRB 2007 Annual Meeting Paper #07-3361
• SCCTPI, Annual report from 2002 to 2007 (Téléchargement sur site : www.scctpi.gov.cn/)
• Schipper L. et Ng W.-S., (2006), China Motorization Trends : Policy Options In a World of Transport Challenges, World Resources Institute, EMBARQ
• Shanghai Municipal Development Planning Commission, (2002), Shanghai Metropolitan Transport White Paper, 116 p.
• Shanghai City Government, (2004), Shanghai Statistical Yearbook (From 2000 to 2008), (Téléchargement sur : www.stats-sh.gov.cn/2004shtj/tjnj/tjnj2008.htm)
• Yeh C.-F. et Papon F., (2008), « Le développement durable du transport urbain à Shanghai : Quelle place pour le vélo ? », Transports, n° 448 mars-avril, pp. 92-104
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