L’Himalaya indien
La partie indienne de l’Himalaya s’étend sur 10 Etats et couvre 95 districts sur une superficie de 500.000 km², soit 16% de la taille du pays. La population, le climat, l’écologie, les sols, la flore et la faune de l’Himalaya sont très divers. La chaîne comprend les forêts des contreforts, les terres humides du Terai, les vallées du Terai et de Doon, le piémont caillouteux de Bhabar, les régions basses, les forêts de l’étage montagnard, les forêts et prairies alpines (1). Elle compte 31.593.100 habitants représentant 3,73% de la population indienne.
La région himalayenne était autrefois couverte de forêts vierges, d’une faune et d’une flore diverses et abritait d’innombrables espèces de plantes et herbes. Elle est aujourd’hui très dégradée. La diversité est toujours présente avec 13,000 espèces de plantes à fleurs, dont 8.000 dans l’Himalaya oriental et 5.000 dans l’Himalaya occidental. On y trouve 816 espèces d’arbres, 675 plantes comestibles et 1.743 espèces médicinales.
L’économie de l’Himalaya est aussi diverse que sa topographie. Elle comprend l’économie de subsistance des bergers nomades et des petits agriculteurs, aussi bien que les plantations florissantes de thé ou de fruits. Les autres activités sont l’artisanat traditionnel, les emplois temporaires, le travail dans les industries de transformation des fruits et dans les plantations de thé, le tourisme et l’industrie du pèlerinage. Les principales cultures sont le maïs, le blé, le millet, l’orge, le blé noir, la canne à sucre, le thé, les graines oléagineuses et la pomme de terre. Une grande variété de fruits est produite dans tout l’Himalaya. Les principales industries sont la transformation des céréales et des fruits, la production d’huile, de sucre raffiné et de bière. Depuis les années 50, l’industrie du tourisme s’est fortement développée, sous forme d’éco-tourisme, de pèlerinages, de sports d’aventure et d’escalade. Il a été favorisé par la construction de routes et le développement des transport aériens.
L’Himalaya est un écosystème très fragile, qui a préservé son équilibre pendant des siècles, alimentant une biodiversité extrêmement riche. Mais le siècle dernier a vu la rupture de cet équilibre précaire. La situation est aujourd’hui très critique au Sikkim, en Uttarakhand et au Cachemire et modérément grave au Bhoutan et dans l’Himalaya oriental.
La surexploitation des ressources naturelles a conduit à la forte diminution du couvert forestier, l’érosion accélérée des sols, l’envasement des points d’eau, l’assèchement des sources et la disparition de nombreuses espèces animales et végétales. Le ratio énergétique du bois de chauffe, du fourrage et des activités agricoles a par conséquent beaucoup augmenté. Les changements économiques, l’augmentation de la population et l’urbanisation, le tourisme, la construction de voies de communication dans les zones les plus reculées ont un fort impact négatif sur cette région.
Fonte des glaciers himalayens
Il existe une relation étroite entre les montagnes et les plaines. Plusieurs grandes rivières prennent leur source dans l’Himalaya : le Gange, la Yamuna, le Kosi, le Brahmapoutre, qui s’écoulent vers l’Est, et l’Indus, le Sutlej, le Ravi coulant vers l’Ouest. Ces rivières pérennes sont alimentées par la fonte des glaciers de la région himalayenne qui leur fournit 1.200.000 millions de m3 par an. Toute la plaine indo-gangétique, la région la plus fertile du pays nourrissant plus de 900 millions de personnes et produisant une grande variété de cultures, dépend de ces rivières.
Le réchauffement climatique, de l’ordre d’1°C dans l’Himalaya, a des conséquences non seulement pour les régions montagneuses mais aussi les plaines du Nord qui en dépendent. La fonte accélérée des glaciers est un problème majeur. Ainsi, selon l’organisation Greenpeace, le plateau tibétain Qinghai compte 46.298 glaciers. Mais des observations récentes montrent une réduction de 10% sur les trente dernières années, passant de 48.860 km² dans les années 70 à 44.438 km² aujourd’hui.
Ces glaciers étant la source des principaux grands fleuves de l’Inde et d’Asie, leur fonte provoquera dans un premier temps des débits plus importants des rivières ainsi que des inondations, et dans un second temps des sécheresses et pénuries d’eau. L’irrégularité de la disponibilité de l’eau représente un grand risque pour l’avenir. La fonte des glaciers altèrera également l’érosion des sols, le flux des rivières et les dépôts de sédiment. Elle aura des conséquences sur les centrales hydroélectriques actuelles et en construction. La sédimentation accrue affectera les terres agricoles et les canaux et courants d’irrigation ce qui détériorera les modes de culture dans la plaine indo-gangétique.
Évènements extrêmes et risques de catastrophes
L’Himalaya est un système montagneux jeune, toujours en formation, rendant l’ensemble de la chaîne fortement instable et exposée aux séismes et catastrophes naturelles. La déforestation aggrave les effets destructeurs des tremblements de terre, provoque davantage de glissements de terrain et d’inondations. La montée des températures renforcera les événements climatiques extrêmes telles que les débâcles glaciaires qui se produisent quand les lacs glaciers débordent sous l’effet de la fonte des neiges et inondent les régions en aval. Ce phénomène entraîne aussi la baisse de l’eau disponible dans les lacs. La fonte des glaciers augmente les risques de crues destructrices, affectant les populations vivant en aval et dans les plaines, comme on a pu le voir avec la rivière Kosi qui a dévasté le Bihar en 2008. Dans les montagnes, la fonte des neiges laissera de plus en plus de zones à nu, d’autant plus vulnérables au ruissellement accéléré et aux glissements de terrain.
Sécurité alimentaire
Dans la région himalayenne, les moyens de subsistance de la population sont directement liés à l’alimentation, au fourrage et au combustible fournis par l’environnement. L’économie locale est caractérisée par la pauvreté, l’isolement, l’inaccessibilité, et un accès limité aux opportunités d’emploi. L’absence d’emploi et la disparition progressive des artisanats traditionnels dans un contexte de changement économique a conduit à une très forte migration vers les villes.
L’évolution du climat et ses effets sur les glaciers, les forêts et l’eau aura un impact négatif sur l’humidité des sols, la disponibilité de l’eau et donc sur la production alimentaire. Cela augmentera l’insécurité alimentaire en particulier chez les plus pauvres et marginalisés. La perte de biodiversité et d’agro-diversité rend aussi les populations plus vulnérables et moins capables de s’adapter aux changements rapides attendus.
Les changements dans l’Himalaya affecteront les plaines fluviales et la production alimentaire. Les précipitations non saisonnières et irrégulières, les inondations et les sécheresses prolongées feront baisser la production agricole. Avec des ressources en eau en diminution, des nappes phréatiques en baisse et des températures en hausse, les sols s’assècheront. La perte de journées de travail et donc de revenus annuels, la migration et l’urbanisation renforceront les conditions d’insécurité de la population.
Vulnérabilité des populations
Les groupes sociaux marginalisés et vulnérables, comme les femmes, les enfants, les personnes âgées et les handicapés, souffriront plus des conséquences du changement climatique compte tenu de leurs plus faibles ressources pour y faire face. Ces groupes sont physiquement, socialement ou psychologiquement plus vulnérables. Cette vulnérabilité est renforcée par divers facteurs : les conditions de vie difficiles, isolement et faible accès aux infrastructures publiques, choix limité d’activités.
Les femmes en particulier ont des conditions de vie difficiles dans les montagnes. Les tâches de collecte de bois, d’eau et de fourrage qui leur incombe généralement sont rendues de plus en plus difficile et dangereuses en raison de l’escarpement et de la fragilité des pentes montagneuses, de la raréfaction des ressources naturelles en quantité et qualité. La collecte devient toujours plus difficile, et demande toujours plus de temps et d’efforts.
Les travaux ménagers qui s’ajoutent aux activités de subsistance augmentent leur fardeau. Les infrastructures sociales et les services publics leur restent inaccessibles, leur mobilité étant par ailleurs réduite par la maternité et les normes culturelles. Peu de femmes des montagnes ont accès à l’éducation et leur niveau d’alphabétisation est très bas. Tandis que les hommes sont poussés à la migration économique pendant de longues périodes, l’entière responsabilité du foyer et des activités de subsistance incombe aux femmes.
Nouveaux défis sanitaires
Le réchauffement de l’Himalaya, la fonte des glaciers, la disparition des forêts signifient que les maladies, insectes et bactéries adaptées à des climats chauds risquent de s’étendre vers le Nord de l’Inde, dans les montagnes. La santé de la population, souffrant par ailleurs de malnutrition ou d’insécurité alimentaire, en sera fortement affectée.
Le changement de climat sera favorable au développement des diarrhées et maladies infectieuses, transmises par les insectes, les moustiques en particulier (paludisme, fièvre dengue, encéphalite japonaise). Les insectes transmetteurs de virus se reproduisent plus rapidement à des températures plus élevées. Leur distribution géographique va évoluer notamment en se répandant dans les zones de haute altitude où ils n’étaient pas présents, augmentant la diffusion des maladies à de nouvelles populations. La plus grande fréquence des catastrophes et leurs conséquences sur les biens, les moyens de subsistance, les infrastructures rendra les plus faibles encore plus vulnérables aux maladies.
Grands barrages et changement climatique
Ces dernières années le Pakistan, l’Inde, le Bhoutan et le Népal ont projeté de construire de grands barrages dans l’Himalaya. Sept cent barrages sont proposés dans la région, ce qui pourrait offrir une capacité supplémentaire de 150.000 MW dans les vingt prochaines années. En Inde, 74 barrages d’une capacité de 15.208 MW sont en activité, 37 projets de 17.765 MW sont en construction et 318 projets sont prévus pour une capacité de 93.000 MW.
La plupart des projets sont situés dans des zones fortement sismiques de la chaîne himalayenne, sujette aux glissements de terrain, aux crues et tremblements de terre. La sécurité de ces projets et des zones environnantes est donc mise en question.
La fonte des glaciers himalayens liée au changement climatique augmentera le débit de ces barrages, posant le risque du débordement ou de la brèche et des inondations des régions en aval (Cf. les inondations du Kosi en août 2008). Les flux rapides accélèreront également la sédimentation des réservoirs, d’autant plus que l’Himalaya est fortement sujet à l’érosion et les rivières charrient beaucoup de limon. L’accumulation de sédiments derrière ces barrages privera les plaines en aval des nutriments et dépôts de limon qui sont à la source de leur fertilité.
Détérioration de l’environnement politique régional
Les liens les plus importants entre la Chine et le Tibet, le Népal, le Pakistan, le Bangladesh et l’Inde sont les grands fleuves qui traversent pratiquement tous plusieurs pays. Même s’ils partagent des caractéristiques communes en termes géographique, culturel et climatique les situations politiques et économiques sont très diverses, avec de fortes tensions intérieures et extérieures. Alors que le Népal et le Bhoutan ont des économies fondées principalement sur la production agricole avec un faible niveau d’industrialisation, le Pakistan, l’Inde et la Chine sont bien plus industrialisés. Les politiques de développement, leurs priorités et contraintes diffèrent donc.
Le changement climatique aura des conséquences sur l’environnement politique de ces pays. Les prochaines décennies verront un mouvement massif de réfugiés climatiques suite à la fonte des glaciers himalayens qui entraîneront des inondations et pénuries d’eau dans les montagnes et les plaines de l’Inde, du Pakistan et du Bangladesh, la montée des eaux le long des côtes indiennes et bangladaises. On prévoit que 600 millions de personnes seront affectées dans les plaines et les deltas. Des tensions frontalières pourraient surgir du fait des mouvement de population entre pays voisins. Les catastrophes climatiques conjuguées à la pauvreté qui caractérise cette région mettront à rude épreuve les relations politiques déjà tendues dans la région. Seule la coopération régionale permettra d’éviter une escalade des tensions et des confrontations violentes.
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, India
L’Inde et le changement climatique
Lire l’article original en anglais : The Himalayas and climate change in India
Traduction : Valérie FERNANDO
Pour aller plus loin :
International Rivers, « Mountains of concrete: Dam building in the Himalayas », décembre 2008
Mats Eriksson, Jing Fang and Julie Dekens, “How does climate change affect human health in the Hindu Kush-Himalaya region?”,in Regional Health Forum,Vol.12, N°1, 2008
J.S. Singh, Sustainable development of the Indian Himalayan region: Linking ecological and economic concerns, in Current Science, Vol.90, N°6, March 2006
R. K. Maikhuri, K. S. Rao, R. L. Semwal, “Changing scenario of Himalayan agroecosystems: loss of agrobiodiversity, an indicator of environmental change in Central Himalaya, India”, in The Environmentalist, March 2001
Voir également le site: Mountain voices, publiant des entretiens sur les thème du changement et du développement avec des habitants des montagnes du monde entier.
Texto original
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